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Il ne faut pas interdire la circoncision

Il ne faut pas interdire la circoncision

 

 

Un tribunal allemand a condamné fin juin un médecin et des parents musulmans pour la circoncision de leur enfant, estimant que ceux-ci avaient enfreint le droit de l'enfant à une éducation sans "violence". Cette décision vient renforcer la position de ceux qui militent pour que la loi interdise aux parents de procéder à la circoncision de leurs garçons avant leur majorité. Cette position est fondée sur l'idée que la circoncision est une mutilation comparable à l'excision chez la petite fille.

 

Ni juif ni musulman, mais agnostique de famille catholique, je pense qu'il s'agit d'une question grave dont on doit penser les différentes dimensions. La dimension sanitaire : qu'est-ce que la circoncision ? Quel est son rapport bénéfices-risques ?

 

La circoncision consiste en l'excision du prépuce, petit repli cutané qui recouvre le gland. C'est aujourd'hui une intervention chirurgicale bénigne, mais dont les complications peuvent être sérieuses si l'acte chirurgical est réalisé par des praticiens peu qualifiés ou mal équipés. La circoncision est créditée d'un certain nombre d'effets bénéfiques : limitation du risque de transmission hétérosexuelle de l'infection par le VIH chez l'homme (Organisation mondiale de la santé, 2007), prévention des fréquents paraphimosis (inflammation du prépuce) de l'enfance ; prévention de certains problèmes sexuels chez les jeunes hommes en rapport avec les fréquents prépuces serrés.

 

De surcroît, jamais depuis le début de l'ère de la médecine scientifique la pratique de la circoncision par le corps médical n'a été contestée par lui comme non éthique. Tâchons néanmoins de répondre à certaines questions que pourraitsoulever cette pratique.

 

Tout d'abord, sur le plan sémantique : la circoncision est-elle une mutilation ? Selon la définition du dictionnaire "mutilation : retranchement d'un membre ou d'une autre partie du corps", il s'agit bien d'une mutilation mineure. Mais ce terme comporte une forte connotation péjorative, évoquant un univers de tortures et de blessures de guerre, de douleurs et de séquelles, sans aucun bénéfice. L'utiliserdans une discussion sur la circoncision, qui comporte indéniablement certains bénéfices, apparaît déjà comme un jugement de valeur.

 

Cette analyse montre aussi qu'il n'est pas possible de comparer la circoncision à l'excision clitoridienne dont les bénéfices sanitaires sont nuls face aux risques hémorragiques, infectieux mais surtout sexuels. Cette mutilation, car c'en est une, limite en effet pour sa vie entière le plaisir sexuel de la petite fille qui en est l'objet.

 

Sur les plans religieux et culturel, quelle est la place de la circoncision dans l'islamet le judaïsme ? Bien que n'étant pas mentionnée dans le Coran, la circoncision est pratiquée dans l'ensemble du monde musulman, où elle est considérée comme une prescription de la tradition de l'islam, et la plupart des familles y sont très attachées.

 

Elle revêt un caractère central dans la culture, la religion et l'identité juives, dont elle constitue l'un des principaux marqueurs. Rappelons que des milliers d'hommes juifs ont payé de leur vie l'existence de cette scarification reconnaissable entre toutes, qui témoigne de l'alliance avec Dieu. Si les familles juives ont continué à marquer ainsi leurs garçons, malgré les risques mortels, c'est pour que chaque juif soit reconnu comme tel par les juifs comme par les non-juifs. La mise en cause de la liberté de faire circoncire leurs garçons par les familles juives est une remise en question de leur identité la plus intime, la plus mémorielle, alors même que s'éteignent peu à peu les regards qui ont vu laShoah.

 

Enfin, la dimension familiale : a-t-on le droit de décider de circoncire ses enfants à leur place ? Tout parent sait que l'éducation des enfants est une perpétuelle tentative d'évaluation angoissée du rapport entre les bénéfices et les risques de ce qu'on leur commande, laisse faire ou interdit. Elever un enfant, c'est réfléchir en permanence à ce qu'on peut et à ce qu'on doit lui transmettre, en pesant chaque jour sa liberté d'aujourd'hui à l'aune de celle de demain. Les parents décident, en faisant circoncire leurs garçons, d'inscrire dans leur corps la marque d'une identité plurimillénaire, considérant sans doute que la dimension sanitaire du problème, qu'ils ne méconnaissent pas, est très secondaire par rapport à cette transmission religieuse et culturelle. Veut-on vraiment que la loi décide à leur place ?

 

Pour se faire une opinion, il faut intégrer toutes ces dimensions. Vouloir limiter la discussion sur la circoncision à sa seule dimension sanitaire aboutit à nier a priori son rôle dans la transmission de l'identité religieuse et à une remise en cause majeure de celle-ci. C'est comme si on réduisait la question du voile islamique à un débat sur la santé des cheveux, le débat sur la burqa au rapport bénéfices-risques du soleil sur la peau, vitamine D d'un côté, mélanome de l'autre, ou encore, comme si on remettait en question la pratique du carême, de la cacherout ou du ramadan pour des raisons nutritionnelles.

 

Ce type de raisonnement, qui met en avant des arguments sanitaires aux dépens des pratiques religieuses et culturelles, pour le bien des populations, sonne de façon familière aux oreilles de ceux qui connaissent les rhétoriques totalitaires : élimination des malades mentaux sous couvert d'eugénisme dans l'Allemagnenazie, rhétorique sur la "régénération" des citadins par l'hygiène du travail de la terre chez les massacreurs khmers rouges, reprise en main des jeunes Français par l'hygiénisme des chantiers de jeunesse sous le régime de Vichy, les exemples ne manquent pas.

 

Loin de moi l'idée d'assimiler à des adeptes du totalitarisme tous ceux qui seraient prêts à interdire la circoncision avant la majorité des garçons, mais ont-ils pesé toutes les dimensions du problème ? Et que savent-ils des motivations profondes des leaders, Michel Onfray par exemple, qui accompagnent les campagnes militantes visant à cette interdiction, dont on peut parfois se demander jusqu'où peut conduire leur haine des "monothéismes" ?

 

Richard Guédon, docteur en médecine

 

Le comité d'éthique allemand qui s'est penché, le 23 août, sur la question de la circoncision religieuse – après un jugement l'ayant remise en cause – s'est dit favorable à son autorisation mais sous conditions.

 

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