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Centenaire de Saliha : Deux ou trois choses que je sais d’elle

Centenaire de Saliha : Deux ou trois choses que je sais d’elle

 

 

Que dire de l’art, le grand art de Saliha, à l’occasion du centenaire de sa naissance, alors que tout a été dit, ou presque, depuis qu’elle nous a quittés un certain 26 novembre 1958? Reste alors la face cachée de la grande diva, c’est-à-dire sa vie intime, ses joies et ses souffrances, ses «tempêtes et ses mers calmes» (Cf Gilbert Bécaud), et tous ces événements heureux et malheureux, qui vous façonnent la vie d’un être humain.

Avec la vie de Saliha et bien que l’on ne sache que deux ou trois choses d’elle, comme dirait Jean-Luc Godard, il y a de quoi faire un feuilleton à succès, avec quatre grands épisodes qui retraceraient le parcours mouvementé d’une femme qui a souffert, certes, mais qui a eu aussi ses heures de gloire.

 

 

Une enfance difficile

Premier épisode : L’enfance difficile de Sallouha (le vrai prénom de Saliha). Née en 1914 à Nebeur, dans l’actuel gouvernorat du Kef, elle se trouve obligée, dès son jeune âge à quitter le village natal avec sa mère M’barka, sa sœur Eljia et son père Brahim, originaire d’un village algérien proche de Souk Ahras. C’est alors le début de la traversée du désert. Première étape : Mateur. Puis la famille s’installe à Tunis. Là, Sallouha et Eljia sont placées dans la famille de M’hamed Bey, frère du célèbre Moncef Bey, le «roi-martyr».

Mais à quelque chose malheur est bon : Sallouha se trouve, soudain, au contact du monde de la musique et de la chanson. En effet, dans la demeure de M’hamed Bey, on reçoit souvent les grands chanteurs de l’époque, et les princesses apprennent à jouer des instruments de musique, comme dans plusieurs familles de la bourgeoisie tunisoise. Sallouha, en imitant en cachette les maîtresses de maison, découvre alors ses dons de chanteuse.

Comme dans un roman de Hugo, notre Cosette nationale passe, en 1927, au service d’une chanteuse du nom de Badria. Là aussi, et comme si le destin de Sallouha était scellé d’avance, elle se trouve de nouveau dans une ambiance propice à l’éclosion de son talent.

Une jeunesse mouvementée

Deuxième épisode : Quelque temps plus tard, le Destin (avec un «d» majuscule) aura pour nom Hassouna Ben Ammar, un avocat de Tunis qui, en passant un jour devant la maison de Badria, à la rue du Pacha, entend Sallouha chanter. Grâce à lui, Sallouha fait ses premiers pas dans le monde de la chanson. Un véritable conte de fées!

Mais entre-temps, les malheurs s’abattent sur Sallouha : ses jeunes frères décèdent subitement, ses parents divorcent, on la marie très jeune, mais son mariage ne sera pas une réussite. La seule lueur dans ce tableau noir : la naissance de sa fille, la future chanteuse Choubeila Rached.

C’est dans la musique que Sallouha trouvera le réconfort. Béchir Fahmi, un artiste tripolitain résidant en Tunisie, est le premier à la prendre en main, selon certaines sources. D’autres indiquent que ce mérite revient à Béji Sardahi qui l’intègre dans sa troupe musicale et lui donne le pseudonyme de Soukeina Hanem.

Toujours est-il que la vraie première rencontre de Saliha (sous ce nom peut-être) avec le grand public remonte à un certain 15 octobre 1938, au Théâtre municipal de Tunis, à l’occasion de l’inauguration de Radio Tunis. Mais la consécration, la vraie, aura lieu lorsqu’elle fera son entrée à la Rachidia, après qu’on l’eut présentée à Mustapha Sfar, maire de Tunis et fondateur de la Rachidia en 1934.

Au sommet de la gloire

Troisième épisode : C’est alors le début, pour Saliha, d’une période faste qui durera jusqu’à sa mort. Avec la Rachidia, elle va avoir ses plus grands succès. Les plus grands poètes de l’époque (El Arbi El Kabadi, Mohamed Marzouki, Ahmed Kheireddine, Mustapha Agha…) et les compositeurs les plus célèbres (Khémaïs Ternane notamment mais aussi Salah El Mehdi, Kaddour Srarfi, Mohamed Triki…) seront au service de sa voix, une voix immense et inégalable jusqu’à nos jours. «La Rachidia c’est moi», aurait pu dire Saliha, comme disait Louis XIV de l’État. Le début de cette fusion a été marqué, dit-on, par «Men Freg ghzali», puis les succès n’ont pas connu de fin.

Avec le succès et la gloire, l’ex-Sallouha bénéficie, enfin, d’un certain confort matériel : une rénumération mensuelle et un logement pris en charge par la Rachidia. Saliha est bien loin des jours misérables de son enfance, mais les échecs qui, paraît-il, jalonnent sa vie effective, entachent son bonheur retrouvé.

Un astre s’éteint

Quatrième épisode : La maladie vient gâcher la réussite de Saliha, mais elle passe outre les conseils de ses médecins lui prescrivant le repos. Résultat; elle doit se faire opérer, fin 1957, à la suite d’une crise dont elle a été victime alors qu’elle chantait au Kef avec la Troupe El Manar de Ridha Kalaï. Écourtant sa convalescence, contre l’avis de ses médecins, elle revient sur la scène.

Elle fera sa dernière apparition en public le 10 novembre 1958 au Théâtre municipal de Tunis, lors d’un gala tuniso-marocain, où, comme par hasard, elle chante «Mridh féni». Quinze jours plus tard, le 25 novembre 1958, elle quitte la vie à la suite d’une seconde opération qui lui sera fatale.

La souffrance des derniers jours a dû être terrible pour notre grande diva, mais la mort viendra tout apaiser, et notre feuilleton se terminera avec des images de l’enterrement de Saliha à El Omrane et l’adieu qui lui est fait par une grande foule d’admirateurs.

Adel LAHMAR

Publié par Webdo dans Tunis-Hebdo

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