Share |

Tunisie: l'armée mal préparée à affronter le phénomène djihadiste

Tunisie: l'armée mal préparée à affronter le phénomène djihadiste

 

 

Les experts semblent à peu près unanimes : l’armée tunisienne n’est pas correctement équipée et dimensionnée pour faire face au terrorisme, notamment aux actions comme celle du 7 mars 2016 à Ben Guerdane. Depuis l’indépendance, les dirigeants politiques se sont toujours méfiés de l'institution militaire. Et ont freiné son développement.

Au moment de la révolution du 14 janvier 2011, l’armée a acquis une grande popularité, notamment en raison du rôle de son chef d’état-major, le général Rachid Ammar. Lors des évènements, ce dernier aurait dit non au dictateur Zine el-Abidine Ben Ali et refusé de tirer sur la foule, donnant ainsi «un coup de pouce décisif à la révolte populaire qui a balayé»l’ancien régime, rapportait Jeune Afrique le 7 février 2011. Par la suite, le journal affirmera qu’il s’agissait en fait d’une «légende» «fabriquée de toutes pièces par un obscur blogueur». Aujourd’hui encore, l’affaire reste apparemment une énigme.

Quoi qu’il en soit, après la chute de la dictature, les militaires ont dû assumer des missions auxquelles ils n’étaient pas préparés : «maintenir l’ordre public en ville (…), gérer l’afflux désordonné de millions de réfugiés fuyant la désintégration de la Libye, prévenir l’extension du conflit aux frontières, garantir la sécurité des élections… et la tenue des épreuves du baccalauréat», observe Jeune Afrique.

Pour autant, la période de transition, les changements de gouvernements et de responsables ne leur ont pas facilité la tâche. Les nouvelles autorités ont renouvelé «la grande majorité des gradés, chaque camp au pouvoir cherchant à installer ses hommes», constate le journal (français) L’Opinion. Ce qui n’a pu que contribuer à déstabiliser l’institution militaire.

«Ennemi invisible et imprévisible»
Par la suite, formée pour un «combat de type conventionnel», cette dernière a dû affronter le terrorisme, «ennemi invisible et imprévisible», auquel elle n’était pas préparée.

 

L’armée tunisienne compte aujourd’hui quelque 35.500 hommes : 27.000 dans l’armée de terre, 4000 dans l’aviation, 4500 dans la marine. Mais elle reste sous-équipée pour faire face aux nouvelles menaces : elle est en effet dotée de matériels anciens et inadaptés, fournis pour la plupart par les Etats-Unis et la France.

Ainsi, «faute de blindés protégés contre les mines et les EEI (engins explosifs improvisés, NDLR), les militaires tunisiens ne disposent que de lourds chars M60, peu maniables», rapporte un expert, Laurent Touchard. De plus, «les moyens héliportés, indispensables aux actions commandos, font cruellement défaut. L’armée ne possède toujours pas d’hélicoptères de combat modernes, équipés de systèmes de vision nocturne, de caméras thermiques», précise Jeune Afrique. Autant d’équipements nécessaires pour lutter contre les djihadistes.

Méfiance, méfiance…
L’inadaptation de l’appareil militaire à ces nouvelles menaces ne date pas d’hier. Depuis l’indépendance en 1956, le pouvoir politique s’est toujours méfié de lui. Le premier président de la Tunisie dégagée de la tutelle coloniale, Habib Bourguiba, se méfiait des casernes,«particulièrement après la tentative de coup d’Etat de huit officiers en 1962», raconteL’Opinion.

La méfiance était tout aussi vive du temps de son successeur, Ben Ali. Lequel s’appuyait surtout sur la police, chargée de la répression contre les opposants et l’«ennemi intérieur». Une méfiance qui se lit aujourd’hui dans les chiffres. Selon le site webdo.tn, en 2013, le budget du ministère de la Défense atteignait 1,3 milliard de dinars (578 millions d’euros au 11-3-2016). Soit «à peu près la moitié du budget du ministère de l’Intérieur»…
 
Pour autant, même plus gâtée que les militaires, la police n’a pas forcément, dans le passé, utilisé cet argent à bon escient. «Sous l’ancien régime, contrairement à une idée reçue, l’appareil de sécurité intérieure était peu efficace», explique un analyse de l’ONG International Crisis Group, Michaël Béchir Ayari.

 

«L’autoritarisme entretenait l’illusion d’une toute-puissance de la police. (Mais) celle-ci était très faible, la sécurité était plus ou moins maintenue parce qu’il y avait tout un système de propagande, un parti hégémonique qui jouait le rôle d’agence de renseignements et surtout parce que la peur du policier était savamment entretenue. Or une fois la barrière de cette peur levée au cours des années 2000, (…) la police est devenue incapable de maintenir l’ordre. Sa faiblesse apparaît aujourd’hui au grand jour», poursuit Michaël Béchir Ayari. On comprend dès lors mieux le désarroi des actuelles autorités tunisiennes face au phénomène djiahdiste.

Nous avons sollicité à plusieurs reprises le ministère tunisien de la Défense pour obtenir son point de vue et confirmation de certains chiffres. Il n'a pas donné suite à notre demande d'entretien.

Par Laurent Ribadeau Dumas

Options d'affichage des commentaires

Sélectionnez la méthode d'affichage des commentaires que vous préférez, puis cliquez sur « Enregistrer les paramètres » pour activer vos changements.

Rachid Ammar est un grand menteur , le president ben ali , na jamais donné l ordre de tirer sur la foule . Jeune Afrique devrait etre un peu plus serieux dans ces affirmations sur la tunisie .

Publier un nouveau commentaire

CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage.
12 + 1 =
Résolvez cette équation mathématique simple et entrez le résultat. Ex.: pour 1+3, entrez 4.

Contenu Correspondant