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Hommage a Georges Wolinski

Hommage a Georges Wolinski

 

 

Georges Wolinski, né le 28 juin 1934 à Tunis et mort assassiné le 7 janvier 2015 lors de la fusillade au siège du journal Charlie Hebdo à Paris2, est un dessinateur de presse français.

 

Georges Wolinski, dessinateur érotomane et pessimiste

Le journalisme fut sa grande passion. « Je suis un dessinateur de presse avant tout, un chroniqueur de l’actualité, de la politique, du temps qui passe », se plaisait à dire Georges Wolinski. Il excellait à épingler les travers de ses contemporains, leur ridicule et leur bêtise. De Hara-Kiri à Paris Match, en passant par L’Echo des savanes, L’Humanité, Le Journal du dimanche, Télérama et Le Nouvel Observateur, Wolinski a, en un demi-siècle, égayé de nombreux titres de la presse française.

Sa rosserie lapidaire, la saveur de ses dialogues, son sens de la formule taillée dans l’aphorisme ont fait de ce bédéiste un observateur aigu de la vie politique et sociale. Georges Wolinski estimait que « l'humour est le plus court chemin d'un homme à un autre ». Il est mort, à l’âge de 80 ans, le 7 janvier dans l’attentat où ont péri la plupart des membres de la rédaction de Charlie Hebdo, journal qu’il avait contribué à fonder.

Wolinski, « Wolin » pour les intimes, était le plus flamboyant et le plus prolifique des dessinateurs de presse. Le plus éclectique aussi. Auteur de près de 80 albums, de plusieurs pièces de théâtre (Je ne pense qu’à ça, Je ne veux pas mourir idiot, Le Roi des cons...), de films (Aldo et Junior...), écrivain (Lettre ouverte à ma femme), affichiste et publicitaire, il pouvait, la même semaine, publier des planches dans des journaux de différentes obédiences. Pas de dogmes, pas d’œillères. Libre, en somme.

UN INDÉCROTTABLE ROMANTIQUE

« J’aime les belles fringues, la bonne bouffe, les cigares, les voyages. J’aime le caviar, le cachemire, les montres Cartier. J’ai une Jaguar, j’achète des bijoux. J’adore les filles impeccables. Cela coûte de l’argent. Rien à voir avec les idées », se justifiait-il dans Le Canard enchaîné en 1990. Ce goût de l’apparat, son obsession sexuelle pour les femmes et leur anatomie qu’il a abondamment croquée (jambes, fesses, seins, pubis) ne doit pas dissimuler la profonde mélancolie qui l’habitait. Elle s’enracinait dans les drames personnels qui ont jalonné son existence (l’assassinat de son père, l’accident de voiture où périt sa première épouse).

Wolinski était un indécrottable romantique qui vouait un amour profond à sa femme, Maryse, avec laquelle il était marié depuis 44 ans, ses trois filles et ses petits-enfants. Dans son album Les Cocos, « ces fous qui voulaient changer le monde sans changer les hommes », comme il les qualifiait, il fait dire à un prolo : « Il faudrait nationaliser le bonheur » (Les Mille et une nuits, 1997).

Né en 1934 à Tunis, ce fils d’une mère franco-italienne et d’un père immigré polonais, découvre à dix ans, grâce aux Américains débarqués en Afrique du Nord, les comics américains. Diplômé des Beaux-Arts, il travaille dans l’usine de son beau-père avant de se consacrer entièrement au dessin. Ses premières réalisations paraissent dans le magazine de jardinage Rustica puis dans la revue surréaliste Bizarre.

En 1961, il pousse les portes de Hara-Kiri, « journal bête et méchant » créé un an plus tôt, proposant une BD parodique d’Après la bataille, de Victor Hugo, bricolée lors de son service militaire dans le désert algérien. Sur les conseils de François Cavanna, cofondateur du journal satirique avec le professeur Choron, son style fortement hachuré à ses débuts évolue. Il s’épure, se dépouille. Traits d’esprit, instantanés minimalistes, condensés d’insolence contre la pruderie ambiante. « Le bâclé, j’en ai fait un style », clamait Wolinski.

« NOUS AVONS UTILISÉ LA BD POUR PARLER DE L’AIR DU TEMPS »

Malgré son économie de moyens, il explose les cadres, dessine et écrit beaucoup. Sur ses planches, les réflexions de ses personnages envahissent des phylactères qui grossissent, grossissent… Tout comme le timide Reiser qui entretient des rapports quasi filiaux avec Cavanna, Wolinski est un orphelin de père, disparu alors qu’il n’avait que deux ans. Ont-ils des choses à perdre ? Guère. Alors à Hara-Kiri, ils tapent fort. « Nous avons adapté la BD au dessin de presse. On en était encore à Senep et Jean Effel : des caricatures d’hommes politiques, explique-t-il. Nous - Choron, Gébé, Cabu, Reiser… – avons utilisé la BD pour parler de l’air du temps, de la société, des femmes », expliquait-il au Monde en 2005 après avoir reçu le prix de la 32e édition du Festival international de bande dessinée d’Angoulême.

En 1968, il dessine pour Action et crée avec Siné L’Enragé. Un an plus tard, il participe au lancement de Hara-Kiri Hebdo, devenu Charlie Hebdo après son interdiction en 1970 par le ministère de l’intérieur. La même année, il assume les fonctions de rédacteur en chef de Charlie Mensuel, qu’il occupera jusqu’en 1981.

L’auteur des aventures de Paulette sait, comme son mentor Cavanna, rassembler les talents autour de lui. Il recrute Copi, achète des BD italiennes (Guido Buzelli, Guido Crepax), publie Sampayo, Munoz, Martin Veyron. Et fait connaître les cartoonistes de l’âge d’or (Milton Caniff, Elzie Segar, Burne Hogarth, Harvey Kurtzmann), qui ont forgé sa vocation.

L’équipe voit d’un mauvais œil le fait qu’il collabore également à L’Humanité. Même Coluche le boude. « Je suis passé au tribunal d’Hara-Kiri, racontait Wolinski au Monde en 2010. Choron m’a accusé de lécher le cul de Marchais. Choron, lui, faisait le gigolo auprès d’une vieille dame riche. Il nous racontait les vacances qu’il passait avec elle et on était mort de rire. »

« JE VERRAI TES FESSES TOUS LES JOURS »

En 2012, la vénérable Bibliothèque nationale de France lui a consacré un bel hommage, couronnant ses cinquante de carrière par une rétrospective. L’on y voyait des dessins absurdes, graves, loufoques, ainsi que les affiches publicitaires auxquelles Wolinski avait prêté sa plume et ses crayons. La pub ? Pouah !, s’écriaient ses collègues issus de Mai-68. Il s’en fichait, manifestant sa liberté de choix et d’expression ici et ailleurs. Dans le catalogue de l'exposition, l’historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco (collaboratrice du Monde des livres), rapportait qu’il voulait être incinéré. « J’ai dit à ma femme : tu jetteras les cendres dans les toilettes, comme ça je verrai tes fesses tous les jours. » Cette blague résume à elle seule l’autodérision dont Georges Wolinski savait faire preuve, y compris sur les sujets les plus graves.

Ce dandy de Saint-Germain-des-Prés, un peu nonchalant, était un humoriste paillard, un érotomane décomplexé, certes, mais aussi un moraliste corrosif. Toujours fécond, jaillissant d’idées face à son écriture, Wolinski n’a jamais cessé de dessiner : carnets de voyage, albums semi-autobiographiques, croquis en forme d’éditos... « L’humoriste, disait-il, n’appartient à aucun parti, ne croit en aucune religion ; tous les actes sont suspects, surtout ceux qui ne sont pas guidés par l’intérêt. » L’un de ses derniers albums, une anthologie agrémentée d’inédits parue en 2012 au Cherche midi, s’intitulait : Le pire a de l'avenir.

Le Monde.fr  Par Macha Séry
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/07/george-wolinski-dessinateur-erotomane-et-pessimiste_4550894_3224.html#g752gMVEwJafRJrm.99

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Salut l'artiste, le gentleman, compagnon de mai 68, de ma jeunesse. Salut le Tune. La haut salue bien Cavanna, le professeur Choron et tous tes amis partis avec toi. Les génies ne meurent jamais. Salut Artiste !
Robert Blassin/Belhassen

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