Et ce fut la fin du cauchemar
Et un vendredi du mois de mai 43, vers treize heures…
Sieste de Tunis. Silence, interrompu par le craquement des roues des fiacres sur les pavés, par de rares cris des marchands ambulants de sorbets ou de citronnades.
Et de nouveau le silence, inhabituel, la moiteur. Au plafond de cette troisième chambre de l’appartement de Mémé, où je me trouve, les ombres projetées et rayées des persiennes du balcon, se mouvant en sens contraires des véhicules de la rue, qui en sont l’origine, me fascinent.
Je m’approche de la fenêtre. A travers les lamelles des persiennes, une vision toujours présente, nette, surnaturelle…L’immeuble d’en face s’est déplacé ; il touche presque notre balcon ! Je recule effrayé, perplexe. C’est, en fait, le premier tank anglais qui arrive, pour libérer Tunis.
Couleur sable, si énorme qu’il occupe toute notre rue. Au raz de nos pots de fleurs, il avance lentement, presque sans bruit. Son allure devait être plus rapide, dans le désert libyen, à la poursuite de Rommel.
Une brève rafale de mitrailleuse met fin à la guerre d’un soldat italien, qui tente de s’enfuir et, de la librairie anglaise, sort, comme d’un roman d’Agatha Christie, une lady impeccable, en robe longue jusqu’aux chevilles, coiffée d’un bonnet de dentelle, et qui expliquera, dans leur langue, aux militaires, étonnés, les positions allemandes dans la ville. Elles seront prises à revers et Tunis tombera comme un fruit mûr, sans le moindre coup de feu.
Des incendies, autour de la ville, avaient été provoqués par les allemands eux-mêmes, qui, dans leur fuite, ne voulaient rien laisser d’utile aux vainqueurs. Il était réjouissant de voir avec quelle vitesse, les véhicules allemands, la veille, allaient précipiter des dizaines de milliers de futurs prisonniers dans la souricière du Cap Bon.
Et ce fut la fin du cauchemar. Le soir même un défilé militaire, mêlant Anglais, Indiens, Néo-zélandais, Australiens, bref, tout le Commonwealth, et troupes américaines, nous fit sentir ce qu’était une foule en délire et en liesse. (J’y penserai lors de l’arrivée de Bourguiba, après son exil, chevauchant un cheval bai, sur l’Avenue Jules Ferry). De là, date mon hostilité au désamour et à l’ingratitude de bien des français, à l’égard des Etats-Unis.
….Source « Inventaire » ...
par Max GALULA..
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