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"Un Juif pour lʹexemple" ou quand lʹHistoire fait mal

"Un Juif pour lʹexemple" ou quand lʹHistoire fait mal

 

Le film de Jacob Berger est une adaptation libre du roman de Jacques Chessex. [RTS]

 

Le cinéaste genevois Jacob Berger signe un film historique et politique, "Un Juif pour lʹexemple", librement adapté du livre de Jacques Chessex (2009). Cette histoire "immonde", comme l'écrit Chessex, dérange-t-elle toujours autant?

"Un Juif pour l'exemple", qui sort mercredi dans les salles romandes, raconte l'histoire d'un fait divers, l'assassinat d'un marchand de bétail juif, Arthur Bloch, joué par Bruno Ganz, par des sympathisants nazis en 1942, à Payerne, pour l'offrir à Hitler.

Jacques Chessex avait publié un premier texte sur ce drame dès 1967. Suivra l'enquête du journaliste Jacques Pilet parue sous le nom de "Le crime nazi de Payerne" et un documentaire à la télévision romande, qu'il coréalise avec Yvan Dalain pour Temps Présent en 1977. Puis le roman polémique de Chessex en 2009.

 

Salutaire travail de mémoire

La fiction de Jacob Berger évoque également la polémique entourant la sortie du roman éponyme en 2009. "Tout le monde a voulu glisser ce crime sous un tapis de silence", relève le réalisateur à propos de la difficulté d'affronter une réalité historique sur le nazisme en Suisse.

Si le film opère à son tour un salutaire travail de mémoire, il l'effectue en dialoguant sans cesse avec notre époque contemporaine. On voit ainsi une affiche antisémite sur un mur, qui rappelle les affiches racistes récentes de l’UDC. Plusieurs anachronismes renforcent les résonances entre passé et présent, entre la littérature et le cinéma.

Dans un entretien pour l'émission "Nectar", Jacob Berger explique que le cinéma ne peut pas faire la même chose que la littérature. Dans son film, il a volontairement choisi de ne pas donner une place importante à la parole antisémite, comme Chessex l'avait effectué dans son livre.

"Il y a des résonances extrêmes entre les années 30-40 et aujourd'hui", a analysé récemment au 12h45 le cinéaste genevois. De ces échos, Jacob Berger interroge le potentiel des sociétés à glisser dans l'horreur et la barbarie.

 

Climat de peur en Suisse comme en Europe

Interrogé dans Forum mardi, Jacques Pilet revient sur le contexte qui a présidé son enquête auprès des habitants de Payerne au milieu des années 70: "On voulait toujours gommer l'aspect antisémite de cette affaire (...). Dans la Broye, les gens impliqués en parlaient avec détachement, avec une bonhomie toute vaudoise, glaçante".

Pour l'historien Luc van Dongen, qui a consacré sa thèse à la manière dont la Suisse est devenue, à partir de 1943, une terre de refuge pour des nazis, des fascistes, des collaborateurs, d'Allemagne, d'Italie ou de France, on ne peut toutefois pas aller jusqu'à dire "que la Suisse était fascinée collectivement par le IIIe Reich" au moment des faits.

"Mais il régnait un climat de peur en Suisse comme en Europe (...) Et l'indifférence au sort des Juifs a participé au terreau dans lequel s'inscrit le crime de Payerne. Il y avait un certain laxisme et une complaisance envers l'antisémitisme".

Le film de Jacob Berger, qui sera montré dans de nombreuses écoles, devrait assurément permettre de poursuivre ce travail de mémoire, selon Jacques Pilet et Luc van Dongen.

 

Bruno Ganz : "La Suisse a longtemps nié sa part de culpabilité"

Bruno Ganz, qui joue Arthur Bloch, le marchand juif assassiné par un groupuscule nazi en 1942, dénonce quant à lui l’aveuglement des Suisses qui ont longtemps cru dans "l'innocence" du pays.

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