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Des artistes tunisiens s’attaquent à l’injustice par une campagne artistique

 

Des artistes tunisiens s’attaquent à l’injustice par une campagne artistique

 

 

 
Convoquée par un juge d’instruction, l’artiste Nadia Jelassi s’est trouvée le 28 août dernier dans la posture d’une criminelle à côté d’hommes balafrés et menottés dans une salle au Palais de Justice : « Mettez-vous tout droit, tournez-vous à droite, tournez-vous à gauche » … Mesurée, passée à la règle, à l’épreuve anthropométrique, elle est accusée de trouble à l’ordre public pour avoir “osé” exposer les bustes de femmes voilées sur des cailloux évoquant une scène de lapidation. Contrairement à l’annonce du ministre de la culture Mehdi Mabrouk qui avait promis de poursuivre les artistes en justice, c’est plutôt le Procureur de la République qui le fera.
 

Un autre artiste, Mohamed Ben Slama a été également convoqué par le juge d’instruction mais il n’est pas actuellement en Tunisie. Il avait exposé le tableau de la femme au couscous et un autre où on voit des fourmis sortir du cartable d’un écolier. Sur le mur, ces fourmis forment des lettres transcrivant l’expression de louange religieuse « Sobhanahallah » (Gloire à Dieu). Les deux artistes tunisiens risquent entre six mois et cinq ans de prison.

Interview (Ar) avec Nadia Jelassi au sujet de la plainte du Procureur de la République qui a été déposée contre elle

 

Artiste plasticienne, professeur et chef de département des arts plastiques à l’école des Beaux Arts à Tunis, Mme Jelassi a été choquée de voir le juge d’instruction prompt à la passer à l’épreuve anthropométrique. “Quelle intention aviez-vous quand vous avez fait cette installation ?” lui dit-il. Selon Mme Jelassi, juger un artiste selon ses intentions serait une injustice. Rentrée chez elle, elle se met une règle au milieu du visage pour reproduire ce qu’ elle a vécu. Sa photo fera le tour du facebook et des réseaux sociaux.

Des artistes et citoyens tunisiens se saisiront de suite de sa cause pour se montrer solidaires en faisant la même chose avec quelques variations.

Accusé d’avoir troublé l’ordre public, chaque artiste, en se mettant virtuellement à l’épreuve anthropométrique reconnaît qu’il peut être le suivant poursuivi en justice et accusé de criminel selon l’article 121 du code pénal.

Il est significatif de rappeler qu’entre le 1 er et le 10 juin, aucun trouble ou problème n’a été signalé au Palais Abdellia lors de l’exposition du “Printemps des arts” à Tunis. Ce n’est qu’après l’intervention de deux rcdistes qui ont poussé les salafistes à s’insurger que la polémique d’”atteinte au sacré” a été lancée.

Le lendemain, mardi 12 juin, lors d’un point de presse au Palais du gouvernement à la Casbah, les ministres de la culture, des droits de l homme et des affaires religieuses ont désigné délibérément les artistes de “blasphémateurs” puisqu’ils auraient “touché au sacré”.

Passé dans tous les médias tunisiens, ce point de presse a donné le feu vert à l’émeute en mettant à l’index les artistes jugés “hérétiques”. Des imams ont suivi la vague. Houcine Labidi, prêcheur à la mosquée Zitouna, appellera trois fois de suite à faire couler le sang des artistes.

Le soir même, des islamistes et des casseurs se joindront au “jihad” en répondant violemment et ce en cassant et incendiant des bâtiments publics. Un couvre-feu est décrété. Plus de 160 personnes seront arrêtées pour être libérées ultérieurement… Les 27 artistes qui ont été menacés de mort préparent encore leur dossier pour déposer une plainte avec tous les documents et preuves nécessaires. Entre temps, ils vivent dans la terreur. Plusieurs d’entre eux ont déménagé après les attaques perpétrées contre eux et leurs familles.

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