Trump s'éloigne d'Israël
Pour le professeur Jacob Ausderan, la coopération de Trump avec Poutine fera traîner en longueur la crise en Syrie. Est-ce dans l’intérêt d’Israël ?
La récente tournée de Donald Trump au Moyen-Orient et ses rencontres avec les dirigeants arabes et israéliens ont fait couler beaucoup d’encre : d’aucuns parlent d’une « rupture diplomatique » par rapport aux années d’Obama, d’autres évoquent une tentative destinée à contrer l’Iran dans un Moyen-Orient où les rapports de force commencent à changer.
Mais le professeur Ausderan, qui enseigne les sciences politiques à l’Université de l’Arkansas, a un point de vue différent : « À vrai dire, la politique de l’administration Trump au Moyen-Orient s’inscrit dans la lignée de celle de Barak Obama. La guerre contre Daech et la bataille pour la libération de Mossoul ne datent pas de l’ère Trump et l’arrivée à la Maison-Blanche du milliardaire n’a rien changé à la manière dont les États-Unis traitent le terrorisme de Daech. Un autre exemple qui prouve cette continuité est celui du nucléaire iranien. L’accord nucléaire, que Trump avait promis à maintes reprises de déchirer dès son arrivée dans le bureau ovale, reste toujours en vigueur plus de six mois après l’élection de Trump. »
L’expert estime d’ailleurs que les États-Unis ne sauraient annuler l’accord, tant que l’Iran s’estimera lié par le texte, à moins qu’ils ne veuillent nuire à leur image de manière irréversible : « Là dessus, les conseillers de Trump lui expliqueront sûrement les risques qu’il fera courir aux États-Unis s’il annule l’accord nucléaire, et en ce sens, il n’ira pas jusqu’au bout. Ainsi, face à l’Iran aussi, sa politique ne diffère pas trop de la politique d’Obama. »
Mais selon le professeur Ausderan, là où la politique de Trump tranche avec celle de son prédécesseur, c’est sur la Syrie : « En Syrie, Trump semble s’éloigner peu à peu d’Israël et de ses intérêts. Autant le président américain se montrait ami et complice de Netanyahu au début de son mandat, autant il se montre désormais distant. À bien y regarder, les liens entre Trump et Netanyahu se sont refroidis et la brouille israélo-américaine est aussi grande qu’à l’époque d’Obama. Donc envers Israël, Trump emboîte encore le pas à Obama. Mais en Syrie, les deux hommes semblent diverger. C’est le seul dossier où l’actuel président américain cherche à se rapprocher de la Russie. Et puisque Moscou veut ni plus ni moins le maintien d’Assad au pouvoir à Damas, on est enclin à dire que la politique syrienne des États-Unis a effectué un véritable virage. Cela sert évidemment les intérêts d’Assad et de ses alliés, aux dépens des rebelles qui s’opposent à lui. Mais il y a aussi Israël qui, au regard de cette volte-face américaine, aura du mal à tirer les marrons du feu ».
Pour Ausderan, la frappe balistique des États-Unis contre l’aérodrome de Shayraat à Homs pourrait donner l’impression du contraire : « Certains pourront croire que l’attaque signe le tournant belliciste de Washington en Syrie. Mais c’est là une erreur à ne pas commettre. Puisque la frappe ne s’est plus produite et que les vols de l’aviation syrienne ont repris dès le lendemain. En réalité, la politique syrienne de Trump va à rebours de celle d’Obama, car ce dernier a apporté un soutien plus concret, plus long et plus perceptible aux rebelles anti-Assad ».
Plus loin dans son analyse, Ausderan revient sur une possible confrontation militaire au Moyen-Orient sous la présidence Trump : « L’idée d’un face-à-face militaire n’est pas à écarter surtout quand on s’intéresse de plus près à la logique de confrontation qui règne sur les liens de Riyad avec Doha. Mais cet état de choses pourrait se reproduire, que Trump soit là ou pas. La politique moyen-orientale de Trump ne fera que prolonger la guerre en Syrie, car Trump est visiblement déterminé à coopérer avec Moscou et ne pense plus à renverser Assad et cela veut dire tout bonnement la poursuite de la guerre en Syrie. »