«Les juifs arabes doivent oser ouvrir le dialogue»
Dans une lettre ouverte, de jeunes Israéliens tendent la main à la nouvelle génération du Printemps arabe
Andrés Allemand
«La Tunisie, l’Egypte et maintenant la Libye! Ces révolutions nous touchent au coeur. Car nous sommes tous de jeunes Israéliens descendant des familles juives du monde arabo-musulman. Des origines dont nous sommes fiers. Nous ne voulons plus cacher notre culture, comme nos parents ont dû le faire si longtemps, afin de s’intégrer dans une société israélienne dominée par les Ashkénazes, les juifs d’Europe.»
Orly Noy est l’une de 76 signataires d’une lettre ouverte aux jeunes activistes du printemps arabe, publiée sur nombre de sites Internet (arabjews.wordpresse.com). Elle-même n’est pas Arabe mais Iranienne. Et se souvient, honteuse, de l’époque où elle interdisait à ses parents de parler le farsi devant les copines qu’elle invitait à la maison. «Quant à mes amis issus du monde arabe, beaucoup ont carrément perdu la langue d’origine de leur famille. La parler, en Israël, c’était être identifié avec l’ennemi. Nous les Mizrahi, les juifs dits orientaux, nous étions culturellement suspects. Il fallait tout faire pour être assimilé à la culture occidentale.»
Aujourd’hui encore, affirme Orly Noy, 98% du budget du Ministère de la culture est dédié aux Ashkénazes. Alors que les Mizrahi forment la moitié de la population juive d’Israël. Et il est toujours jugé choquant de se dire à la fois juif et arabe. Le sionisme et le nationalisme palestinien ont fait éclater la double identité. «Souvent, ce sont des Mizrahi qui tiennent les propos les plus durs à l’encontre des Arabes. Pour montrer leur loyauté à l’Etat d’Israël.»
Mais des voix s’élèvent à présent dans la nouvelle génération pour changer la donne. Ainsi, la lettre aux jeunes du printemps arabe profite de ce moment historique pour formuler un message de solidarité et tenter de rebâtir des ponts brisés après la création de l’Etat d’Israël (il y a exactement 64 ans), l’exode des Palestiniens et la fuite des juifs des pays arabes.
Les 76 signataires de la lettre ouverte disent leur fascination pour ces jeunes à Tunis, au Caire ou encore à Benghazi, capables d’organiser «une résistance civile non violente qui a fait descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues et sur les places et finalement forcé les dirigeants à démissionner». Ajoutant: «Nous aussi vivons dans la réalité d’un gouvernement qui, malgré sa prétention à présenter une façade démocratique, n’est pas représentatif de larges fractions de la population du pays.»
Autant dire que ces jeunes-là ne sont pas du côté du premier ministre Benjamin Netanyahou. Eux prônent la fin du contrôle militaire sur les Territoires palestiniens et l’accession à l’indépendance. Mais aussi la fin des «murailles de racisme» en Israël contre les citoyens arabes et les juifs orientaux. Le tout dans un grand Moyen-Orient s’inspirant du modèle andalou, où vivraient en paix «juifs, sunnites, chiites et chrétiens, Arabes, Kurdes, Berbères, Turcs et Iraniens, Orientaux et Ashkénazes, Palestiniens et Israéliens». Rien que ça!
«Evidemment, nous sommes très minoritaires», convient Orly Noy. Pratiquement inaudibles, pourrait-on ajouter. «Mais il faut bien commencer quelque part. Nous sommes convaincus que nous avons un rôle positif à jouer pour l’avenir d’Israël et de toute la région. Les premières réactions, parmi la jeunesse arabe, sont encourageantes. En attendant, Orly fait sa part. Elle travaille à la première traduction en hébreu d’un roman iranien. En l’occurrence, le best-seller Mon oncle Napoléon d’Iradj Pezechkzad.
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