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Pour qui votent les croyants ?

 

Pour qui votent les croyants ?

 

     La religion reste aujourd’hui un marqueur important du vote, même si les autorités religieuses sont particulièrement prudentes et s’abstiennent de toute consigne explicite de vote. Les débats de mœurs, qui font  partie intégrante des programmes des candidats, sont eux aussi déterminants pour les croyants. Et même si le total de la population religieuse pratiquante n’est pas majoritaire dans le corps électoral, ces différents votes peuvent se révéler décisifs dans l’entre deux tours de l’élection présidentielle. Et puis il faut souligner que nous disposons pour cette élection présidentielle de données sérieuses relatives à plusieurs religions. Même si depuis la IIIe République et en vertu du principe de laïcité la question de l’appartenance à une religion n’est plus posée en France lors du recensement.

 Le vote catholique, à droite ?

Il n’y a pas eu de surprise pour le vote catholique du premier tour de l’élection de 2012. Plus la pratique religieuse augmente, plus le vote en faveur du candidat de droite augmente aussi.

Les pratiquants réguliers (ceux qui se rendent à la messe au moins une fois par mois) ont voté à 47% pour Nicolas Sarkozy au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 (Sondage La Vie-Harris Interactive[1])

Ils sont 17% à avoir voté pour François Bayrou, le plaçant en tête devant Marine le Pen (15%). François Hollande ne récolte que 14% des voix des pratiquants réguliers.

En 2007, Nicolas Sarkozy avait recueilli 49% chez les pratiquants réguliers. Rien d’étonnant, puisque Nicolas Sarkozy  est l’homme politique qui a repris à son compte le concept de « laïcité ouverte », notamment dans son livre paru en 2004, La République, les religions et l’espérance. Parallèlement, les valeurs chrétiennes sont devenues un élément structurant de son discours durant la campagne présidentielle de 2007 : « Nous sommes les héritiers de deux mille ans de chrétienté et d’un patrimoine de valeurs spirituelles que la morale laïque a incorporé » lançait-il à Versailles, le 14 janvier 2007, à la veille de son discours d’investiture[1]

Et il vient de boucler la boucle dans son discours du 24 avril à Longjumeau, comme dans son discours du 25 avril à Cernay en Alsace.

 Le vote protestant, en évolution/ 1 115 000 de votes[2].

Selon un sondage Ifop pour la revue Réforme datant de fin mars 2012 une majorité de protestants s’était déclarée plutôt favorable à Nicolas Sarkozy, à 33, 5% contre 22, 5% pour François Hollande. François Bayrou arrivait quant à lui en troisième position, avec 16,5% des intentions de vote, en recul par rapport aux intentions de 2007 (27%). Marine le Pen était créditée de son côté de 14% des intentions de vote des protestants.

Au second tour, ils voteraient pour Nicolas Sarkozy à 53, 5 % contre 46,5% pour François Hollande.

Traditionnellement plutôt de gauche, les explications de ce virage au centre et à droite sont plurielles : vieillissement de la population, mais aussi montée des évangéliques, réputés plus conservateurs sur les sujets de mœurs – selon le Cevipof. Par ailleurs, ce virage est à nuancer en fonction de la zone géographique : les protestants du Sud (Ardèche, Aveyron, Drôme, Gard, Hérault, Haute-Loire, Lot, Lozère, Vaucluse)  restent à gauche ; ceux de l’Est, de culte luthérien, moins marqués que leurs coreligionnaires par le souvenir de la répression du protestantisme au XVIe et XVIIe siècle, sont à droite. Prenant acte de ces disparités, le CEVIPOF préfère parler des votes protestants au pluriel, plutôt que d’un vote protestant au singulier.

 Le vote juif, changement de cap depuis les années 2000/ 260 000 électeurs[3].

Le poids de la population juive dans l’électorat est très minoritaire. Historiquement, c’est un vote qui se situait plutôt à gauche, fidèle à l’héritage de l’assimilation de la population juive rendue possible par la Révolution française. En 1981, la population juive a soutenu massivement l’élection de François Mitterrand. Depuis cette période, une grande partie du vote juif est passé à droite, avec notamment en 2007 un vote important  en faveur de Nicolas Sarkozy (45,7%). Une partie du vote juif se reconnaît cependant toujours dans la gauche, et d’ailleurs le score de Ségolène Royal qui avait obtenu en 2007 trois points de plus que la moyenne nationale (avec 28, 8%) en est l’illustration. Lors de cette même élection, le vote en faveur de Jean-Marie le Pen était extrêmement minoritaire puisqu’il était de 4, 3%.

Ce virage à droite semble selon le CEVIPOF dater du déclenchement de la deuxième Intifada, à l’origine d’un regain d’antisémitisme en France. Nicolas Sarkozy ayant aussi séduit cet électorat en raison de ses positions atlantistes et en faveur d’Israël. La popularité de Nicolas Sarkozy a d’ailleurs perduré après son élection, mais a commencé à chuter à partir de la deuxième partie de son mandat. Reste à savoir si la droitisation de son discours n’a pas érodé la confiance de l’électorat juif. Ajoutons néanmoins que Nicolas Sarkozy a été élu à plus de 80% lors du premier tour de l’élection de 2012 en Israël.

 Le vote musulman, un vote orienté à gauche

Les musulmans membres du corps électoral français sont minoritaires : en 2007, ils représentaient environ 5% des électeurs inscrits[4]. Nous ne disposons pas de données relatives aux intentions de vote musulman en 2012. Les seules estimations remontent à 2007 : selon la note du CEVIPOF de décembre 2011, sur 100 suffrages exprimés au second tour de l’élection présidentielle de 2007, 95 étaient en faveur de Ségolène Royal.

 Le vote musulman semble donc très clairement orienté à gauche, ce qui pourrait s’expliquer par les critères sociaux de cette population, largement issue de l’immigration. Mais le CEVIPOF a réussi à établir après croisement de méthodes statistiques qu’il y a bien une spécificité du vote musulman lié au seul facteur religieux, une fois avoir neutralisé les critères sociaux comme l’âge, le genre, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle.

Le vote musulman est bien un enjeu électoral de premier ordre : depuis le premier tour de l’éléction, l’UMP fait planer la rumeur d’un vote des « 700 mosquées » favorable à François Hollande, comme le rapporte le site du journal Le Monde.

[1] Enquête réalisée en ligne le 22 avril en journée sur un échantillon de 2935 inscrits sur les listes électorales, issu d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

[2] Selon une étude IFOP daté de juin 2010 pour la Fédération protestante de France, Réforme, la Croix, et l’Institut européen en science des religions.

[3] Selon le travail de la Note CEVIPOF sur Les votes juifs, Note n°15 de mars 2012.

[4] Enquêtes CEVIPOF et partenaires, citée dans la note CEVIPOF sur Le vote des musulmans, Note n°5  de décembre 2011

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