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Haïfa, la ville qui refuse la haine

Haïfa, la ville qui refuse la haine

 

 

ISRAËL. A Haïfa, Juifs et Arabes coexistent pacifiquement. Ce mois-ci, ils se retrouvent pour célébrer ensemble la Fête des fêtes.

Nathalie Revenu 

«Ni Mahomet, ni Jésus, ni Moïse ne sont venus à Haïfa. C'est peut-être pour ça que ça marche ici», plaisante Maher Mahamid. Dans la bouche du directeur de la bibliothèque du centre culturel Beit Hagefem, ce n'est pas juste une belle formule. Cette association, créée en 1963, est un emblème à Haïfa : un centre culturel arabo-juif qui perpétue l'esprit de tolérance dans la plus grande ville du nord de l'Etat hébreu (277 000 habitants). A la fois galerie d'art, théâtre, club pour jeunes et bibliothèque avec ses 3 000 adhérents, Beit Hagefem se dresse à la lisière du quartier arabe de Wadi Nisnas. En ce mois de décembre, comme tous les ans, elle célèbre The Holiday of holidays («la Fête des fêtes»). «Pendant un mois, la ville de Haïfa fête en même temps Noël, Hanouka (fête juive des lumières) et le ramadan, explique Hila Goshen, la directrice, de confession juive, qui souligne : ici la question religieuse n'est pas le problème.» Dans cette ville portuaire, la mixité est une réalité depuis plus d'un siècle, comme dans le reste de laGalilée. Avant la création d'Israël en 1948, 50 % des habitants étaient arabes. Aujourd'hui, cette communauté, à majorité chrétienne, est tombée à 11 %. Mais la coexistence a bien résisté.

«Mes voisins sont musulmans, juifs, druzes...»

Maher, Arabe musulman, habite le French Carmel, sur les hauteurs de la ville. Son immeuble ressemble à une tour de Babel, sauf qu'ici tout le monde se parle. «Mes voisins sont musulmans, juifs, druzes... nous allons aux mariages et aux enterrements des uns et des autres. Nos querelles ne sont en fait que les problèmes de voisinage, pas de religion.» Alors qu'Israël est ensanglanté depuis octobre par «l'intifada des couteaux», Haïfa a été épargné. Situé à 170 km des foyers de rébellion de Cisjordanie, il a ressenti l'onde de choc. Hila l'a constaté début octobre, au plus fort des tensions : «Je n'étais vraiment pas rassurée. Mais c'était la même chose pour mes amis arabes. La peur était des deux côtés.» Depuis, cette crainte diffuse s'est dissipée. «Nos liens sont suffisamment solides, même s'il existe des tiraillements, ça ne casse pas», analyse la jeune femme. Maher est plus nuancé : «Le souci n'est pas dans les relations entre Arabes et Juifs, mais dans l'égalité des droits. Nous Arabes, nous payons les mêmes impôts que les Juifs mais n'avons pas les mêmes droits.»

Dans cette ville acquise depuis toujours à la gauche, Yona Yahav, le maire, ex-membre du Parti travailliste, veille à cet équilibre au sein même de son équipe. «Mon adjoint au budget est arabe ainsi que ma secrétaire personnelle. Nous vivons dans une ville normale. Ce qui est possible ici doit l'être dans le monde entier !» Il dispense volontiers ses bonnes recettes à ses homologues européens. «Récemment, les Allemands ont voulu savoir comment nous avions réussi à intégrer plus de 100 000 immigrants russes en à peine trois ans, au début des années 1990», sourit-il.
 

Maire musulman et homme d'affaires «casher»

A une cinquantaine de kilomètres d'Haïfa, le village de Deir el-Assad (12 000 habitants) ne se pose pas la question de la coexistence entre les communautés : 100 % de sa population est musulmane. Ahmed Dabbah, 60 ans, maire et membre d'Avoda (Parti travailliste), pratique la mixité d'abord dans ses affaires.

Son conglomérat, Saleh Dabbah and Sons, gère des supermarchés et surtout le plus grand abattoir d'Israël. Pour garnir les rayons boucherie de l'Etat hébreu, ce musulman travaille selon le rite juif casher. Politiquement, Ahmed Dabbah est tout aussi inclassable. Premier député arabe du parti centriste Kadima, il a perdu son siège en 2013. Mais il a aidé cette formation créée par Ariel Sharon à conquérir les voix arabes. Il émarge désormais chez les travaillistes. Cependant, le retour sur investissement n'est pas à la hauteur de ses espérances. «La population arabe n'en retire rien», grince l'édile. Son village vivote avec un budget de 9 millions de shekels (2,1 M€). «Je suis pour la coexistence, répète-il mécaniquement. Nous n'avons pas d'autre choix car nous voulons vivre en paix. Mais s'il n'y a pas d'Etat palestinien, il n'y aura pas de paix. Les Juifs d'Israël doivent promouvoir l'égalité des droits.»

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