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Iran : le sang coule à la Saint Valentin

 

Iran : le sang coule à la Saint Valentin (info # 011902/11) [Analyse]

Par Mehrtash Rastegar © Metula News Agency

 

Traduit de l’anglais par Stéphane Juffa

 

La marée verte et sa quête insatiable de liberté a à nouveau rempli les rues d’Iran à l’occasion de la Saint Valentin. Tandis que les révolutions faisaient rage en Tunisie et en Egypte, aboutissant, en quelques jours, au départ des despotes, l’Occident demeure éloigné de la courageuse jeunesse iranienne, qui a remis l’ouvrage sur le métier, une fois de plus depuis les manifestations qui avaient répondu aux élections présidentielles frauduleuses de 2009.

 

Les protestataires ont été filmés pendant qu’ils déchiraient et brûlaient des posters du Guide suprême, Ali Khamenei, en chantant "Moubarak, Ben Ali, c’est maintenant le tour de Monsieur Ali".

 

En Perse, au vu de la violence du régime, les manifestations se paient toujours au prix du sang ; ne faisant pas exception à cette règle, à la Saint Valentin, les forces gouvernementales ont à nouveau ouvert le feu sur la foule désarmée.

 

Sane Zhaleh fut le premier à tomber durant les événements de lundi. C’était un Kurde sunnite qui étudiait à la faculté d’art de Téhéran. Comme dans le cas de Neda, la junte islamique a pitoyablement affirmé que Zhaleh avait été abattu par des membres infiltrés du mouvement des Moudjahidines du peuple. Cette imputation est d’autant plus affligeante que, durant les dernières trente années, le régime n’a cessé de clamer que les Moudjahidines du peuple étaient une organisation morte et enterrée. La voilà qui ressuscite opportunément pour cacher les crimes des tyrans.     

 

La seconde victime des récentes protestations est Mohamad Mokhtari, abattu par un fusil policier. Mokhtari a été touché à l’épaule et a continué de marcher pendant un temps après avoir été blessé ; faute d’avoir pu être transporté à l’hôpital suffisamment rapidement, il a saigné jusqu’à sa fin. Un épilogue cynique, lorsque l’on consulte son dernier message sur Facebook, sur lequel on lit : "Dieu tout puissant, permet-moi de mourir debout, car il me déplairait de me coucher étendu dans l’humiliation". 

 

Des rapports troublants ainsi que des images révèlent que les corps de Mokhtari et de Zhaleh ont été enlevés de force par des paramilitaires Basiji et des agents en civil. L’enlèvement s’est produit en pleines funérailles, les représentants du régime forçant littéralement leur passage parmi la foule qui assistait à la cérémonie.

 

Il apparaît également que les théocrates au pouvoir appliquent leur intolérance à l’encontre de la presse étrangère et de ses caméras ; quand la population défile en faisant connaître son mépris pour les dictateurs, elle n’a pas l’opportunité d’être vue, à l’instar des directs ininterrompus de la place Tahrir, par les téléspectateurs de CNN, de la BBC, etc.

 

 

Cette absence, résignée et silencieuse, des media fait que les seules images à parvenir au reste du monde, le sont par YouTube ; elles sont prises par les manifestants eux-mêmes sur la caméra de leurs portables.    

 

Un étalage supplémentaire de la brutale hypocrisie du gouvernement iranien fut visible dans ses appels à Hosni Moubarak, afin que celui-ci "traite les manifestants de manière humaine" ; alors que, tant durant les troubles de 2009, que lors des protestations récentes de la Saint Valentin (ou du 25 Bahman), la population iranienne a été confrontée à une force employant des moyens létaux.  

 

Dans un discours prononcé mardi dernier par le leader de l’opposition, Mehdi Karroubi, celui-ci a condamné les meurtres de Zhaleh et Mokhtari comme des actes d’une brutalité inhumaine. L’orateur a averti le gouvernement de ce qu’il "ferait mieux de retirer les tampons de coton de ses oreilles et d’écouter les voix du peuple avant qu’il ne soit trop tard. Les actes de violence", a poursuivi Karroubi, "ainsi que le rejet des demandes du peuple ne vont pas pouvoir perdurer longtemps. Evitez le destin d’autres gouvernements et apprenez les leçons que le peuple vous donne !".

 

Karroubi a en outre sommé les autorités de la "République" Islamique de "libérer les prisonniers politiques et d’enlever vos mains qui étranglent les journaux indépendants et les autres media. Restez fidèles à la promesse et à l’alliance que vous avez faite au peuple et que vous nommez "Constitution"", a scandé l’intervenant.

 

Nous, de ne pas oublier que Karroubi fait toujours allégeance au système de la "République" Islamique, comme il n’a pas manqué de le redire : "Quant à moi, je demeure fidèle à la promesse et à l’alliance que j’ai passées avec le peuple, ainsi qu’à ses attentes, suivant l’idéal proposé par l’imam Khomeiny et la révolution de 1979".

 

Le même Khomeiny, chers lecteurs, qui a fait sommairement exécuter des milliers de prisonniers politiques et les a enterrés dans des fosses communes en 1988 ; Khomeiny, coupable du crime imprescriptible d’avoir déclenché une guerre et d’y avoir envoyé des enfants-soldats marcher dans les champs de mines pour y créer des passages, lors du conflit avec l’Irak. 

 

L’ancien 1er ministre khomeyniste, désormais leader dans l’opposition, Mir-Hossein Moussavi, qui fut complice du massacre, en 1988, de milliers de détenus politiques, s’est également fendu d’un discours, le 15 février dernier à Téhéran.

 

Tout en félicitant les Iraniens pour leur protestation "victorieuse" de la Saint Valentin, et en exprimant ses condoléances pour les manifestants martyrs, Moussavi a réitéré l’une de ses prises de position les plus troublantes :  

 

"Le Mouvement Vert a toujours conservé ses valeurs, et son objectif principal a toujours été… de faire revivre les idéaux et les aspirations de l’imam Khomeiny – le fondateur de la "République" Islamique – et de la Révolution islamique et de soutenir les diverses aspirations de la noble nation d’Iran dans sa quête pour la liberté".

 

Il est encore question de l’imam Khomeiny, celui qui a appelé à la dissémination de l’islam sur toute la surface du globe, même si cela devait se faire aux dépens de l’Iran, l’Etat qu’il était supposément censé gouverner et protéger après la révolution de 1979. Khomeiny toujours, qui a légalisé les attouchements sexuels avec les enfants, à la condition unique qu’"il n’y ait pas pénétration".

 

Celui qui a introduit l’obligation faite aux femmes de couvrir leurs cheveux, et les a réduites à l’état de citoyens de seconde classe dans sa Constitution "Islamique", ses codes civil et pénal.

 

Envers et malgré tout, les Iraniens font montre de leur courage en se portant au-devant des balles des tyrans dans leur combat pour la liberté ; avec ou sans Moussavi, ils la gagneront, leur liberté.

 

 

 

Apostille stratégique, par Jean Tsadik,

 

Il convient d’ajouter à la conclusion de Mehrtash Rastegar : "avec ou sans Barack Obama aussi", qui a surpris une nouvelle fois, hier soir, en appelant les gouvernements de Bahreïn, de la Libye et du Yémen à "faire preuve de retenue" dans leur réponse aux manifestants "pacifiques" antigouvernementaux. Bahreïn, la Libye et le Yémen, mais pas la dictature islamique de Téhéran, derechef épargnée par les conseils d’humanité du président des Etats-Unis.

 

Sur un plan strictement stratégique, on doit se demander quels sont les objectifs poursuivis par Obama, quand on sait que l’Iran soutient et finance la révolte des chiites à Bahreïn ainsi que la sédition armée des tribus proto-chiites du Yémen.

 

Le "président" Ali Abdullah Saleh du Yémen est un allié militaire stratégique des Etats-Unis, qui tente de juguler, avec leur aide et depuis plusieurs années, la poussée des miliciens menaçant également l’Arabie Saoudite et ayant fait des centaines de tués dans les rangs de son armée.

 

Le roi Hamad ben Issa al-Khalifa de Bahreïn est lui aussi un allié éminent de l’Amérique face à la menace d’expansion de la "République" Islamique d’Iran. Bahreïn joue un rôle prépondérant dans le contrôle de la libre circulation des pétroliers dans le Golfe arabo-persique (représentant 20% du trafic mondial d’or noir), de par sa situation géographique insulaire baignant dans les eaux du Golfe.

 

D’ailleurs, la plus importante base de Vème flotte de la marine US, celle qui face à l’Iran, est située sur ce territoire, non loin de la capitale Manama.

 

Dans les cas du Yémen et de Bahreïn, il est clair que les "manifestants" ne font pas valoir des revendications politiques, mais qu’ils exigent impérativement un renversement de régime. Il est tout aussi limpide que les révoltés, dans ces deux pays au moins, n’ont aucune intention de remplacer les gouvernements en place par des démocraties laïques et pluralistes.

 

Les deux gouvernements sont désormais effectivement menacés de renversement, ce qui porterait un coup extrêmement dur aux intérêts sécuritaire et économique (dans le cas de Bahreïn) de Washington et de l’Occident dans la région.

 

A moins de considérer que Barack Obama a versé dans l’humanitaire ou dans l’islamisme, en délaissant les intérêts fondamentaux de son pays, on ne parvient pas à comprendre, d’un point de vue stratégique, son attitude face aux soulèvements qui secouent le Moyen-Orient.

 

Si Obama a cessé de veiller aux intérêts stratégiques des USA, il doit le faire savoir et exprimer, par la même occasion, selon quelle nouvelle doctrine il entend désormais agir en matière de politique extérieure. Car conforter les positions des ennemis de l’Amérique, en abandonnant ses partenaires les uns après les autres, ne répond strictement à aucun rationnel.

 

Hussein H. nous rapporte d’ailleurs d’Amman, que dans plusieurs capitales de la région, comme à Riad, en Arabie Saoudite, on dit que Barack Obama "est tombé sur la tête" et que c’est "un homme dangereux".

 

On m’a demandé hier dans une université pourquoi la Maison Blanche n’exigeait pas, dans le même souffle qui anime ses dernières démarches, le départ immédiat de Khamenei et d’Ahmadinejad. J’avoue, et je le répète ici, au talon du papier de Rastegar, que je n’ai aucune hypothèse sensée à proposer en réponse de cette interrogation légitime.

 

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