Des historiens lèvent le voile sur les projets nazis en Afrique du Nord
A l'occasion d'un colloque organisé mardi à Jérusalem, des chercheurs sont revenus sur les projets des nazis concernant les juifs et l'échec de la politique arabe du IIIe Reich. Il s'agit d'un chapitre relativement méconnu de l'histoire du IIIe Reich : selon des recherches présentées, mardi 29 avril, à Jérusalem, les nazis s'apprêtaient à exterminer les juifs d'Afrique du Nord lorsque leurs armées ont été défaites par les Alliés, en 1942.
"Les nazis en étaient déjà au stade de préparatifs de déportation en juillet 1942, dans la perspective d'une invasion de l'Egypte par l'Afrika Korps de Rommel", a indiqué le chercheur Martin Cüppers de l'université de Stuttgart en Allemagne, à l'occasion de la présentation, mardi, de ses travaux à Jérusalem. "Un premier groupe de 24 hommes dirigé par un technicien du processus d'extermination (...) est arrivé en Libye en juillet 1942. Ce groupe spécial a eu le feu vert de l'armée allemande, commandée par le maréchal Rommel, pour commencer les préparatifs", a-t-il précisé
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Pour le chercheur, ces préparatifs ne laissent aucun doute sur l'intention des nazis d'appliquer la "solution finale" aux 400 000 juifs d'Afrique du Nord et éventuellement à 450 000 autres en Palestine.
ECHEC DE LA POLITIQUE ARABE DU REICH
Après la défaite d'El Alamein, en octobre 1942, lorsque l'armée allemande s'est repliée sur la Tunisie pour y garder une tête de pont jusqu'en mai 1943, "des plans ont été élaborés pour déporter les juifs par bateau vers l'Italie et de là, vers les camps de la mort d'Europe de l'Est", a souligné M. Cüppers. "S'ils n'ont pas été exécutés, c'est que la marine de guerre allemande avait d'autres priorités et ne disposait plus de bateaux." En attendant, des milliers de juifs tunisiens ont été internés dans des camps de travail dans le désert, dans des conditions très dures.
Ces nouvelles recherches permettent également de mettre en valeur un autre aspect de l'histoire du régime nazi : l'échec de sa politique arabe. Ainsi, en dépit d'un climat d'animosité croissante entre Arabes et juifs, la propagande allemande appelant les Arabes à "détruire les juifs et leurs biens" n'a pas eu l'effet escompté. Pour l'historien Michel Abitbol, de l'université hébraïque de Jérusalem, cet échec est dû "à l'incompétence et l'incohérence de la politique nazie vis-à-vis des Arabes". "Les nationalistes arabes attendaient de l'Allemagne qu'elle vienne les délivrer du colonialisme britannique, français, voire italien, mais elle est restée sourde en général à leurs appels", a-t-il estimé, attribuant cette attitude du Reich au "mépris envers les Arabes" en tant que peuple sémite, ainsi qu'à la nécessité de tenir compte des intérêts coloniaux des alliés de l'Allemagne nazie, l'Italie ou le régime collaborateur de Vichy.
Le chercheur italien Filipo Petrucci a relevé pour sa part que la "propagande raciste", provenant surtout de groupes d'extrême droite français, a été rejetée par les élites nationalistes, notamment en Algérie où elle "n'a pas eu de succès auprès des masses". Dans cette colonie française, les Algériens musulmans n'ont cependant guère manifesté de sympathie envers les juifs quand ils ont été déchus de la nationalité française en octobre 1940, a ajouté M. Petrucci, rappelant l'existence de pogroms avant guerre.
Chantal Metzger, chercheuse de l'université de Nancy, a souligné que le testament politique de Hitler, rédigé fin avril 1945 avant son suicide, apprend que le Führer "a regretté ne pas avoir joué la carte arabe", estimant que cela lui aurait permis de défaire la Grande-Bretagne. "Nul doute que les juifs d'Afrique du Nord auraient subi le même sort que ceux d'Europe si les armées alliées n'avaient pas libéré le monde du nazisme", a estimé l'ambassadeur d'Allemagne en Israël, en conclusion de ce colloque organisé à la veille de Yom HaShoah, "la journée du souvenir de la Shoah".