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Tunis Sous L’occupation Allemande, par Emile Tubiana

Tunis Sous L'occupation Allemande

par Emile M Tubiana   

 

 

Tunis Sous L'occupation Allemande
 

 

Durant l'occupation allemande en Tunisie, les hommes juifs étaient pris par les Allemands aux travaux obligatoires; les Juifs riches devaient verser des sommes importantes à une caisse spéciale du Comité Juif de Tunis. Ces sommes devaient payer la nourriture des travailleurs forcés juifs. Les jeunes gens des familles riches pouvaient se soustraire ainsi à ces travaux durs. Les familles juives qui habitaient des villas et des beaux appartements devaient céder le meilleur de leur foyer aux officiers allemands.
 

 

La soeur de ma grand_mère, qui travaillait et habitait dans un quartier riche, m’a relaté cette histoire.
 

 

Une de ses voisines, qui était dans sa soixantaine, se trouvait dans l'obligation d'héberger un hôte allemand malgré elle. Son fils Robert qui lui était pris dans une raffle était enfin libéré des travaux forcés grâce à l'intervention de cet officier allemand. Ce colonel venait tous les soirs à la maison et occupait la meilleure chambre de la maison. La vielle dame cuisinait des bons plats. L'Allemand mangeait à table dans la seule salle à manger où toute la famille prenait le dîner. Ainsi la dame, qui ne pouvait supporter d'avoir un "boche" à sa table, finit par lui servir aussi tous les matins le petit déjeuner et les soirs le dîner. L'Allemand avait aimé son couscous et surtout ses boulettes. La bonne cuisinière lui faisait des bons petits plats pour garder de bons rapports, selon la coûtume du pays. Ce soldat qui était là pour faire la guerre se trouvait bercé par la gentillesse et le soin d'une famille juive tunisienne.
 

 

Après un certain temps, il finit par appeler la dame, 'maman' et pour se rendre crédible et qu'il était vraiememnt sincère, il apportait tous les soirs des friandises en remerciement pour sa gentillesse. Il était si bien éduqué qu'il apportait aussi de temps à autre du tabac et des feuilles de cigarettes à son mari. Celui_ci les revendait au marché noir et s'acheteait avec la recette des produits qui lui manquaient.
 

 

Un jour le colonel apporta un bon Pumpernickel (un pain noir très fameux). La bonne mère qui n’avait jamais vu un tel pain, à voir celà, dit instinctivement: "El Lotf"(que Dieu nous préserve). Le colonel croyant que c’était un compliment et demanda a son fils Robert: "Qu’est_ce que ta mère a dit?" Celui_ci, avec un flegme, traduit: "Celà veut dire: Quel miracle!" L’Allemand tout fier de lui_même fit: "Madame, je peux vous apporter tous les jours des miracles pareils". La pauvre femme, ne comprenant plus rien de l’histoire, lui remercia et s’enfuit dans sa chambre.
 

 

Les membres du Comité Juif approchaient maintes fois le mari pour lui demander des faveurs, qu'à son tour il les demandait à l'officier. Ainsi plusieurs hommes qui étaient chétifs et ne pouvaient pas supporter les travaux durs auquels on les avait assujéttis finissaient par être libérés. Les relations entre la dame, son mari et le colonel étaient très polies et respectueuses.
 

 

Un samedi cet officier était resté à la maison, ce qui ne plaisait pas du tout à la dame et à son mari. Les deux maintenaient la tradition juive. Le samedi on ne cuisinait pas, le mari ne fumait pas, par respect du Shabat. Le matin le colonel fit tranquillement sa douche et commençait à chanter des chants allemands qui étaient loin des sons français et arabes connus par les Juifs. La dame faisait des grimaces  à son mari en signe de mécontentement. Après s’être habillé, l'officier rentra avec une cigarette allumée chez la dame, pour la saluer. La bonne mère le renvoit avec une sévérité qui laissa l'Allemand stupéfait. Le colonel qui voulait quand_même se montrer poli, alla à la chambre de son fils et se plaigna auprès de celui_ci de l'attitude étrange de sa maman. Robert qui devait sa vie à cet officier, de l'avoir libéré des travaux forcés, se sentit obligé de l'accueillir. Il lui dit:
 

 

" Wolfgang, tu a osé aller chez ma mère avec une cigarette allumée le Shabat, tu n'a pas honte? L'Allemand, à qui jusqu'ici personne n’avait jamais parlé avec des propos semblables et comme il ne voulait pas perdre la gentillesse et le bon soin de la bonne mère, dit à Robert:
 

 

"Que dois_je faire pour réparer ceci?" Robert d'un flegme bien tunisien lui répondit:
 

 

"Entre chez maman sans cigarette et demande_lui pardon et promets_lui de ne plus fumer le Shabat." Le colonel qui jouissait des bons plats et du bon soin de sa maman, alla chez elle en lui promettant de ne plus fumer le samedi.

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