Annexion, droit international, histoire et morale : une analyse de l’appel de J-Link (5 mai 2020)
juin 20, 2020 Yana Grinshpun
par Georges-Elia Sarfati, Yana Grinshpun, Roland Assaraf, Jean Szlamowicz
Annexion, droit international, histoire et morale : une analyse de l’appel de J-Link (5 mai 2020)
Beaucoup parmi nous avons reçu l’appel des associations juives s’auto-qualifiant de « progressistes » qui exhortent à convaincre le gouvernement israélien de renoncer au plan de l’annexion de Judée-Samarie au motif qu’il serait fondé sur « le mythe selon lequel la réalité sur le terrain l’emporte sur le droit international ». Les initiateurs de cet appel rédigé au nom des représentants de 70 associations mondiales « juives progressistes » présentent un changement de la politique israélienne actuelle comme une urgence absolue.
Nous aimerions proposer ici l’analyse détaillée de ce texte et de ses présupposés historiques, politiques, idéologiques et discursifs dont certains sont historiquement faux et d’autres délibérément mensongers. Les auteurs du présent texte ont à plusieurs reprises montré le fonctionnement de la rhétorique de J-Call, J-Street et alii.
Dans ce qui suit, nous adoptons une forme de l’analyse énonciative détaillée et le rappel factuel et historique accompagné de références vérifiables. C’est un double mouvement essentiel en matière de discours politique si l’on veut pouvoir distinguer ce qui relève de l’idéologie et ce qui est ancré dans la factualité. Nous avons pris la décision de construire le raisonnement non pas de manière synthétique comme il est souvent l’usage dans des textes d’analyse, mais de procéder par l’analyse linéaire dont l’avantage est de montrer de manière détaillée comment fonctionne la construction énonciative, rhétorique et lexicale du dispositif discursif des « juifs progressistes ». Le texte de l’appel en entier peut être lu ici.
Paragraphe 1-2
« En tant que membres et sympathisants de J-Link, réseau international d’organisations juives progressistes, nous souhaitons sans délai partager notre profonde préoccupation, étayée par les analyses d’experts en relations internationales et en sécurité, concernant l’intention du gouvernement israélien de procéder à l’annexion de certaines parties de la Cisjordanie. Il ne reste que peu de temps pour convaincre le gouvernement d’Israël de mettre un terme à cette démarche malavisée. Avec la complicité de l’administration Trump, le Premier ministre Benjamin Netanyahu perpétue le mythe selon lequel la réalité sur le terrain l’emporte sur le droit international. C’est maintenant le moment où les Israéliens doivent réfléchir aux conséquences de l’annexion unilatérale sur leur sécurité et leurs relations internationales ».
Analyse :
L’appel procède d’un énonciateur collectif, « J-Link », auto-défini comme « réseau international d’organisations juives progressistes ». La tonalité de l’appel est celle de l’urgence morale (« partager notre profonde préoccupation »). La légitimité de l’initiative est ici fondée sur l’autorité présumée d’un groupe d’experts et de décideurs politiques, ce qui constitue en apparence une double caution technique et morale.
Quel est l’objet de la « préoccupation » dont l’appel entend faire part ?
J-Link est en fait un groupe de pression, initialement lié à J-Call, qui se manifeste sous les dehors d’une nébuleuse associative liée par un même projet promouvant une certaine idée de l’État d’Israël présentée comme « progressiste ». Cela laisse entendre logiquement qu’une ligne de démarcation nette permet de distinguer de manière binaire les partisans de l’humanisme et les sectateurs de l’antihumanisme. Cette autopromotion morale construit une répartition binaire : le camp du bien, représenté par J-Link et les Palestiniens victimes et le camp du mal incarné par le gouvernement de l’État d’Israël et par tous ceux qui ne partagent pas le positionnement de J-Link, soit la majorité des citoyens juifs.
Le propos de J-Link est également empreint de soupçon et suggère une forme de criminalisation de l’alliance israélo-américaine (« avec la complicité de l’administration Trump »). La modalité injonctive sous-tend l’ensemble du texte et dénote le caractère d’ingérence non-dissimulée de J-Link : « C’est maintenant le moment où les Israéliens se doivent de réfléchir… ». L’énonciateur se fait donneur de leçons, en affichant sa volonté d’être conseiller, voire de décideur, au nom d’une expertise qui prétend ouvertement se substituer aux décisions du gouvernement élu. L’insistance sur le « maintenant » corrobore le caractère d’urgence qui sert le pathos de cet appel (« sans délai », « il ne reste que peu de temps »).
Lexique
Les mots annexion et occupation possèdent une charge émotionnelle qui les rend synonymes d’injustice. En réalité, ces mots désignent des situations politiques et juridiques clairement définies, même si leur application, comme dans toute situation d’antagonisme, en rend l’application et l’interprétation conflictuelle.
Une annexion, c’est-à-dire le passage d’un territoire sous souveraineté d’un État existant, peut-être la résultante de situations variées : décision par un traité, par un référendum, par une agression militaire, etc.
Une occupation désigne l’autorité de fait d’une puissance étrangère sur un territoire à la suite d’un conflit militaire et implique, selon le Règlement de La Haye de 1907, les Conventions de Genève et divers textes internationaux, un certain nombre de devoirs à la puissance occupante (préservation des lois, maintien de la sécurité, garanties de conditions sanitaires convenables, etc.).
Par conséquent, « l’annexion », dont parlent à l’unisson l’Europe, l’Autorité Palestinienne, et les progressistes de tous bord comme d’une horreur politique, est une intégration territoriale dont le cadre juridique fait justement cesser une occupation de fait — rien à voir, donc, avec une invasion militaire, comme c’était le cas d’Alsace annexée par l’Allemagne Nazie.
Le ton de l’appel met en scène un énonciateur au sens moral impeccable, en possession d’un jugement historique expérimenté autant qu’infaillible, qui considère avec condescendance une entité politique en train de s’égarer.
Mais au juste quelle est la « réalité sur le terrain » ? Et que dit le « droit international » du statut de ces territoires ? La doxa antisioniste présume que l’intention politique d’Israël est nécessairement illégale et qu’Israël est en infraction avec le droit international. Mais les faits sont-ils véritablement ceux-là ?
Que dit le droit international ? Rappel juridique et historique
L’accusation récurrente envers Israël de violer le droit international mérite d’être analysée en fonction des réalités juridiques et historiques concernant les territoires dont il est question.
Rappelons tout d’abord que le droit international n’a rien à voir avec les résolutions de l’ONU qui sont des recommandations non-coercitives (voir article 7 du chapitre 2 de la Charte des Nations Unies).
Par ailleurs, quand de nouveaux pays émergent à partir des anciens, ou d’empires coloniaux, les dernières frontières internationales officielles constituent les nouvelles lignes frontalières. Cette doctrine est connue sous l’expression de uti possidetis iuris (qui signifie « vous possédez légalement »). Elle a été appliquée aux frontières des nouveaux États dans le monde entier et reconnue comme un principe de base du droit international par la Cour Internationale de Justice. Même quand plusieurs États voient le jour à partir d’un seul, comme la Russie et l’Ukraine à partir de l’URSS, les divisions administratives internes antérieures deviennent les nouvelles frontières internationales. Plus frappant encore, ce principe s’applique pleinement quand les anciennes frontières étaient coloniales, ou imposées de manière non démocratique.
Qu’en est-il des frontières d’Israël ? Les frontières d’Israël ont été tracées en 1920 lors les accords de San Remo et confirmées par la Ligue des Nations en 1922. Aucun accord international n’a jamais invalidé cela. La rive occidentale du Jourdain (West Bank) d’Israël fait partie de cet accord. Quand les Britanniques ont quitté la Palestine mandataire en 1948, la Jordanie a envahi ce territoire en 1948, modifiant les frontières par la force (modification reconnue uniquement par deux pays : le Pakistan et l’Angleterre). Lorsqu’ Israël a repris ces territoires en 1967, suite à la victoire dans la guerre de 6 jours, il n’a pas franchi les frontières internationales. Les soi-disant « frontières de 1967 » ne sont pas légales : ce sont en fait les lignes de cessez-le-feu de la guerre de 1948. Elles ne sont de surcroît pas une frontière avec un État qui se serait nommé Palestine puisque ce mot désignait une région géographique et pas un État. L’État en question n’existe de fait que depuis le traité d’Oslo et nominalement à partir 2012.
Les accords d’Oslo font suite au choix jordanien de déchoir de leur nationalité ses ressortissants en Judée-Samarie / Cisjordanie à partir du 31 Juillet 1988.
Ce sont précisément les « accords israélo-palestiniens de paix d’Oslo » qui ont placé au pouvoir l’OLP et organisé les modalités de la présence israélienne sur le territoire, désormais fondée sur un contrat, non sur une occupation de fait. Ainsi, la Cisjordanie n’est pas non plus occupée (au sens juridique) suivant ces accords puisque c’est la convention israélo-palestinienne du 28 novembre 1995 qui en a organisé l’exercice du pouvoir. Puisque ce territoire que la Jordanie avait occupé à partir 1948 par la conquête militaire et qu’Israël occupait depuis 1967 de fait, à la suite à sa réplique militaire à l’agression jordanienne, était désormais dénué de toute souveraineté étatique. Ce qui renvoie à la situation antérieure… celle mise en place par la SDN en 1922.
Il faut donc souligner que les accords d’Oslo ont expressément prévu la présence israélienne en Cisjordanie mais en outre, les signataires Shimon Peres, Yitzhak Rabin et Yasser Arafat ont reçu le prix Nobel de la paix pour l’avoir décidé. Selon le Droit européen : la présence israélienne est légale en Cisjordanie, et non le résultat d’une occupation. Voir ici.
L’utilisation systématique des mots occupation et annexion pour laisser penser qu’Israël agit de manière illégale autant qu’illégitime est un artifice rhétorique. L’occupation de certains territoires résulte d’une situation où Israël a été agressé par différentes entités qui n’ont pas réussi leurs objectifs militaires d’invasion et de destruction de l’État Hébreu. Les territoires concernés possèdent une histoire juridique : ils n’ont jamais appartenu à un État Palestinien puisqu’il n’a jamais connu d’existence juridique. Soulignons que jusqu’aux années soixante, l’adjectif « palestinien » désignait avant tout les Juifs : le mot Palestine possédait un sens géographique et désignait le territoire promis aux Juifs par la Déclaration Balfour. C’est ultérieurement que le mot Palestine s’est trouvé manipulé pour prendre un sens politique où on lui a fait désigner un « peuple ». Cette mutation sémantique est le fait capital expliquant la mise en place d’une mythologie de la spoliation des terres. A ce propos voir l’article détaillé de J. Szlamowicz ici.
Le discours « anti-annexion » ne se fonde pas sur des raisonnements mais sur une morale partisane, fondamentalement biaisée par une conception envisageant la nation israélienne comme illégitime. Cet antisionisme principiel récuse l’idée de préservation d’une identité juive alors que cette dimension est au fondement d’Israël selon le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »
Rappelons donc que, historiquement, non seulement il existe une antériorité millénaire de la souveraineté juive mais que la revendication palestinienne ne s’est développée que récemment, uniquement contre l’État juif et non contre les occupants jordaniens, égyptiens ou jadis ottomans.
C’est au nom de principes racistes et antisémites qu’ont été menées les guerres contre l’État Juif et la présence juive en Palestine, présence perçue comme contraire à l’épanouissement de l’identité arabo-musulmane. Tel est le fondement du refus du plan de partage de 1947. L’historien Benny Morris écrit que le Haut Comité Arabe « a systématiquement rejeté un compromis territorial, définissant toute la Palestine en tant qu’état arabe et permettant exclusivement à une minorité juive composée uniquement de ceux qui avait vécu dans le pays avant 1914 d’y résider ».[1]
Paragraphe 3
« Une pétition signée par 220 anciens officiers supérieurs de l’armée, du Mossad et de la police, tous membres de l’ONG « Commandants pour la sécurité d’Israël », établit que l’annexion déclenchera une réaction en chaîne sur laquelle Israël n’aura aucun contrôle, conduisant à l’effondrement de l’Autorité palestinienne. Cela exigerait en retour qu’Israël prenne le contrôle total de toute la Cisjordanie et assume la responsabilité de la vie de 2,6 millions de Palestiniens ».
Analyse
Le propos retourne à la question de la légitimité présumée de l’énonciateur, déjà exposée au §.1. L’appel de J-Link s’autorise d’une double référence : d’abord de l’autorité supposée d’une « pétition signée par 200 anciens officiers supérieurs de l’armée, du Mossad, et de la police » et ensuite de l’appartenance des signataires à « l’ONG ‘’Commandants pour la sécurité d’Israël ».
Cette revendication de légitimité constitue le principal motif d’une argumentation destinée à renforcer la pertinence présumée de l’appel, dont l’énonciateur collectif prétend que le projet israélien est dangereux pour Israël (« l’annexion déclenchera une réaction en chaîne sur laquelle Israël n’aura aucun contrôle »). La nature de cette « réaction en chaîne » ne tarde pas à être désignée : elle consisterait d’une part dans « l’effondrement de l’Autorité Palestinienne », d’autre part dans le fait qu’Israël prendrait « en retour (…) le contrôle total de la Cisjordanie », en assumant « la responsabilité de 2,6 millions de Palestiniens ».
Plusieurs questions se posent, en dépit du caractère d’évidence lisse déroulée par ce paragraphe comme si la vérité émanant d’une instance qui se présente comme morale et « progressiste » n’avait pas à être démontrée.
D’abord, sur les conclusions de l’ONG, rédigées en anglais et disponibles ici. Les premières pages de ce « rapport » contiennent des faits mensongers :
“The plans to annex Judea and Samaria, which until recently were regarded as the illusions of an extremist minority, have recently taken the form of Knesset bills and ministerial proposals for action”.
Selon ce rapport, la « minorité extrémiste » a imposé sa volonté annexionniste au Parlement Israélien lequel l’a imposée au peuple israélien. On ne sait pas sur quelles sources s’appuient les rapporteurs, car ils ne les citent pas. Mais on sait que la véritable démocratie n’est pas fondée sur la vertu moralisatrice et la désinformation d’une ONG de 220 personnes — elle est fondée sur la participation des tous les citoyens aux décisions collectives dont le vote est une expression. Le gouvernement Netanyahu a été élu avec ce projet d’extension de la souveraineté israélienne, un projet qu’il n’a pas caché.
De plus, lorsque l’on s’intéresse aux statistiques internes en Israël, menées par des corps différents, on trouve les informations très différentes de ces postulats.
https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/1590414436-israel-90-1-des-franco…
https://www.timesofisrael.com/more-israelis-support-two-state-solution-…
Quant à l’usage du terme « occupation », dont nous avons montré le fondement idéologique, à propos de la Judée-Samarie, les progressistes juifs feraient mieux de s’intéresser aux avis des Israéliens et d’en informer le monde au nom de la vérité et la morale qu’ils exhibent. A peu près 70 % des habitants du pays sont pour l’intégration officielle de Judée Samarie à l’Etat d’Israël. Un éditorial de Magazine ! publié le 28 mai 2020 en hébreu[2] donne les résultats d’une enquête menée auprès de 518 Israéliens présentatifs de la population du pays : 83 % des enquêtés sont Juifs. L’enquête menée par Panels Politics explique qu’à peu près 42% des enquêtés appellent les territoires en question « libérés », 28% « territoires annexés », 18% « territoires retenus », 12% ne savent pas. Qui plus est, l’enquête montre, ô surprise, que la plupart des votes de soutien au plan de Trump vient de la gauche :
“Support was highest among those who voted in September for the progressive Democratic Camp (79 percent), and very high among left-wing Labor-Gesher (67%) and centrist Blue and White (65%) voters. Support was at the halfway point among right-wing secularist Yisrael Beytenu voters (51%) and less than half among voters for the Arab-majority Joint List (44%), the Haredi Ashkenazi party United Torah Judaism (33%), center-right Likud (33%), right-wing Yamina (23.5%) and the Haredi Sephardi party Shas (23%)”.https://www.timesofisrael.com/more-israelis-support-two-state-solution-…
Une autre enquête montre que 51% des Israéliens soutiennent le plan Trump
https://13news.co.il/item/news/politics/state-policy/2020-elections/ele…
On constate donc que, contrairement à ce que ces associations partisanes affirment, la décision de l’annexion reflète bien le choix des citoyens et n’est pas l’expression d’une minorité extrémiste.
Les rédacteurs de l’appel feignent de se soucier de la stabilité d’Israël. En imaginant que l’« annexion » entraînerait « des conséquences catastrophiques », ils s’inquiètent de « l’effondrement de l’autorité Palestinienne ». Autrement dit, leur inquiétude porte sur la déchéance de la dictature de l’OLP ou du Fatah. Essayons de comprendre en quoi ce serait une catastrophe.
OLP, Autorité Palestinienne et sa politique
L’OLP est une organisation créée en 1964 par le KGB : c’est une organisation terroriste dont la charte non amendée propose toujours la destruction d’Israël, pour libérer la Palestine des Juifs. Cette organisation, dont les principaux représentants ont été formés par le KGB a été mise au pouvoir non pas par un vote démocratique du « peuple palestinien », mais pas un coup d’état médiatique diplomatique et militaire, appelé « processus de paix d’Oslo ».
L’idéologie d’Oslo est résumée par le dissident soviétique et ancien ministre israélien Nathan Sharanski : « les accords d’Oslo étaient basés sur l’idée, et Yitzhak Rabin, que sa mémoire soit bénie, en parlait le mieux, qu’Arafat étant un dictateur était une bonne chose pour nous » (source : https://fr.timesofisrael.com/sharansky-nous-parle-de-la-liberte-et-de-l…)
Si ce régime avait une légitimité et une base démocratique populaire, le risque d’effondrement ne se poserait pas plus qu’en Suisse. En revanche, un régime dictatorial comme celui de Mahmoud Abbas ou de Yahja Sinwar ne peut tenir que par la perfusion financière étrangère, et par l’incitation à la haine de sa population contre Israël, jusqu’à utiliser sa population comme des bombes humaines. Comme l’explique Nathan Sharanski « Le défi d’un dictateur, c’est de garder son peuple sous contrôle, et c’est pour cela qu’il a besoin que vous soyez son ennemi ».
Or, les organisations « progressistes » sont fidèles à l’idéologie d’Oslo, c’est-à-dire à l’idée qu’en achetant un dictateur, en lui donnant de l’argent et du pouvoir, il travaillera pour le bien de ces Israéliens qui lui ont donné le pouvoir et pas pour le bien-être de la population arabe qu’on lui donne en pâture. Ce raisonnement n’est pas dépourvu de bon sens. On retrouve cette croyance dans le propos d’Itshak Rabbin rapporté par Sharanski : « Sans Cour suprême, sans liberté de presse, sans organisation de défense des droits de l’homme, Arafat se battrait pour nous contre le Hamas bien mieux que ce que nous pouvions faire contre le Hamas. »
Les hypothèses d’un tel raisonnement sont erronées : offrir le pouvoir à quelqu’un peut être perçu comme un acte de soumission. Israël s’est soumis à l’idéologie de l’OLP qui doit son pouvoir non à Israël mais aux États qui l’ont créé et soutenu financièrement en l’utilisant comme un outil de propagande.
La réalité est parfois bien loin des mises en scène de poignées de mains devant la Maison Blanche, des chants pour la paix, et des auto-satisfecit de progressisme et de démocratie. La réalité est dans la construction du narratif partagé par l’Autorité Palestinienne, le Hamas, l’Europe, les ONG et les associations comme J-Call, selon lequel les Juifs ne seraient pas légitimes sur leur terre mais seraient des étrangers qui sont venus voler les terres du peuple palestinien.
Rabin est mort avant que l’histoire n’ait donné raison, non pas uniquement à Sharanski mais au simple bon sens que Rabin et son gouvernement n’ont pas su écouter. Le pari de Rabin que l’alliance avec la dictature peut mener à la paix a échoué. Ce fut une grande erreur de penser que la dictature pouvait mener à autre chose qu’à la guerre. Des individus qui ont obtenu le pouvoir grâce au terrorisme ont toujours conservé le pouvoir par les mêmes moyens : roquettes, voitures béliers, attentats-kamikaze, exploitation des conflits interfamiliaux pour recruter des « martyrs » et de l’argent pour les acheter. Ce sont les moyens d’action officiels du gouvernement en place qui ne prétend pas les cacher dans sa guerre contre Israël. Ces actions sont subventionnées par l’Europe qui verse des sommes importantes aux activistes anti-israéliens. https://www.lefigaro.fr/vox/politique/quand-des-ong-proches-du-terroris…
Cet argent sert par exemple à verser les salaires aux terroristes et leurs familles. Autrement, dit, les tueurs des Juifs deviennent salariés de l’Autorité Palestinienne et, par voie de conséquence, de l’Europe, qui ne proteste jamais contre cette violation des recommandations de l’ONU (voir article 64 du chapitre X https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-x/index.html)
D’autre part, l’AP n’est pas seule en charge de la population palestinienne, puisque les « Palestiniens » sont dirigés par une autorité bicéphale, depuis 2007 : le Hamas à Gaza, et l’AP historique à Jéricho. Le chiffre de 2,6 millions de Palestiniens est sujet à caution, ainsi que l’affirmation selon laquelle l’« annexion » inclurait un tel volume de population.
Les « conséquences » imaginées par cet appel seraient-elles aussi graves qu’il l’affirme, et grave pour qui ? Est-il exact que les territoires qui passeraient sous autorité israélienne à dater de l’« annexion » soient peuplés uniquement de Palestiniens ? Il est une fois de plus explicitement posé que le premier souci de « J-Link », consiste à se soucier au premier chef du devenir de l’Autorité Palestinienne car ils craignent « l’effondrement de l’Autorité Palestinienne ».
Plusieurs questions se posent : Cet effondrement constituerait-il un réel danger pour Israël ? Qu’est-ce qu’Israël aurait vraiment à y perdre ? L’Autorité Palestinienne a-t-elle été un véritable partenaire pour une paix négociée ?
Les signataires de J-Link ont la mémoire courte : ils ne font aucune mention de ce que l’échec des Accords d’Oslo est imputable au torpillage délibéré des conventions par l’AP, au terme d’une politique de violence terroriste qui a ensanglanté Israël. Ils semblent également ignorer que l’AP n’a jamais amendé la Charte de l’OLP, préconisant (comme celle du Hamas) la liquidation de l’État d’Israël, et ignorent tout aussi délibérément que l’AP n’a rien amendé de la haine sulfureuse qui caractérise les manuels de ses programmes d’enseignement ou des émissions de télévision de l’AP destinées aux enfants. Voir par exemple ici.
Les organisations comme J-Call ou J-street ou Shalom Arshav ne défendent ni Israël, ni la démocratie, ni les Arabes, dont ils n’ont que faire. Si vraiment ils étaient « démocrates » et « progressistes », ils se seraient souciés des enfants palestiniens éduqués par l’Organisation qui compte à son actif des bombes, des massacres d’athlètes, des détournement d’avions, des recrutements d’enfants pour en faire des soldats, de la propagande et de l’endoctrinement antisémite explicitement inscrits dans les programmes éducatifs.
Il est étonnant de constater que le discours de J-Link est exactement le même que celui diffusé par les officines de propagande de l’AP. La vision qui y prévaut et qui y tient lieu de discours est une conception de l’État d’Israël comme agresseur, et le rappel incessant de la nécessité de voler au secours de l’AP.
Paragraphe 4
« L’accord de coalition signé par Benjamin Netanyahu et le président de la Knesset, Benny Gantz, comprend des articles qui permettent au nouveau gouvernement d’accélérer le processus d’annexion à compter du 1er juillet. Bien que soit reconnue la nécessité de discuter de la question avec la communauté internationale, le seul engagement contraignant de l’accord est la coordination de la démarche avec l’administration américaine. Comme dans le cas du plan « Paix pour la prospérité » du président Trump, les Palestiniens n’ont pas leur mot à dire ».
Ce paragraphe développe une critique unilatérale du gouvernement israélien, notamment de Benjamin Netanyahu. Observons qu’il s’agit là d’une figure obligée de la « critique » depuis que le Likoud est au pouvoir. Ce passage fait valoir que « l’accord de coalition (…) comprend des articles qui permettent au nouveau gouvernement d’accélérer le processus d’annexion à compter du 1er juillet ». Cette mention renforce le caractère d’urgence de l’Appel.
Deux points y sont rappelés :
« la nécessité de discuter de la question avec la communauté internationale »
« la coordination de la démarche avec l’administration américaine ».
La terminologie est aussi convenue que codée : l’expression « la communauté internationale » est un terme qui renvoie de façon imprécise à des entités politiques qui ont une influence sur la scène mondiale. Cela inclut sans doute la Russie et la Chine, très certainement l’Europe au premier chef, c’est-à-dire la plupart des pays qui sont coutumiers d’une hostilité de principe à l’État d’Israël, dans lesquels le réseau J-Link a en partie ses propres bases (voir la liste et la répartition géopolitique des associations signataires du Réseau).
Le principal argument de ce paragraphe réside dans son dernier énoncé : « les Palestiniens n’ont pas leur mot à dire ». Nous ne sommes d’accord avec cet argument que parce que la voix des Palestiniens est étouffée par une dictature bicéphale ne tolérant aucun contre-discours. Les « Palestiniens » ne peuvent pas être entendus, comme ils n’ont pas élu leurs représentants. Seuls peuvent être entendu des Palestiniens corrompus, soutenus et financés par l’Europe qui n’a aucun intérêt à ce que ce peuple soit libéré de ses tyrans qui bafouent les principes de la démocratie. En revanche, L’Europe et J-Link sont soucieux de les voir libérés de la présence des Juifs.
Synthèse
L’Appel de J-Link est un plaidoyer en faveur de la position et du narratif palestiniens. Une fois de plus, des questions élémentaires se posent : qui sont les « Palestiniens » ? Quelle a été l’attitude des Palestiniens, et des représentants Palestiniens à l’égard du sionisme d’abord, de l’État d’Israël ensuite, depuis les débuts du nationalisme palestinien ?
D’autre part, les « Palestiniens » et surtout leurs porte-parole (au nombre desquels il faut compter J-Link) sont-ils les mieux placés pour parler de « légalité » et de respect du « droit international » ? Depuis le début de leur histoire, les « Palestiniens » se sont placés hors la loi : émeutiers anti-juifs depuis le début des années 1920 et tout au long du Mandat britannique, partisans du régime nazi et de l’importation de la Solution Finale par l’action du mufti Hadj Amin al-Husseini (oncle d’Arafat) durant la guerre mondiale,[3] puis refusant la décision de partage de la Palestine (voté par l’ONU en 1947), avant d’en appeler à la coalition du monde arabe dans une guerre d’anéantissement contre l’État d’Israël.
Les « Palestiniens » se sont systématiquement mis hors la loi depuis la création de l’État d’Israël. À travers leurs institutions, ils ont été tout au long du XXe siècle, respectivement, les protagonistes et les artisans
de la subversion des institutions internationales,
de la création du nouvel antisémitisme (collusion avec le nazisme, puis avec les officines de propagande du KGB, inventeur de l’antisionisme contemporain)
protagonistes, avec le Fatah, du terrorisme international
Est-ce de cette entité et de cette mentalité politique et idéologique que J-Link entend prendre la défense et pour le compte de laquelle ils entendent revendiquer des droits ? Car J-Link parle des Palestiniens comme s’ils étaient gouvernés par des démocrates exemplaires, bafoués par l’État d’Israël.
Paragraphe 5
« Il convient de noter que l’article 28 de l’accord de coalition mentionne l’intention du gouvernement « de s’efforcer de faire respecter les accords de paix existants », ce qui indique que la Jordanie et l’Égypte pourraient avoir un poids particulier sur cette décision ».
Analyse
Force est d’admettre, au regard de la connaissance historique, que ce propos est rien moins qu’aberrant. En effet, quel fut l’attitude constante de la Jordanie et de l’Égypte à l’égard de la « question palestinienne » ?
Rappelons les faits :
En 1948, au terme de la guerre d’annihilation lancée par la Ligue arabe, les territoires alloués aux « Arabes de Palestine » par le vote de l’ONU, ont été annexés par la Jordanie et occupés par l’Égypte.
Après trois décennies d’occupation des « territoires arabes de Palestine », l’Égypte et la Jordanie se sont respectivement débarrassées des territoires annexés, la situation étant ingérable. Autrement dit, ni l’Égypte, ni la Jordanie n’ont eu le souci de résoudre à l’avantage des intéressés la « question palestinienne ».
Pourquoi les signataires de J-Link imaginent-ils ici que ces deux pays « aient un poids particulier dans cette décision » ?
Paragraphe 6
« Pour le Royaume hachémite de Jordanie, fortement peuplé de réfugiés palestiniens, l’annexion risque de déstabiliser le gouvernement et l’obliger à reconsidérer son traité de paix avec Israël. Celui avec l’Égypte serait également mis en péril. En outre, les actions d’Israël mettent déjà à rude épreuve ses relations avec les pays démocratiques du monde entier ».
Ce paragraphe laisse entrevoir une perspective très dangereuse pour l’État d’Israël, et par extension pour le Proche-Orient :
Si Israël procède à l’annexion, « le Royaume hachémite de Jordanie, fortement peuplé de réfugiés palestiniens (…) risque de déstabiliser le gouvernement et l’obliger à reconsidérer son traité de paix avec Israël
« celui avec l’Égypte serait également mis en péril »
« les actions d’Israël mettent déjà à rude épreuve ses relations avec les pays démocratiques du monde entier »
Analyse
Ce développement est également aberrant, en vertu de ce qui a déjà été observé au sujet du §5, mais surtout compte tenu de ce qui est ici affirmé de la nature du « Royaume hachémite de Jordanie ». Dire qu’il est « fortement peuplé de réfugiés palestiniens » revient à faire montre d’ignorance historique ou se livrer à une désinformation délibérée. Puisque les signataires de l’Appel sont si soucieux de légalité et de respect du droit international, il convient de rappeler ceci :
Ce sont les Britanniques qui ont créé l’entité jordanienne en 1922, auxquels ils ont initialement donné le nom de Transjordanie (celui de « Jordanie », date de 1947).
Le Mandat avait été défini par la SDN avec mission pour les Britanniques de faire appliquer les termes de la Déclaration Balfour, c’est-à-dire avec pour objectif la création d’un « Foyer national juif sur l’ensemble du territoire mandataire.
Le mandat confié par la SDN faisait obligation à la puissance mandataire de soumettre toute modification de la politique prévue par la même SDN à son assemblée plénière. Cette clause ne fut pas respectée. La décision britannique fut unilatérale, en parfaite infraction au droit international, en sorte que le « royaume hachémite de Jordanie » ne repose sur aucune base légale
Lorsque les Britanniques décidèrent de créer la « Transjordanie », c’est aux fins de répondre à la revendication des Arabes de Palestine. La Transjordanie / Jordanie est donc le véritable État palestinien créé sur le territoire de la Palestine : sa population n’est donc pas « fortement peuplée de réfugiés palestiniens », mais majoritairement composée d’Arabes palestiniens. On retrouve l’usage frauduleux du terme « palestinien » détourné par la propagande antisioniste : les Jordaniens ne sont pas d’une population exilée, mais des Arabes qui vivaient sur le territoire de la Palestine mandataire.
Les « réfugiés palestiniens » : l’emploi du terme réfugié possède une valeur émotionnelle misérabiliste. C’est pourtant un terme qui possède une définition juridique. La Convention de 1951-1967 relative au statut des réfugiés 4 précise qu’il désigne toute personne qui :
[…] craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle… ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »
Par ailleurs, la convention cesse de s’appliquer à une personne qui, entre autres, « a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ».
N’oublions pas que les « réfugiés palestiniens » constituent une catégorie à part, fait unique dans l’histoire, qui les distingue de tous les autres réfugiés au monde par l’octroi d’une agence qui leur est spécifiquement consacrée depuis 1949 (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East). Ils sont définis, de manière extraordinaire, non par le fait d’être nécessairement réfugiés à titre personnel mais par la transmission familiale de cette condition qui s’est appliquée à « toute personne dont le lieu de résidence normal était la Palestine, pendant au moins deux ans avant le conflit de 1948 et qui, en conséquence de ce conflit, a perdu à la fois son foyer et ses moyens d’existence ». Que les réfugiés d’origine aient été en 1949 538 000 (sources israéliennes), 720 000 (selon l’ONU) ou 850 000 (sources palestiniennes), ils sont aujourd’hui près de 6 millions (chiffres de (2018) selon cette recension d’exception qui voit leur nombre croître avec la démographie naturelle.[4]
Notons par ailleurs que beaucoup parmi les Arabes dits natifs de Palestine sont en réalité massivement originaires des pays arabes limitrophes (Irak, Egypte, Syrie), attirés par les perspectives d’emploi suscitées par l’édification de l’embryon national juif, dès les débuts du sionisme à la fin du 19e siècle. Leur présence territoriale en Palestine se fonde donc dans bien des cas sur ces « deux ans avant le conflit de 1948 ». Ce peuplement arabe récent est un fait confirmé par tous les historiens du sionisme et de la Palestine mandataire[5].
Paragraphe 7
« L’annexion unilatérale est illégale en vertu du droit international et contrevient à toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au conflit israélo-palestinien, en particulier la résolution 2334 de décembre 2016. Si elle est appliquée, l’annexion signifiera la fin de la solution à deux États et anéantira tout espoir du peuple palestinien de parvenir à l’autodétermination par des moyens non violents. L’annexion unilatérale est illégale en vertu du droit international et contrevient à toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au conflit israélo-palestinien, en particulier la résolution 2334 de décembre 2016. Si elle est appliquée, l’annexion signifiera la fin de la solution à deux États et anéantira tout espoir du peuple palestinien de parvenir à l’autodétermination par des moyens non violents. »
Ici, les signataires de l’Appel se hasardent à donner une fausse évaluation du statut juridique des territoires, en présumant de l’illégalité du plan d’annexion israélienne. Ce paragraphe développe deux propositions :
« l’annexion est illégale en vertu du droit international »
l’annexion comporte des « risques ».
Analyse
sur l’illégalité présumée : le texte dit qu’elle « contrevient à toutes les résolutions du conseil de sécurité relatives au conflit israélo-palestinien ». Et ajoute : « en particulier la résolution 2334 du 2/12/2016 ».
Il s’agit d’une rhétorique classique toujours basée sur une confusion mensongère. Le droit international est inscrit dans la charte des Nations Unies. Or, une résolution n’est pas un article de cette charte : ce n’est pas un article de droit mais une forme de discours politique. Ce discours politique peut être une injonction (chapitre VII de la charte des Nations Unies) avec une portée contraignante ; cela n’est pas le cas de la résolution 2334 qui est une simple recommandation faite au gouvernement Israélien à portée indicative. A noter que cette résolution dénonce la poursuite du terrorisme par l’Autorité Palestinienne et les appels à la haine https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/12/26/la-resolution-a… on attend toujours l’appel de ces organisations « juives » pour faire respecter cette recommandation, qui est pourtant elle inscrite dans le droit, les conventions de Genève est le traité d’Oslo.
L’appel de J-Call est contradictoire avec la Charte de l’ONU qui affirme dans son article 2.7 qu’« aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État. » Le contenu de la non-ingérence est précisé dans une résolution d’octobre 1970 :
« Aucun État ni groupe d’État n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toue autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont contraires au droit international »
[2]Résolution 2625 du 24 octobre 1970.…. »
Comme l’ONU ne respecte pas cette charte, surtout en ce qui concerne son ingérence concernant les affaires d’Israël, il est compréhensible que J-Call et d’autres associations se croient autorisés à le faire. On constate donc que J-Call prend des libertés avec le droit international tout en brandissant les accusations contre la présence d’Israël sur les terres qui lui reviennent par le droit, ainsi que nous l’avons évoqué.
sur les « risques » inhérents à l’annexion : cela « signifiera la fin de la solution à deux États et anéantira tout espoir du peuple palestinien, de parvenir à l’auto-détermination par des moyens non violents »
Pour revenir à la solution de deux états, la politique de l’AP et du Hamas a montré que les Palestiniens n’ont jamais voulu de cette solution, mais ont toujours fait valoir que la seule solution acceptable pour eux était une solution au regard de laquelle l’État perdrait son caractère juif. D’autre part, avant de faire valoir cette thèse, les Palestiniens se sont toujours opposés à une solution négociée avec Israël, depuis le début des années 1920. Au regard de l’histoire, à quel moment précis les Palestiniens ont-ils aspiré à faire valoir des revendications nationales sans recourir à des « moyens violents » ? À aucun moment : même les Accords d’Oslo ont été suivis d’une vague de terreur, entre 2001 et 2006, pour ne parler que de ces années sanglantes.
Paragraphe 8
« En outre, l’annexion risquerait de transformer Israël en un État qui maintient un contrôle permanent sur des millions de Palestiniens au sein de son territoire, leur déniant les droits civiques et politiques et mettant ainsi fin à la démocratie en Israël telle que nous la connaissons ».
Ce paragraphe exprime des craintes relatives au devenir de la démocratie en Israël.
L’Appel affirme que
l’annexion risque de « transformer Israël en un État qui maintient un contrôle permanent sur des millions de Palestiniens »
leur « déniant leurs droits civiques et politiques »
« mettant ainsi fin à la démocratie en Israël telle que nous la connaissons »
Est-ce vrai ? Qui vit sur ces territoires ? Les Palestiniens n’ont-ils pas déjà des droits ? Les étudiants palestiniens des « territoires » ne sont-ils pas inscrits dans les universités israéliennes et n’ont-ils pas le droit d’appeler à boycotter Israël en toute légalité et liberté ? https://electronicintifada.net/content/palestinian-students-israeli-uni….
De la même manière, les étudiants palestiniens ne bénéficient-ils pas des études dans les Universités israéliennes, alors que le contraire n’est pas vrai[6].
Pourquoi l’annexion les mettrait-elle en cause ?
Analyse
Ce passage développe un paradoxe intéressant dont les signataires ne semblent pas conscients. De manière générale, ils critiquent l’État d’Israël en lui objectant de ne pas agir comme une démocratie, tandis qu’ici, c’est le contraire qui est affirmé — c’est en cas d’annexion qu’Israël cesserait d’être une démocratie… En somme, pour les porte-parole de J-Call, Israël est uniquement une démocratie quand il s’agit de contester l’exercice du pouvoir par le Likoud. Jusqu’à preuve du contraire, le gouvernement est démocratiquement élu, et c’est par voie démocratique que l’annexion serait engagée. Nous l’avons montré en présentant les résultats des enquêtes au sein même de la population israélienne.
Paragraphe 8
« Une telle action risque de provoquer une marée montante de délégitimation d’Israël et de nouvelles poussées d’antisémitisme. L’annexion mettra également en péril les relations entre Israël et les Juifs progressistes du monde entier pour qui les droits de l’homme, l’égalité et la démocratie sont des principes essentiels ».
Ce paragraphe indique une intensification du caractère pathétique de l’Appel. La perspective de l’« annexion » est encore évaluée à l’aune de deux autres conséquences dangereuses. Elle risquerait
« de provoquer une marée montante de délégitimation d’Israël »
et « de nouvelles poussées d’antisémitisme ».
L’incidence majeure consisterait dans le « risque de mettre en péril les relations entre Israël et les Juifs progressistes du monde entier ». L’expression de cette crainte est l’occasion, pour les signataires de l’appel, de donner une définition des « Juifs progressistes ». Ces derniers se laissent définir par leur attachement à trois « principes essentiels » : les « droits de l’homme », l’« égalité », la « démocratie ».
Si l’idée de progrès est initialement liée à la philosophie des Lumières, désireuse de transformer le monde à partir de la diffusion des connaissances, de doter l’être humain des moyens intellectuels nécessaires à la mise en cause et à la transformation de la société ancienne. Ce progressisme s’accompagne de l’idée de la perfectibilité de l’humanité et se donne pour objectif de briser les structures inégalitaires héritées de l’Ancien Régime
Mais à l’époque de l’après-guerre, le progressisme en est venu à désigner tous ceux qui soutiennent la politique stalinienne, s’opposent au capitalisme américain, au colonialisme ou à la pensée conservatrice. Ce type de progressisme a donc pris un tour partisan non sans lien avec le soviétisme et a instauré un champ idéologique manichéen opposant le bien (progressiste) et le mal (réactionnaire). Dans ce cadre idéologique, l’un des thèmes récurrents du progressisme est la nécessité de l’abolition des États-Nations dont Israël est un exemple particulièrement saillant avec la revendication de son caractère national juif. On peut être interpellé par le fait que les progressistes juifs ne protestent contre aucune autre annexion, ni celle de la Crimée par la Russie ni celle du Tibet par la Chine. Il est d’autant plus étrange de lire que ces associations vouent « un attachement indéfectible » à Israël, qu’ils ne cessent justement de délégitimer, et dont ils se désolidarisent en permanence. Être progressiste et être attaché à l’état-Nation qui affiche son caractère singulier dans la loi et dans la manière semble être une aporie… Autant dire que ce progressisme s’apparente à s’y méprendre au sens commun de l’Occident postmoderne antisioniste.
Concernant le risque d’une « délégitimation d’Israël », on ne peut que constater un paradoxe, à savoir que les origines politiques de cette délégitimation se trouvent précisément dans ce « progressisme » partisan (l’OLP a d’abord parlé du progressisme de l’autodétermination dans sa charte de 1965)[7] et constitue un élément tactique parmi les plus saillant de l’antisionisme. Le progressisme des Juifs progressistes entre ici en convergence avec le discours militant du « palestinisme ».
Le raisonnement de cet appel est également douteux : pourquoi l’annexion impliquerait-elle à elle seule de telles conséquences ? Pourquoi mettrait-elle « en péril » les rapports entre la fraction éclairée de la diaspora (« les Juifs progressistes ») et l’État d’Israël ? Serait-ce parce que cette réaction serait automatique en vertu du fait même de cette annexion, ou bien plutôt parce que contrariés dans leurs attentes idéologiques, les membres du réseau J-Link se feraient fort d’accentuer le processus de « délégitimation » à l’œuvre depuis plusieurs décennies ? On perçoit ici la formulation détournée d’un chantage…
Le caractère binaire de l’argumentation est trop grossier pour ne pas être relevé : tout va comme si les citoyens de l’État d’Israël étaient étrangers à la culture des « droits de l’homme », de l’« égalité » et de la « démocratie ». Comme si la ligne de partage passait aujourd’hui entre les « Juifs progressistes du monde entier » et les Israéliens. Rien n’est dit des Juifs de la Diaspora qui ne soutiennent pas J-Link : sont-ils unanimement des réactionnaires, des ennemis de la démocratie et des contempteurs des droits de l’homme ?
On ne comprend pas non plus pourquoi Israël perdrait sa légitimité s’il étendait sa souveraineté sur des territoires où sa légitimé historique est la plus forte. La Judée est en effet le lieu d’où viennent les Juifs comme l’Arabie est le lieu d’où viennent les Arabes (de ce point de vue, on pourrait se demander qui colonise qui).
Et surtout, c’est un raisonnement politique étrange : la légitimité d’un peuple n’a jamais dépendu de son comportement, même pour l’Allemagne des années 1930, personne n’a dit que ce pays a perdu sa légitimité lorsqu’elle a annexé des territoires en 1938 ou en 1940.
Ce que dit J-Link ici est que la légitimité d’Israël y compris à Tel Aviv, est conditionnée par l’absence des Juifs en Judée-Samarie. Israël existerait donc sous condition que le territoire historique du peuple juif soit Judenrein et, finalement, sous occupation étrangère.
Ce discours fait semblant d’ignorer la logique, si le peuple Juif doit être absent du lieu de son histoire, il n’est pas légitime ailleurs — sauf si la légitimité d’Israël c’est de ne pas être un état juif.
Paragraphe 9
« Nous appelons tous ceux qui se soucient de l’avenir d’Israël à agir au plus vite afin de convaincre le gouvernement et le peuple d’Israël que le prix à payer pour l’annexion sera trop lourd à supporter ».
Ce paragraphe, qui conclut l’appel, résonne comme un aveu : l’objectif est de « convaincre le gouvernement ». Mais le gouvernement israélien n’est-il pas l’émanation de la volonté populaire qui s’est exprimée démocratiquement ? Le gouvernement et le peuple d’Israël sont-ils à ce point immatures et aveugles qu’ils aient besoin d’entendre les recommandations d’un lobby installé à l’étranger et agissant au nom d’une idéologie sans lien avec la dynamique de l’État d’Israël ?
Autre question : Pour qui le « prix de l’annexion » serait-il « trop lourd à supporter » ? À première vue, ce serait pour l’État d’Israël. Mais compte tenu de la ligne de démarcation posée entre Juifs progressistes et citoyens israéliens, il semble que le prix à payer serait surtout « trop lourd à supporter » pour les « Juifs progressistes » autoproclamés.
En effet : l’expression de la volonté populaire des Israéliens vaudrait comme un désaveu d’une conception du progrès socio-politique différente de celle que défendent les signataires de ‘J-Link’.
La fin du texte et ses sous-entendus corroborent la ligne argumentative dominante de ce texte, qui consiste dans l’identification du « progressisme » de J-Link avec l’argumentaire habituellement distillé par les différentes versions du narratif palestinien.
Ethos des Juifs Progressistes
Il ressort de ce texte un éthos idéal du Juif Progressiste. Les Juifs progressistes sont gagnés dans leur immense majorité à l’idéologie des gauches occidentales. En vérité c’est une vulgate, tellement diffusée qu’elle opère comme un argument d’autorité, par principe difficilement contestable : est progressiste celui qui dit l’être.
Ces Juifs rappellent constamment leur « attachement indéfectible » à Israël. Mais quelle est la valeur d’un attachement fondé sur la suspicion continuelle à l’endroit de la maturité de l’État d’Israël ? S’agit-il d’une défense d’Israël ou de la justification d’une position idéologique par ailleurs minoritaire en Israël ? Autrement dit, J-Link et ses adhérents sont au même titre que la centrale palestinienne pourvoyeurs de la « délégitimation d’Israël » comme des « poussées d’antisémitisme ». Cela ne tient pas seulement à la nature ou au contenu de son discours, mais également au système d’alliance de J-Link : il n’est que de prendre connaissance de son implantation et de sa charte pour comprendre que la seule ambition de J-Link est de proposer à l’opinion une conception alternative d’Israël et du sionisme : un État d’Israël vidé de son caractère juif, et soumis aux volontés de la « communauté internationale », un État d’Israël sans judéité et une Judée Judenrein sous contrôle d’une dictature antisémite et terroriste, l’OLP. Telle est la formule du « judaïsme progressiste ».
Pour terminer, le réseau J-link est l’un des pôles actifs du pro-palestinisme dans le monde. Il véhicule le même degré de désinformation et la même stéréotypie pseudo-critique que la rhétorique palestinienne.
Sa stratégie est décrite en toutes lettres : « J-Link aspire à travailler avec les communautés juives locales et les gouvernements nationaux des pays dans lesquels il est implanté ainsi qu’avec les organisations internationales pour défendre ses valeurs et sa vision d’Israël ».
Il est difficile de trouver une définition plus claire de l’ingérence.
Bibliographie :
Avinéri, S., Histoire de la pensée sioniste, trad.fr. E. Spatz, Paris, J.-C. Lattès, 1982.
Bard, M.-G., Mythes et réalités des conflits du Proche Orient, Paris, Ed. Raphaël, 2003.
Bénichou, D. (éds), Le Sionisme dans les textes, Paris, Ed. du CNRS, 2008.
Benssoussan, G., Une histoire intellectuelle et politique du sionisme (1840-1940), Paris, Fayard, 2002.
Kaminsky, C.- Kruk, S., Nationalisme juif et nationalisme arabe, Paris, PUF, Col. « Les chemins de l’histoire », 1982.
Laqueur, W., Histoire du sionisme, trad.fr. M. Carrière, Paris, Gallimard, Col. « Tel », 2 Vol., 1994.
Neher-Bernheim, R., Jérusalem, du roi David à nos jours, Paris, Albin Michel, Col. « Présences du judaïsme », 2013.
Pérennes, J., La Palestine et la décadence de l’Empire Ottoman (1820-1920), Ouest Editions et Université permanente de Nantes, 1999.
Rahmani, M., L’Exode oublié. Juifs des pays arabes, Paris, Ed. Raphaël, 2003.
Sarfati, G.-E.- Taguieff, P.-A., Le sionisme comme réalité historique et comme fantasme, ou la réinvention de la judéophobie, Paris, Les Etudes du Crif, n°58, Février 2020, 130p.
[1] B. Morris (1999), Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, ed. Complexe pp.408-409.
[2] https://news.walla.co.il/item/3067529
[3] Lire l’ouvrage de Barry Rubin et Wolfgang C. Schwanitz, Nazis, Islamists and the Making of the Modern Middle-East (2014, Yale University Press) ; Centre Wiesenthal : « Le Grand Mufti de Jérusalem, un personnage clé de la Solution finale », 23 octobre 2015, https://www.lemondejuif.info/2015/10/centre-wiesenthal-le-grand-mufti-d…
[4] Ruth Lapidoth, « Aspects juridiques de la question des réfugiés palestiniens », Pardès, n°34 « L’Exclusion des Juifs des pays arabes », In Press, 2003.
[5] Le lecteur se reportera à la Bibliographie (en part. : C. Kaminsky-S. Kruk, W. Laqueur, J. Pérennes).
[6] 1.8063702https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-palestinians-are-attending…
[7] La charte telle qu’elle a été éditée en 1968 est consultable à cette adresse https://mjp.univ-perp.fr/constit/ps1968.htm