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7 années de bonheur, par Etgar Keret

7 années de bonheur, par Etgar Keret

 

 

Une recension de Jean-Pierre Allali

Pendant des décennies, c'est Ephraïm Kishon qui a représenté l'humour  en Israël. Il a disparu en 2005 et l'on peut dire que c'est Etgar Keret qui a pris sa suite. Cet auteur protéiforme, né en 1967 à Tel-Aviv est tout à la fois écrivain, scénariste de bandes dessinées et réalisateur. Son œuvre est marquée par sa tendance à la dérision. Salman Rushdie dit de lui qu'il est « un remarquable et inimitable écrivain, assurément la voix de la génération d'aujourd'hui ».

Avec « Sept années de bonheur », son nouveau titre, Keret persiste et signe, persiflant sur tout y compris sur les sujets les plus douloureux. Il faut rire de tout, telle semble être sa devise. Prenez les démarcheurs téléphoniques, par exemple. Connaissez-vous des gens plus collants et plus antipathiques ? Difficile d'en trouver. Etgar, lui, sait se montrer patient. Et quand Devora, de Yes, la télévision satellitaire lui demande s'il a un moment, il a beau lui dire qu'il est au fond d'un trou, qu'il s'est cassé la cheville et qu'il attend les secours, la belle ne lâche pas sa proie : « Je rappelle demain, alors ? ». Et elle rappelle ! Il s'échine à lui expliquer qu'il est sur le point d'être amputé, qu'il est sous sédatif, elle insiste : « Je n'en ai que pour une minute ! » Cela n'empêchera pas l'obstinée de rappeler encore le jour suivant. Et quand Etgar, feignant d'être son frère, annonce la mort du client potentiel, Devora , tout en présentant ses condoléances, précise qu'elle a bonne offre « Travail du deuil » à proposer. Les situations décrites, d'une année à l'autre, par Keret, sont tout aussi loufoques qu'invraisemblables jusqu'au « Pastrami » final. « Pastrami » ? Kézako ? Eh bien, il faut entendre par là la stratégie adoptée par la famille en cas d'alerte aérienne, alors que les Keret sont sur l'autoroute, stratégie devenue un jeu. « Maman et moi, on est des tartines et toi une tranche de pastrami. Le jeu, c'est de faire un sandwich le plus vite possible ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Lev se couche sur le dos de Shira. Etgar se place au-dessus. Et chacun de crier « Pastrami » en attendant le bruit de l'explosion. L'alerte est passée. C'est fini. Mais Lev en redemande. On lui promet que la prochaine fois, on fera le toast au fromage. « Oui, mais, dit l'enfant, inquiet. Et s'il n'y avait plus jamais de sirènes ! » Hilarant. À consommer sans modération.

(*) Éditions de L'Olivier. Traduit de l'anglais (Israël) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso. Mai 2014. 208 pages. 18 euros.

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