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Dans la plus pure tradition juive, Sheryl Sandberg, numéro 2 de Facebook, porte le deuil de son mari

Sheryl Sandberg et son défunt mari, Dave Goldberg. (Facebook)

Dans la plus pure tradition juive, Sheryl Sandberg, numéro 2 de Facebook, porte le deuil de son mari

Michel Danthe

 

 

La cheffe des opérations de Facebook, Sheryl Sandberg, perd son mari. Au sortir du deuil rituel juif, elle dit dans un post tout ce que cette épreuve lui a apporté. Les réseaux sont secoués. Les femmes plébiscitent sa sublime empathie

Une très importante femme dirigeante américaine perd son mari. Elle porte son deuil. Le pleure. Puis partage avec le monde les leçons de vie de cette tragique épreuve. Déclenchant une émotion planétaire.

Cette femme, c’est la numéro deux de Facebook, Sheryl Sandberg. Son mari, David «Dave» Goldberg, une des coqueluches de la Silicon Valley, a disparu récemment, victime d’un très brutal traumatisme crânien.

Au sortir du deuil, Sheryl Sandberg publie sur sa page Facebook 9000 signes d’un texte bouleversant et couturé de sens.

Elle y dit le choc que la mort subite de son époux a provoqué en elle. Elle inscrit sa démarche dans les pas des traditions juives, en rappelle la scansion du deuil: les sept jours rigoureux de la chivah, suivis des trente jours plus souples des chelochim.

«Les lois du deuil», remarquent fort justement Geoffrey Wigoder, l’éditeur de l’Encyclopedia Judaica, et Sylvie-Anne Goldberg, «tentent de trouver un équilibre entre une émotion bien naturelle et une sagesse toute philosophique». Les mots de Sheryl Sandberg suivent quasi à la lettre cette pénétrante définition.

Elle évoque un de ses amis d’enfance, devenu rabbin et qui lui confie que la prière la plus puissante qu’il ait jamais lue en pareilles circonstances déclare: «Ne me laisse pas mourir alors que je suis encore vivant.»

Dévastée par le chagrin, Sheryl Sandberg était bien près, explique-t-elle, de sombrer dans le vide, «la vacuité qui remplit votre cœur, vos poumons, étrangle votre capacité à penser et même à respirer». Mais elle a essayé de trouver du sens à ce qui était advenu. C’est à cela, aussi, que servent les chelochim: au milieu des pleurs, surmonter sa douleur. Ne pas se laisser mourir alors que l’on fait partie des vivants.

Adepte du «share», du partage, Sheryl Sandberg, au sortir des trente jours rituels, décide ensuite de redonner au monde ce qu’elle a reçu des autres comme ce qu’elle a trouvé aussi en elle-même à l’occasion des rituels: «J’ai vécu trente ans dans les trente jours qui viennent de s’écouler. Je suis trente ans plus triste. Mais je me sens aussi trente ans plus sage.»

Suit l’énumération proprement bouleversante de ce que ce deuil lui a appris: à se sentir plus mère, à se sentir plus empathique, à reconnaître la douleur plutôt que de l’euphémiser, à demander de l’aide, à prendre conscience de l’éphémère absolu de l’existence, à exercer sa résilience, à apprendre à revenir au cours normal de la vie, particulièrement avec ses collègues de travail, à témoigner sa gratitude.

Et enfin à songer à une option B pour l’aider à s’occuper de leurs deux enfants et à endosser le rôle de père que son époux, décédé, ne peut plus assumer auprès d’eux. L’option A, Dave, n’étant plus «disponible». Sheryl Sandberg dit cela en ces termes et de manière si naturelle, si désarmante de simplicité que les larmes vous en jaillissent.

«Je porterai toujours le deuil de l’option A. Comme Bono l’a chanté, il n’y a pas de fin au chagrin… Et il n’y a pas de fin à l’amour. Je t’aime, Dave.»

Près de 600 000 personnes plébiscitent son témoignage sur Facebook. Plus de 250 000 le partagent. Une cinquantaine de milliers, parmi lesquels Mark Zuckerberg ou Arianna Huffington, commentent.

Les Américains n’ont, avec la vie réputée privée, pas le même rapport ni la même attitude que les Européens (pour ne parler que de nous): c’est volontiers qu’ils en témoignent devant la communauté pour exprimer leur gratitude, faire avancer certaines causes ou simplement partager leurs expériences de vie.

On se souvient, dans cet ordre d’idées, du coming out de l’actuel patron d’Apple, Tim Cook, qui témoignait dans un magazine du don de Dieu que fut pour lui son homosexualité. Nombre de commentateurs européens ricanaient doucement, pour n’y voir qu’un coup de pub, là où l’Amérique saluait la sincérité et l’engagement du patron. Gageons que certains Européens ne manqueront pas de marquer, avec le témoignage de Sheryl Sandberg, une distance identique.

Mais ce qui frappe surtout lorsqu’on parcourt la nuée des commentaires que suscite son post sur Facebook, ou, plus laconiquement, sur Twitter, c’est l’écho qu’il rencontre surtout chez les femmes. Que ce témoignage interpelle, toutes générations confondues. Ainsi Kelly Sachs: «Je suis assise avec ma mère qui n’a pas Facebook mais qui désire exprimer ceci via mon statut…» Suit un témoignage qui dit combien Sheryl Sandberg touche juste, se situe au cœur des choses, au cœur de l’être.

Tout comme, il y a deux ans, elle galvanisait des millions de femmes en publiant En avant toutes: les femmes, le travail et le pouvoir, un plaidoyer pour les inviter à montrer leur ambition professionnelle.

Elle y discutait en détail de l’organisation de son couple et du partage des tâches qu’ils avaient organisé, Dave et elle. Des pages qui résonnent plus encore aujourd’hui que «l’option A», comme elle l’appelle si affectueusement dans son post de deuil, n’est plus disponible…

La mentalité européenne peut ricaner de ces partages très spectaculaires d’expériences de vie: ils demeurent la force des Américains.

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