Les Vents…., par Monique Zetlaoui

Les Vents…., par Monique Zetlaoui

            

Je vous aime depuis si longtemps, depuis toujours et pour toujours, vous, évanescents,  impalpables, invisibles, mais tellement présents.

Je vous aime, vous que je ne peux jamais toucher du bout des doigts, vous que je ne peux et ne pourrai jamais étreindre, que je ne pourrai jamais caresser alors que vous m’offrez les plus délicieux des frissons.

Je vous attends, je vous guette, je vous épie, à l’affût du moindre signe annonçant votre venue. Le plus souvent vous arrivez à l’improviste, rien ne vous annonce, pas de messagers porteurs de missives, pas d’emails, pas de coups de téléphone. Tout à coup, claquent les portes, vibrent volets et persiennes, geignent les gonds des serrures, battent les portails, frissonnent jalousies et moucharabiehs. Les frileux emmitouflés dans leurs certitudes s’effarent, calfeutrent les ouvertures, colmatent fébrilement chaque brèche par laquelle vous pouvez vous infiltrer et bouchent, bouchent leurs oreilles.

   Brusquement, sans crier gare, vous êtes là, vous chamboulez tout et c’est si bon ! Les feuilles tournoient dans une longue valse avec vous et exténuées se laisse choir  au sol, les toitures s’envolent et sur les cordes, claque le linge.

 Par vous, les jupons tourbillonnent et se soulèvent laissant entrevoir des peaux soyeuses,   de ravissants dessous de dentelles dont les hommes raffolent. Quel joli cadeau que vous leur offrez là !

A votre demande, vagues et océans laissent déferler sur les grèves de gigantesques vagues mousseuses. La houle s’éveille et tanguent, roulent les navires.

Vous pénétrez dans les terres, les maisons, les cerveaux et bien sûr vous omettez de demander la permission et ne détenez pas le moindre mandat de perquisition mais que votre intrusion est plaisante.

Vous balayez les idées reçues,  vous bousculez les certitudes les convictions, les croyances, que c’est bon ! Vous secouez d’antiques rituels, vous bouleversez l’ordre établi,  merci, merci.

Vous troublez sans ménagements les us et coutumes, vous libérez le silence, vous soufflez des pensées folles et vagabondes, des pensées séditieuses, contestataires,  des idées agitatrices et des concepts d’ailleurs, quel bonheur !!

 Tout à coup, retentissent des mots venus de loin, le soumis apprend l’insoumission, l’humilié voit pointer l’orgueil, des musiques d’ailleurs résonnent, le piano ébahi découvre le santour, la veena flirte de façon éhonté avec le luth, le violon aristocrate courtise la flûte roturière, quelle sublime concert !

 Tout à coup nous voilà enivrés par des parfums inconnus, des effluves lointains, des fragrances du bout du monde.

Dociles, les nuages vous obéissent et cachent Lune et Soleil selon votre bon vouloir mais aux hommes vous enseignez avec maestria l’art de désobéir, quelle belle leçon !!

Puissants et  cruels vous écartez les autres éléments. Le feu a beau resplendir, il vacille devant vous. Parfois  vous attisez ses flammes jusqu’à en faire un meurtrier, les arbres se tordent de douleur dans un long gémissement mais vous infligez le même sort aux vieux dictateurs dont les mains calcinées se tordent avant de décrocher chassés par une bouffée d’air frais, on entend alors s’élever de nouvelles clameurs qui disent liberté, rêve, innovations, liberté, liberté, liberté

Que je vous aime au printemps lorsqu’émus et attendris vous devenez les messagers de l’amour, transportant coursiers légers les semences d’un arbre à l’autre.

J’aime vos drôles de noms, Tramontane, Sirroco, Khamsin, Mistral et tant d’autres. Venez me rendre visite, mes portes mes fenêtres, mes oreilles sont grandes ouvertes pour recevoir avec joie cet ailleurs que vous m’offrez.

Entrez donc et merci de vos cadeaux, je les prends tous, les idées, les caresses, les frôlements, les musiques, les parfums, les saveurs, entrez donc Messieurs les Vents.  

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