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"En Israël, si l'on veut être réaliste, il faut croire aux miracles"

"En Israël, si l'on veut être réaliste, il faut croire aux miracles"

 

 

Il était là, devant moi, petite française devenue israélienne sur un coup de tête un tantinet réfléchi. Et je me suis prise au jeu.

Au diable cynisme, au diable snobisme parisien où l'on reste bien assis sur sa chaise pendant un discours officiel. J'ai frissonné du début à la fin, j'ai chanté avec fierté la "Hatikva" (l'hymne israélien), applaudi à me faire mal aux mains chacune de ses déclarations et me suis levée en liesse plus d'une fois pour acclamer ce discours de paix.

Ce n'était pas acquis.

Depuis quelques temps, notamment depuis la dernière opération à Gaza de novembre, j'étais devenue une "Telavivite" blasée. Question intégration, c'est plutôt bon signe. Question engagement, un désaveu. Je m'inquiétais plus du prix du mètre carré et du dernier film à l'affiche que du futur de mon pays. Encore moins de celui de mes voisins.

Gaza ? Ils n'ont pas cessé de tirer des roquettes. Rien à faire de ces gens-là, on a le dôme de fer, qu'ils se débrouillent avec le Hamas et qu'ils nous laissent tranquilles.

La "West Bank"? Cessez de lancer des cocktails molotov ou de planifier des attentats, vous ne serez pas arrêtés. Et puis la "West-bank", connais pas. Je n'y vais pas, je n'y ai ni famille, ni amis et je ne suis pas soldate. Encore moins une touriste masochiste. Donc je m'en fous. Pas officiellement hein. Mais quand même.

Oui mais. Oui mais un jour, toujours par ce même hasard à peine réfléchi, j'ai poussé la porte d'une association créée par un homme d'exception, Uri Savir, et en phase de réaliser des choses d'exceptions : "Yala Young Leaders". Yala, c'est aujourd'hui plus de 340 000 jeunes provenant de tout le Moyen-Orient, du Yémen à la Tunisie, en passant par Israël et la Syrie. Il s'agit d'une association née après le printemps arabe et qui se sert des nouveaux réseaux sociaux, notamment Facebook, pour réunir et même instruire via une Université on-line, ces jeunes à l'avenir incertain.

Ce jour-là donc, je me suis rendue à mon premier meeting d'activistes. Les jeunes branchés typiques de la gauche israélienne semblaient s'être tous réunis, mêlés aux palestiniens qui avaient pu faire le déplacement. J'étais alors au maximum de mes capacités de scepticisme.

Uri Savir est entré. " Si auparavant vous étiez pessimistes, laissez-moi vous dire une chose, c'est la dernière fois".

Il a parlé, la représentante palestinienne de Yala lui a emboîté le pas, avec un entrain rare.
Et je suis repartie avec cette énorme énergie incroyable qu'est la conviction. Pleine de rêves de paix.

Lesquels se sont peu à peu évaporés. L'inflation du prix des falafels mêlée à l'absence momentanée de roquettes sans doute.

Mais hier soir, au milieu d'une foule en délire, j'ai retrouvé cette conviction, ce sionisme fier, cette volonté d'une paix juste et partagée, cette capacité à regarder l'autre et à le respecter.
Revenons donc à ce discours historique.

Commençons par la composition des auditeurs, originale. Après avoir subi deux heures de queue sous un soleil de plomb, pesté contre l'absence totale et surréelle de sécurité, j'ai eu le temps de bien examiner les jeunes en question. Force est de constater que c'était un Israël miniature qui se rendait au discours d'Obama : jeunes étudiants venus des quatre coins du pays, étudiants en "yeshiva", arabes israéliens, laïcs, religieux....Il y en avait pour tous les goûts. Certains avaient été tirés au sort, d'autres sélectionnés sur leurs résultats universitaires. D'autres enfin, comme moi, représentaient une association. Parmi elles, "Kol ehad" ("Une voix" en hébreu) qui avait placé sur le trottoir un tableau où chacun pouvait écrire un post-it à l'attention de Barack Obama.
Une sélection joyeuse et variée donc.

Après plusieurs heures d'attente, l'homme de la soirée est enfin entré en scène, acclamé par des jeunes survoltés. Qui, chose plus surprenante, n'ont pas faibli tout au long de ce discours, malgré certaines critiques ouvertes à la politique actuelle du gouvernement.

Obama a commencé par réaffirmer les liens forts entre Israel et les États-Unis.

Effectivement, à défaut d'avoir un gouvernement stable et crédible, nous avons un partenaire. Et s'il n'était pas là, nous n'aurions pas pu financer le dôme de fer par exemple. Ou résister à l'isolement toujours plus grand d'Israël.

Mais en plus d'avoir un partenaire, nous avons un partenaire juste. Car Obama a su affirmer le droit d'Israël de se défendre, menacée constamment par ses voisins, tout en condamnant les constructions illégales qui mettent en péril l'existence d'un futur état palestinien.

Et en plus d'avoir un partenaire juste, nous avons aussi un partenaire courageux, qui a non seulement affirmé la judaïcité de ce petit Etat mais a aussi officiellement déclaré le Hezbollah comme une organisation terroriste. A cette annonce, je me suis levée d'un bond pour l'applaudir de plus belle. Ah, ce n'est pas l'Europe, encore moins la France, qui aura eu ce courage. L'Union européenne a confirmé que cette organisation était derrière l'attentat du 19 juillet 2012 en Bulgarie qui a coûté la vie à cinq Israéliens, juste parce qu'ils étaient israéliens, mais a refusé, pour des raisons peu claires, de la qualifier de terroriste...

Mais surtout, nous avons un partenaire qui a démontré pendant ce discours qu'il était un homme de paix.

Il a parlé avec empathie de cet enfant de Sderot qui s'endormait tous les soirs la peur au ventre, puis de ces jeunes palestiniens rencontrés la veille. A repété que la seule sécurité viable, le seul futur pour ces jeunes, pour nous, pour les peuples israéliens et palestiniens, ne pouvait être qu'une paix négociée.

Nous a assuré que nous étions, là, en Terre d'Israël et que nous n'irons nulle part ailleurs, ce qui a déclenché une ovation quasi-générale.

En ces jours où aucune négociation n'est au programme, où l'Iran développe son armement nucléaire, où la violence se déchaîne dans la "West bank" et où des roquettes continuent d'être tirées de Gaza, ces mots n'étaient pas superflus.

Obama a évoqué une dernière chose que je ne suis pas prête d'oublier: les hommes politiques ne bougeront jamais si des jeunes, si des associations, si des gens comme vous et moi, ne les poussent pas à le faire. Une jolie leçon d'honnêteté.

Sur le chemin du retour, j'ai pensé au programme de négociation israélo-palestinien dont je fais partie et aux débats parfois âpres entre nous. J'ai pensé qu'au-delà de nos divergences et des réactions parfois épidermiques que provoquent ces échanges, nous avions tous postulé parce que nous croyions au changement.

J'ai pensé au prix du mètre carré à Tel-Aviv. A son insignifiance si tout venait à être détruit. A mon futur, à celui de ces jeunes avec qui j'étudie, à celui de nos enfants. 

J'ai pensé qu'il fallait s'autoriser à changer, à accepter l'existence de l'autre et les concessions nécessaires. A le pousser à en faire autant.
Obama n'a eu de cesse de s'adresser à nous avec des codes, avec des expressions typiquement israéliennes. Pour reprendre finalement cette phrase célèbre de Ben Gourion : " En Israël, si l'on veut être réaliste, il faut croire aux miracles".

 

 

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