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Ô Jérusalem, par Pol Serge Kakon

         Ô Jérusalem, par Pol Serge Kakon

 

 

             

              En entrant dans l’appartement reservé aux  invités  de la belle demeure de mon ami Maurice Bériro qui me reçoit pour quelques jours, je constate que j’ai oublié d’emporter avec mes affaires un livre ou deux. 

              La chambre est spacieuse et fraîche, de la fenêtre, par temps clair, on peut apercevoir le rocher de Gibraltar au milieu de la mer bleue, éblouie comme un grand miroir par le soleil d’Andalousie.

              Je remarque des livres au-dessus d’un joli meuble de Ronda et m’approche avec la prudence d’un intrus.  Les uns portent des titres en français, d’autres en anglais ou en espagnol. Peut-être ont-ils été oubliés ici par des hôtes de passage.            

              Je me suis toujours dit que les livres ont une vie même après leur vie. Si  chacun d’entre eux raconte à la fois des bribes de destins, son histoire à lui ne  commence qu’une fois franchie la porte de la librairie.

               Ces quelques livres devant moi, se tiennent en rang serré près d’un lit somptueux, peuplé d’envies.

               De langues et d’origines pourtant différentes, abrités derrière un grand chandelier en cuivre, étincelant, ils se tiennent coude à coude, circonspects, résolus à résister au temps pour relayer encore de sempiternelles histoires d’hommes, truffées de vanités.  

            Le premier dont je m’empare est neuf mais jauni avant l’âge ; des mains lasses l’ont refermé un soir aussitôt ses premières lignes parcourues.

            Le suivant est plus chanceux, il parle d’amour, deux amants sur  sa couverture s’éloignent  vers le bout d’une allée ombragée. Sur la page 142, d’infimes tâches de gras, le souvenir peut-être, du petit déjeuner d’un matin de bonheur.

            J’hésite quelques secondes avant de prendre son voisin. Celui-là  semble transi de je ne sais quel désarroi,  il retient jalousement un signet  placé avant son dernier chapitre ; il n’y avait plus de place dans la valise, on lui a  préféré un T-shirt acheté la veille. Alors il est resté sur la table  de nuit, stupéfait tel un chiot abandonné sur une route de vacances. Plus tard dans la matinée, la femme de ménage l’aura placé, sans même lui accorder un regard, sur le joli meuble de Ronda.

             Ils sont une vingtaine, ces bouquins de tous bords entre lesquels se distingue le dos d’un plus épais. Lui, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part, peut-être même de l’avoir lu. Un de ces livres  dont les titres et les sujets nous sont si proches , acquis à notre histoire ;  nous avons tellement entendu parler d’eux que nous nous sommes parfois impardonnablement dispensés de les lire.

            Celui-là est certainement passé entre les lignes de ma mémoire mais cette fois je le tiens :    

                                         « Ô Jérusalem ».

               (Si je t’oublie Jérusalem, que ma main droite se dessèche,

               Que ma langue s’attache à mon palais,

                Si je perds ton souvenir, si je ne mets Jérusalem au plus haut de ma joie).  Chant des enfants exilés d’Israël, psaume 137.

              

                Dominique Lapierre et Larry Collins, l’ont publié en 1971 mais on  pourrait le croire écrit aujourd’hui. Il faut lire ou relire ces 860 pages admirablement documentées, commentées, et quelle belle écriture ! Historique, pas seulement, épiqueimpartial, ce récit, on peut dire indispensable de vérité sur l’Histoire  si souvent frelatée del’aventure magistrale d’une nation, la nôtre. A savourer sans modération, en ces jours nauséabonds de remugles et de lâchetés.

 

Pol- Serge KAKON 

polserge@gmail.com

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