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Une semaine en Tunisie... Ou comment je vous démontre que mon pays est une destination de rêve, par Sofia Guellaty

Une semaine en Tunisie...

Ou comment je vous démontre que mon pays est une destination de rêve

Je n'ai apprécié toute la magie de ma culture que sur le tard. J’habitais à Paris, et la Révolution a éclaté sans que je la vois venir. Les riches et les pauvres se sont unis, les banlieues chics et les paysans se battaient ensemble pour la justice sociale et je voyais l’Histoire de mon pays en mouvement.

Une Histoire que je n'avais pas apprise à l’école. À Gustave Flaubert, au Lycée Français de La Marsa, il s’agissait plutôt de parler des Carolingiens et de Charlemagne que d’Amilcar ou de la Kahéna.

Pour faire court et pour partager avec vous ma science sur le sujet, la Tunisie a été envahie par à peu près quiconque a voulu un jour mettre la main dessus. Carthage en -814, les guerres puniques, l’Empire Romain, les byzantins, l’arrivée des Arabes et la fondation d’Ifriqiya au Moyen Age, l’installation des Beys venus de l’Empire Ottoman, la colonisation Française, l’indépendance et aujourd’hui la Révolution. Nous sommes un peuple extraordinairement accueillant.

À mon adolescence, je ne rêvais que de Tour Eiffel et d’Empire State Building. Aujourd’hui, les carreaux de céramique sur les murs de ce café d’où je vous écris et que j’ai fréquenté toute ma vie me paraissent nouveaux et autrement plus riches et fascinants que n’importe quel morceau de bitume piétiné par les habitants d’une capitale mondiale.



Il y a une semaine, je venais de Dubaï pour le mariage de mon collègue Moez Achour, qui, à vingt-six ans, a décidé qu’il était temps de se mettre la corde au cou. Cette semaine, je vous la raconte comme elle s’est déroulée, afin que vous me suiviez dans ce retour au pays. Peut-être ce parcours pourra-t-il un jour vous inspirer si vous avez la chance de vous y rendre.

 

JOUR 1

Dans l’avion, je regarde Arabesque avec Sophia Loren et Gregory Peck (1966), « l’arabe du film » était un égyptien, bédouin, amateur de faucons et essayant de protéger son pétrole. Un Saoudien, en gros. Si je demandais à un américain aujourd’hui de me dessiner un Arabe, (outre le portrait d’un barbu au couteau entre les dents), je suis sûre que l’image se rapprocherait plus d’un Lawrence d’Arabie et de sa compagne flanquée de l’habit noir plutôt que d'un homme en tarbouche et une femme en caftan, et certainement pas d'un Yéménite et moins encore d'un Mauritanien. Je me dis qu’être arabe aujourd’hui, c’est comme être européen, sans la réalité politique ni économique. Ça laisse donc beaucoup de marge à l’interprétation.

 

JOUR 2

 Aly Ben Salem (Galerie El Marsa)

Jean Daniel, nonagénaire fringant, une boukha (liqueur de figue typiquement tunisienne) à la main, raconte son interview avec John Fitzgerald Kennedy alors que de l’autre côté de la table son ami de toujours Jellel Ben Abdallah, un des meilleurs peintres tunisiens ayant jamais existé, savoure des calamars dorés. La muse de Jallel, Latifa, charme l’assemblée composée de mon père, ma tante Sélima, Michelle l’épouse de Jean, mon ami Lucio et moi-même. Je pense à tous ces intellectuels qui ont écrit ou peint les plus belles lettres d’amour sur mon pays, de Flaubert, Paul Klee, Yves Klein, Gide, Perec, Patrick Modiano à Mahmoud Darwich. Plus tard, forts de ce dîner aux allures de salon, nous allons rejoindre des amis au bar du Plaza, surplombant la corniche de La Marsa, illuminé de milliers de lampes super kitsch et décorées de colifichets collectés depuis 20 ans par le propriétaire de cet hôtel où politiciens, étudiants, artistes et gens de la haute se rencontrent aujourd'hui pour prendre un verre autour d’une pizza communautaire.

 

JOUR 3

Le Fondouk El Attarine © DR

Il n’y a pas un ami étranger auquel mon père, qui y est né, n’ait pas montré les trésors de la Medina de Tunis. Des céramiques millénaires aux palais cachés par une petite porte abritant des regards et ouvrant sur de somptueux patios entourés de chambres décorées à l’ancienne, il nous emmène sur les traces de son enfance. Nous rencontrons de jeunes étudiants en musique classique avec leur « oud » géant sur le dos, sortant de la Rachidiya, la première école de musique tunisienne. La Révolution a bouté le tourisme de masse au profit de voyageurs curieux en recherche d’authenticité. Je me réjouis de voir moins de bracelets en plastique et plus d’artisanat en me baladant dans les ruelles sinueuses d’une vieille ville, qui selon les connaisseurs, est la plus belle du monde arabe concurrencée de près par la Medina d’Halep en Syrie. Nous déjeunons au Fondouk El Attarine, un ancien caravansérail aménagé en restaurant sous une immense verrière. Ma Tunisie aujourd’hui semble enfin avoir trouvé un équilibre entre tradition et modernité, une balance gagnante dans un monde prêt à la redécouvrir sous un jour nouveau et assoiffé de chic ethnique. Ce jour-là nous repartons avec un tapis tribal persan datant des années 60 et chiné par un antiquaire lors d’une visite a Médine, qui même avant l’ère islamique était un centre de commerce et de troc (jusqu’aujourd’hui les pèlerins ramènent avec eux des produits artisanaux à vendre pour financer leur voyage), des bijoux en vermeille et corail, un parfum à l’ambre et des assiettes peintes à la main pour trois fois rien.

 

JOUR 4

Dimanche dernier nous déjeunions avec Rafik Al Kamel, un autre grand peintre tunisien. Avec lui, nous visitons la Galerie El Marsa, qui ouvrira prochainement à Dubaï pour séduire des collectionneurs plus intéressés par l’art arabe et persan que jamais auparavant au XXème siècle. Moncef Msakni me fait découvrir sa collection de Ben Salem, Roubtzoff, Ben Abdallah, Turki, Shili, El Maekki, tant de noms que je redécouvre aujourd’hui avec fierté tandis que Lilia Ben Salah, sa partenaire, me présente Feryel Lakhdar qui inaugurait ce jour-là sa nouvelle exposition inspirée par les femmes fortes dont « Tata Fati », sa grand mère. Lilia et Moncef font les choses bien. Ils investissent dans le patrimoine culturel tunisien qui reste encore une valeur sûre tout en mettant toute leur énergie dans les nouveaux talents, et l’expansion culturelle arabe. Ils préparent en ce moment leur participation à Jaou Tunis, un festival d’art contemporain organisé par Lina Lazaar, une spécialiste d’art Arabe et Iranien chez Sotheby’s.

Non loin de la galerie, dans le quartier du Saf Saf, nous nous arrêtons à la boutique éphémère Zizanie. Zine Zarrouk a créé ce concept à Londres il y a deux ans : il s'agit d'une vente itinérante de jeunes créateurs du monde entier , adaptée ici au profit d’écoles en besoin dans les zones rurales tunisiennes. À la fripe du dimanche, connue pour être la plus chic et cheap de tout le continent africain (l’auteur de ce papier avoue s’y être procuré un sac Bottega Veneta a 50 centimes d’euros), elle a déniché, entre autres, un manteau Dries Van Noten, du cachemire de chez Martin Margiela, des robes en soie et autres trésors perdus dans la masse de vêtements vendus au poids le dimanche dans le quartier de Boussalsla. Des tables en bois peintes par des handicapés moteurs sont aussi en vente, permettant aux Tunisiens des banlieues aisées de faire leur BA mensuelle et de financer de l’eau potable à ces écoliers qui en ont besoin.

 

JOUR 5



J’ai fait leur connaissance il y a quatre ans lors de la Fashion Week de Tunis et depuis nous sommes amis. Ils s’appellent Ahmed Talfit, Hend Gasmi, Ali Karoui et représentent la nouvelle garde tunisienne, rêvant d’un jour connaître le succès d’Azzedine Alaïa. Talfit est un architecte, ses robes ont conquis les critiques dont Hillary Alexander du Telegraph lors de son premier défilé dans le Golfe à Muscat. Oman. Karoui se rapproche plus d’un Elie Saab, ses silhouettes ultra-glamour sont brodées de cristaux Swarovski, il fait la joie de clientes privées et de superstars libanaises telles que Nancy Ajram. Hend Gasmi a commencé sa marque il y a seulement six mois, avec Cyrine Faillon, en créant Mademoiselle Hecy une griffe répondant au train de vie de la jeune tunisienne moderne en recherche de pièces mode pour élever sa garde-robe. Je visite leur atelier-showroom où elles créent en ce moment même une collection pour la prochaine fashion week programmée début juin a Carthage. Mais si l’exemple d’Alaïa devait leur inspirer une leçon, ce serait qu’il n’y a pas d’industrie de la mode sans infrastructure. Alors que le Moyen-Orient se positionne comme un marché fort avec ses réseaux de distribution, boutiques multimarques et sa semaine de défilés internationaux appelée Fashion Forward, les efforts de Sami Montacer et de son équipe de la Fashion Week de Tunis pour mettre en avant ces créateurs de talents ne sauraient devenir fructueux que si ces jeunes pouvaient s’exporter hors des frontières tunisiennes.

 

JOUR 6

Aziz Kallel DJ en plein désert tunisien, décor de Star Wars. © DR

En entrant dans la salle des fêtes où des femmes voilées et (très) dévoilées manifestent clairement leur amour partagé pour les ornements, je vois Moez et sa femme Yosra assis sur une estrade s’offrant a la contemplation de toute une audience hétéroclite prête à entonner des youyous à chaque appel du chanteur et animateur de la soirée. Une mer de sequins s’étale devant moi. La mariée porte une robe rouge rebrodée d’or et au milieu de la soirée se change en costume traditionnel djerbien (une île au large de la Tunisie connue pour sa vieille ville, son Club Med et sa synagogue, la Ghriba une des plus vieilles au monde et lieu de pèlerinage), son visage entouré de pièces d’or et ses mains peintes au henné n’ont rien à envier au défile couture de Riccardo Tisci inspiré par la culture bédouine. Nous buvons du thé en dansant sur des classiques populaires de Mezoued (et d’Oum Kalthoum), les jeunes filles ultra-maquillées ont des silhouettes de pin-up des années cinquante et bougent leurs hanches au rythme de la darbouka. En fin de soirée certains invités se dirigent vers le Carpe Diem pour danser jusqu'à la fin de la nuit au son du DJ Tunisien Da Che, alias Aziz Kallel qui a ses résidences à Londres et à Ibiza et qui a récemment organisé un festival électro dans le désert tunisien en plein milieu du décor de Star Wars.

Chers lecteurs, la Tunisie c’est beau, c’est intéressant et on y fait la fête. Il faut venir. CQFD.

Les adresses

Les hôtels



The Residence, à Gammarth

La Villa Bleue, à Sidi Bou Said

Dar Said, à Sidi Bou Said



Le shopping



Pour la décoration d'intérieur ...



Etandart

Slow Edition 

Tinja



Pour la mode ...



Mademoiselle Hecy 

Ali Karoui 

Ahmed Talfit

Les restaurants

Foundouk El Attarine

Le Golfe

El Firma



Les bars et clubs



Le Plaza

La Closerie

Le Plug

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Superbe journée en tunisie, particulier voyons un mariage que la mariée porte une robe rouge habillée, elle pourrait être très chic et sublime, je crois.

Quel belle histoire!!!
Surtout les mariages avec les mariées avec leurs belles robes. Je suppose que ce ne sont pas des robes de soirée pas chères .

Au fil de ta narration, cela ma donné envie de découvrir ce pays.

Mais ou avez vous vu quand y faisait la fete ? La Tunisie c est beau , peut on dire d un pays ou d une ville , quelle ait belle , quand les ordures sont present sur tout les trottoirs ? les rues defoncées , sans parler des plages de Hammamet et de Nabeul , sans citer d autres villes , ou les beaux touristes tunisiens , enfuient leurs restant de repas sous le sable , sans oublier les bouteilles de plastique et de verre . C est ca que vous appelez la belle tunisie ?

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