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Une découverte inopinée. Mazal tov ! Par Nicole Perez

Une découverte inopinée. Mazal tov !

 

Deux registres matrimoniaux des juifs livournais de Tunis ont été récemment retrouvés. Pour le plus grand bonheur des amateurs d’histoire, de sociologie ou de généalogie

 

Nicole Perez

 

Tunis, XIXe siècle. Coexistent deux communautés juives : la Twansa, autochtone, et la Grana, originaire d’Italie. Les membres de cette dernière sont issus de juifs espagnols, expulsés  par l’Inquisition, ayant trouvé refuge au Portugal, puis ayant dû définitivement quitter la péninsule ibérique, pour s’installer à Livourne où les conditions étaient favorables. Ils se sont illustrés dans le commerce, souvent avec l’autre rive de la Méditerranée, et nombre d’entre eux se sont établis à Tunis.

Cette communauté italo-ibérique consignait rigoureusement ses documents : ainsi, de 1754 à 1917, sans interruption, dix registres comportant la totalité des contrats de mariage religieux ou ketûbbot ont été remplis, mais ils ont malheureusement été perdus par la suite. Trois d’entre eux, retrouvés dans les années 1980, ont été analysés par des chercheurs de l’institut Ben-Zvi.

Alain Nedjar, par un heureux hasard, en 2013, a mis la main sur deux autres volumes de cette série : lors d’une conversation Skype (sur un tout autre sujet) avec un responsable de la communauté de Tunis, il aperçoit ces livres, entreposés avec des milliers d’autres, qui l’interpellent, demande à les faire passer sous la webcam…

La suite, deux ans et demi plus tard, c’est la publication du travail effectué par Gilles Boulu et Alain Nedjar : la transcription en français de ces ketûbbot rédigées en caractères cursifs séfarades, difficiles à déchiffrer. Les auteurs mettent à la portée des généalogistes des données inédites sur les Livournais de Tunis. Pour chaque contrat, sont indiqués date du mariage, identité des conjoints et de leurs pères, montant de la dot, signataires (époux, témoins), paraphe du rabbin. Ces données sont souvent complétées de remarques biographiques et de références. Des index alphabétiques des conjoints permettent d’accéder aisément aux enregistrements des mariages. Tout ceci avec une présentation très soignée, avec un code couleur par registre. Quelques familles de notables ou de rabbins ont le privilège de figurer dans l’ouvrage avec des notices détaillées, des arbres généalogiques et des fac-similés d’archives. Les paraphes rabbiniques – spécifiques aux communautés du pourtour méditerranéen – font l’objet d’une étude paléographique détaillée qui permet de décoder ces signatures complexes, exclusives, riches en symboles et en éléments décoratifs.

Et l’enthousiasme pour cet ouvrage n’est pas réservé aux descendants de Livournais férus de généalogie. Les amateurs de sociologie liront avec intérêt les statistiques (fortune, unions mixtes Grana-Twansa, professions…) qui réservent quelques surprises. Les splendides reproductions en quadrichromie de ketûbbot ornées avec un raffinement italien donnent envie d’approfondir le sujet. Et les auteurs fournissent des clés pour le faire. Qui, de nos jours, serait insensible au contenu – spécifique aux Grana – de ces vieux contrats de mariage qui prévoyaient quatre conditions (tenaïm) favorables à l’épouse, en particulier l’interdiction de la polygamie ?

La lecture de ce livre donne bien envie de lancer un avis de recherche pour retrouver les chaînons manquants : dans cette série, il reste à exhumer cinq registres matrimoniaux égarés.

 

La communauté juive portugaise de Tunis dite livournaise ou Grana, Registres matrimoniaux, 1812-1844 et 1872-1881, Gilles Boulu et Alain Nedjar, Cercle de généalogie juive (secretariat@genealoj.org)

Article de Nicole Perez paru dans Jerusalem Post français.

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