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Tunisie : le printemps des arts de la Marsa ou le crépuscule de la Liberté

 

Tunisie : le printemps des arts de la Marsa ou le crépuscule de la Liberté

 

Harold Hyman

 

 

De passage à Tunis le week-end du 9 et 10 juin, j'ai fait un saut à La Marsa pour voir cette exposition. On se serait cru sur la Côte d'Azur, mais avec encore beaucoup plus de culture.

Des tableaux nombreux, dont un quart environ avaient une thématique politique. Assez proches du pamphlet, pour certains. De ce que j’ai vu – j’ai TOUT vu – une seule œuvre était ne serait-ce qu’un peu blasphématoire : on y voyait le mot Allah formé par une procession de fourmis, procession qui se terminait dans le cartable d’une figurine de petit écolier. Dans le genre blasphème, il y a pire. Tout le reste était évidemment anti-islamiste, des Ben Laden avec des "happy face". Quant aux quatre punching-balls portant l’image d’un visage de femme voilée, marquée « Je suis musulmane », « Je suis chrétienne », « Je suis juive », « Je suis de toutes les nationalités ».

Et puis beaucoup d’art critiquant Ben Ali, et encore de l’art un peu politisé, mais tellement civilisé que je ne me rappelle plus. On voit cela à Paris et à New York sans y penser bien longtemps. Mais rafraîchissant, non censuré, libre, mondial tout en étant référencé tunisien.

J’ai pris un café avec deux journalistes culturels et un galeriste qui avait lui fondé un hôtel doublé d’un centre culturel privé et pourtant ouvert à un large public à Djerba. Bref, l’air tunisien était si frais à La Marsa ce soir-là du 8 juin !

Penser que ces œuvres furent le point de départ d’une série d’émeutes en divers lieux, d’attaques contre des commissariats de police. Les salafistes militants sont venus le tout dernier jour de l’exposition, et ont prononcé un rejet général sur de nombreuses œuvres et particulièrement les femmes punching-balls. Une vague évidemment concertée, car ces œuvres étaient exposées depuis des jours.

Le pouvoir tunisien, c’est-à-dire le gouvernement mené par Ennahda, réprima les émeutiers salafistes mêlés à bon nombre de pillards, puis s’empressa le lendemain d’annoncer une loi pour protéger le sacré et pour épargner les Tunisiens croyants de tout offense. Offense dont ils n’étaient pas venus s’informer particulièrement, le Printemps des Arts ne fait pas mystère de son ton moqueur et libéré. Le ministre de la Culture, que j’ai aperçu au Tunithon – téléthon pour lever des fonds pour les jeunes désireux de lancer des entreprises – la nuit du 9 juin au théâtre municipal avec ses décorations (je parle du Théâtre) de statues de moult femmes nues, ce ministre était là à discuter avec d’autres ex-prisonniers et opposants persécutés, communistes pour un bon nombre. C’est lui qui présente la loi pro-sacré. Il n’aurait plus de marge de manœuvre. Dans quelques mois, en aura-t-il davantage ?

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