Voie, Par Kamel Daoud
Après les révolutions dans le monde «arabe», trois questions ont été posées : est-ce que la démocratie est possible dans ce monde-là ? Est-ce que la révolution est bonne pour ces pays ? Est-ce qu’il existe une solution entre islamisme et anti-islamisme politiques dans ces pays ? La première question était un mélange de critique saine, liée à une observation prudente de ce monde «arabe» qui a montré une résistance à la démocratisation par le largage des bombes en Irak, mais liée aussi à une sorte de préjugé quasi-raciste. La seconde question s’est posée avec la catastrophe en Libye, en Syrie et au Yémen : flux de migrants, massacres, Daech, instabilité. On y mêle une vision simpliste de la révolution et la peur de voir l’effet domino atteindre l’Occident. La troisième question s’est imposée depuis une décennie ou deux en Algérie, en Tunisie ou ailleurs, au vu de l’actualité. Pour y répondre, on y a opposé deux voies : la solution égyptienne de la lutte armée sans merci contre les islamistes, ou la solution algérienne de la «réconciliation» mais sans pardon, sans aveux, sans débat. La voie égyptienne est une catastrophe mais la voie algérienne l’est aussi quand on fait le bilan, avec un islamisme social profond et une immobilisation de tout le processus de démocratisation. La solution algérienne a même conduit à un deal entre les deux sur le dos de la démocratie. Pas d’espoir, donc ? Que non ! La Tunisie est là, sous nos yeux. Cernée, elle a affirmé la possibilité d’une démocratie. Et ce malgré les assassinats, les extrémismes et les crises. Le prix Nobel a donc récompensé une voie possible et il a bien fait : les élites dans notre monde dit «arabe» ont besoin de se faire confiance, d’être saluées. Le dialogue est possible quand il est mené par la société civile et non comme un processus de deal entre islamistes et régimes. Etre tunisien n’est plus seulement une nationalité, c’est une voie, pour nous.
(1) Prix Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête (Actes Sud, 2014).
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