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De la dérision et de la haine, par Andre Nahum

De la dérision et de la haine, par Andre Nahum

 

 

Je vous parle de ma bonne ville de Sarcelles devenue un camp militaire avec des soldats qui  dorment dans les synagogues et qui se relaient jour et nuit dans la gare et devant les lieux de culte et les bâtiments juifs menacés.  Cela fait bizarre, cela rappelle la guerre, mais c’est rassurant et les gens se demandent avec inquiétude : Jusqu’à quand vont-ils  rester et que va-t-il se  passer après leur départ ?

Oui, toute la question est là : Allons-nous vivre en permanence sous protection militaire ?

Ce que nous apprenons à la radio et voyons à la télé ne pousse pas à l’euphorie.

Le hiatus entre la laïcité française et l’Islam intégriste est trop profond, la haine du juif est trop forte.

Le dernier numéro de Charlie Hebdo que l’on s’est arraché en France a  représenté le prophète avec un message de pardon, mais n’avait  rien d’insultant ni de blasphématoire et pourtant, dans de nombreux pays les manifestations anti-françaises ont été  violentes et souvent meurtrières.

Il faut croire, comme l’a dit Djamel Debbouz, dimanche soir sur TF1 que les Européens et particulièrement les Français ne se rendent pas compte que la culture des Musulmans leur rend insupportable tout ce qui peut apparaitre  de prés ou de loin comme  une atteinte à Allah et à son prophète. Personnellement, étant né tunisien, je  le sais.

Faut-il  pour cela  interdire aux artistes, aux écrivains, aux dessinateurs, aux caricaturistes de produire toute œuvre qui pourrait être considérée comme blasphématoire ?

Faut-il, dans un pays où la gouaille, la dérision, de Rabelais à Coluche, font partie intégrante de l’identité et de la culture, interdire une caricature, une blague, mettant en cause, Moise, Jésus ou Mohamed ?

Certains le souhaitent et demandent en invoquant la loi Gaysot, que l’on  interdise et punisse le blasphème.

D’autres, s’irritent de ce que l’on interdise un spectacle de Dieudonné quand il s’attaque violemment aux Juifs et que l’on permette ce qu’ils considèrent comme un acte d’islamophobie et parlent de deux poids, deux mesures. Mais les deux choses n’ont rien à voir. L’antisémitisme de Dieudonné et de son ami Soral est un appel à la haine, alors que des dessins ou des caricatures, même si ils  peuvent choquer ou paraitre inopportuns, sont un appel à la dérision.

Nous sommes donc en présence de deux positions difficilement conciliables, mais nous sommes en France et la loi est française.

Pour passer à une note plus optimiste je voudrais  relever  les réactions tunisiennes après les terribles journées que nous  avons vécues. En effet le président Beji Caid Essebsi s’est rendu à l’ambassade de France à Tunis pour affirmer sa solidarité avec notre pays.

Le journal « Le Temps » a fait le récit des attentats en titrant : « La Tunisie en deuil » en référence aux trois victimes juives d’origine tunisiennes.

Des partis politiques,  dont « En-nahda » ont présenté leurs condoléances , et dans l’hebdomadaire « Ettrik  Al Jadid », son directeur, Samir Taieb,  également président du parti « Al Massar, démocratique et social », au soir de l’attentat de Charlie Hebdo, envoya ses condoléances à la direction du, journal et publia un long article dans lequel il écrit  notamment :

« ému et choqué, ce soir je pleure, doublement consterné par le drame qui a frappé «charlie hebdo». d’abord, en tant que citoyen du monde, menacé dans sa liberté, menacé dans sa vie. ensuite, en tant que militant politique pour la démocratie… »

 

Samedi soir, près  de deux cents personnes se sont  rassemblées  devant la grande synagogue de Tunis à l’initiative de « l’Association de défense des minorités », pour rendre hommage à Yoam Hattab, citoyen  tunisien, assassiné à l’Hypercacher.

Enfin dimanche, encore à Tunis, à l’hotel Africa, un  hommage a été rendu à toutes les victimes.

Bref, en république tunisienne, un petit rayon  soleil  dans un ciel  loin d’être  serein.

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