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Disparition soudaine du gaon rav Nathan Tsvi Finkel, zatsal : le Roch Yéchiva de Mir à Jérusalem, par Paul Besnainou

 

 

Disparition soudaine du gaon rav Nathan Tsvi Finkel, zatsal : le Roch Yéchiva de Mir à Jérusalem

 

« Comme Ra’hel Iménou, tu as consacré ta vie à ton prochain et au peuple d'Israël. Toute ta vie, tu as vécu avec des forces qui dépassent l’entendement, ton corps n’était que kédoucha » ; ces mots poignants sont les derniers que le fils du Roch Yéchiva de Mir a adressé à son père, rav Nathan Tsvi Finkel, avant de l'accompagner, avec plus de cent mille personnes vers sa dernière demeure au cimetière de Guivat Shaoul à Jérusalem.

« Les ténèbres couvraient la face de l’abîme. » Ce verset reflète certainement l’atmosphère qui dominait ce matin, dans la prestigieuse Yéchiva de Mir : la grande salle d’étude était plongée dans l’obscurité, tous les bancs étaient poussés sur les côtés, pour laisser la place aux dizaines de milliers d’hommes venus rendre un dernier hommage au maître des lieux, rav Nathan Tsvi Finkel, zatsal, décédé subitement à l'aube des suites d'un arrêt cardiaque alors qu'il n'avait que 69 ans. Les ténèbres prirent place, mais aussi la stupéfaction. Parce que rien ne laissait présager cette sombre nouvelle : le matin même de son décès, le Roch Yéchiva de Mir avait prévu de réunir les étudiants francophones de la Yéchiva, pour leur livrer des réflexions de moussar.
Rav Nathan Tsvi est né en 1943 à Chicago. Descendant direct de l’illustre Saba de Slabodka dont il portait le nom, il se maria avec sa petite-cousine, la fille de rav Beinich Finkel, ancien Roch Yéchiva de Mir. Et c'est lui qui hérita de ses fonctions à son décès, en 1990.
La devise qui peut résumer la manière dont il dirigea sa Yéchiva était : « Tout celui qui souhaite étudier la Torah, qu’il vienne la prendre. » En dépit du manque de place permanent dont souffrent les locaux de la Yéchiva, des centaines de jeunes étudiants rejoignaient ses bancs chaque année. Séfarade, ashkénaze ou ‘hassid, chaque étudiant y était accueilli de la même manière, sans laisser la place aux clivages. C’est ainsi que la Yéchiva de Mir, qui comptait alors aux alentours de 500 élèves, prit au cours des deux dernières décennies et sous la houlette de rav Nathan Tsvi, des proportions extraordinaires, pour devenir la plus importante Yéchiva du monde. À ce jour, près de 6 000 étudiants viennent chaque jour étudier la Torah dans l’une de ses nombreuses salles d’étude, et même dans ses différents couloirs…
Rav Nathan Tsvi accordait une importance capitale à l'orientation de ses élèves dans leur étude. Il développa ainsi plusieurs programmes d’étude – celui d’une page de guémara quotidienne, et un programme d’étude de moussar –. Il accordait d'ailleurs des bourses supplémentaires à ceux qui y adhéraient.
Mais ce qui restera l’un des messages les plus marquants de rav Nathan Tsvi est la force dont il fit preuve face à la maladie de Parkinson dont il était atteint depuis de nombreuses années. Cette maladie affaiblissait considérablement ses forces mais bien que ses membres refusaient de répondre à son cerveau, il est resté le « maître à bord » jusqu’à son dernier souffle. Le rav s’occupait lui-même de l’admission des élèves, il ne manquait quasiment jamais de transmettre un cours général dans la grande salle d’étude de la Yéchiva et il entretenait un contact permanent avec nombre de ses disciples. Plusieurs fois pendant l’année, il voyageait à l’étranger pour ramasser des fonds pour la Yéchiva. Lors d’une réunion à laquelle participaient plusieurs donateurs importants, il était arrivé avec une grosse boîte remplie de manuscrits. « Voilà les ‘hidouchim de mes élèves, leur avait-il dit, qui veut y être associé ? »
Un riche américain raconta que lorsque rav Nathan Tsvi était venu le solliciter, il lui avait fait part de sa perplexité : « Pourquoi le Roch Yéchiva veut-il une yéchiva de plus de 5 000 étudiants ? Mille ne suffisent-ils pas ? » La réaction du maître fut immédiate : « Dites-moi, à combien estimez-vous votre fortune ? Environ 10 millions de dollars ? Pourquoi ne vous suffisez-vous pas de 5 millions, qui combleront largement vos besoins et ceux de votre famille ? » Fixant l’homme de son regard pénétrant, le maître de Mir conclut : « Vous voulez beaucoup d’argent ? Eh bien pour ma part, je veux beaucoup de Torah ! »
Loin de se cacher derrière les douleurs de sa maladie, rav Nathan Tsvi Finkel ne s’accorda jamais aucun répit : durant toute sa vie, il fut un homme au dynamisme époustouflant. Ce message laissé par ce pilier de la Torah replace assurément les choses dans leur juste proportion, et nous rappelle combien jamais les tourments ne doivent prendre le dessus sur une raison d’être et le but d’une vie.

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