Un avocat de Lyon demande la récusation d'un magistrat au nom juif, colère du monde judiciaire
L'ordre des avocats de Lyon a annoncé mardi la saisine du conseil de discipline à l'encontre d'un avocat ayant demandé la récusation d'un juge au motif que son nom est juif, un recours aux relents antisémites qui a suscité la colère du monde judiciaire.
"Je saisis le conseil de discipline dans la semaine. Nous sommes complètement outrés par de tels propos", a dit à l'AFP le bâtonnier de Lyon Philippe Meysonnier, réagissant à cette affaire révélée mardi par le journal Libération.
Sous le titre "le père de la prévenue s'appelle Moïse et le juge Lévy: inconciliable pour l'avocat", Libération publie en effet le fac-similé de la requête en récusation du juge Lévy, rédigée par un avocat lyonnais habitué jusqu'ici à l'anonymat, Me Alexis Dubruel, dans un banal dossier de respect du droit de visite concernant un enfant.
Selon cet avocat, le juge manquerait d'impartialité dans un dossier où le père de la prévenue s'appelle Moïse."Le +papa+ de la personne (...) se prénomme Moïse", et "la première page de la notice du mot +Moïse+ sur le site Wikipédia mentionne que ce mot +est selon la tradition, le fondateur de la religion juive+", écrit Me Dubruel.
Or, "la première page de la notice du mot +Levy+ sur Wikipédia mentionne que ce mot +est, dans le peuple juif, un des noms portés par les descendants des lévites+", ajoute l'avocat, concluant que "la matérialité de ces constatations n'est pas contestable".
Cette requête en récusation a été adressée fin octobre au premier président de la cour d'appel de Lyon, Jean Trotel, mais l'affaire n'a commencé à s'ébruiter que "depuis quelques jours", suscitant dès lors une "mobilisation" des avocats et magistrats, a précisé le bâtonnier de Lyon.
"Monsieur Trotel statuera dans l’après-midi sur la requête en récusation dont il a été saisi", a annoncé mardi à l'AFP la cour d’appel de Lyon.
"De mémoire de magistrat, on n'avait jamais vu une telle requête", avec un "fondement clairement antisémite", s'est indigné Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la magistrature, interrogé par l'AFP. "C'est un acte extrêmement grave qui ne peut pas rester sans suite", a-t-il insisté.
----------"Aspect juridiquement délirant"------------
"Au-delà de l'aspect humainement inacceptable de cet avocat et de l'aspect juridiquement délirant de sa demande, se pose la question de la conception de l'impartialité du juge", a-t-il expliqué.
Avec une telle conception, "un juge pourrait être mis en cause pour son homosexualité dans le cadre de procédures de garde d'enfant", a donné en exemple le président du Syndicat de la magistrature, classé à gauche.
Alain Jakubowicz, avocat du juge Lévy et par ailleurs président de la Licra, s'est lui aussi insurgé contre ce risque de dérive, avec des justiciables ne voulant "pas être jugés par un juge homosexuel ou noir" ou d'une appartenance religieuse supposée. Comme dans cette affaire où "tout part du patronyme d'Albert Lévy".
Outre le conseil de discipline, "on attend de voir comment va réagir l'autorité judiciaire. Le parquet général peut saisir le procureur de la République pour d'éventuelles poursuites", a ajouté Me Jakubowicz.
"Il y a une autorité judiciaire qui est saisie, qui n'est pas le quatrième pouvoir" qu'est la presse, a réagi de son côté Me Dubruel, interrogé par l'AFP, visiblement furieux de l'ébruitement de l'affaire.
Celle-ci fait d'autant plus de bruit que le juge visé, Albert Lévy, figure de la magistrature lyonnaise et du Syndicat de la Magistrature, a fait déjà l'objet de plusieurs attaques antisémites, dont la dernière remonte au printemps, quand le groupe islamiste Forsane Alizza avait projeté son enlèvement. Ce Premier vice-président du Tribunal de grande instance de Lyon avait alors été placé sous protection policière.
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