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L’étrange procédure d’« indemnisation » des Juifs marocains et tunisiens par la Claims Conference

 

L’étrange procédure d’« indemnisation » des Juifs marocains et tunisiens par la Claims Conference

Par Véronique Chemla

journaliste pour l’Arche, FrontPage Magazine et American Thinker. Correspondante pour Guysen International News

 

 


Une annonce invite les Juifs marocains et tunisiens victimes de persécutions nazies à déposer à Paris (France) des dossiers pour des « indemnités allemandes » versées par la controversée Conference on Jewish Material Claims Against Germany ou Claims Conference, organisation qui depuis 1951 négocie avec l’Allemagne l’indemnisation des Juifs persécutés lors de la Shoah (Holocaust) et distribue ces sommes notamment aux victimes juives. Une procédure caractérisée par son opacité, des honoraires élevés à un avocat canadien, et donc l’absence d’aide d’organisations communautaires françaises.

L’annonce est bien placée : dans les premières pages du n°1177 (22 septembre 2011) d’Actualitéjuive, hebdomadaire incontournable de la communauté juive française.

 

Carences informatives d’un formulaire daté

Elle informe que des « indemnités de guerre que l’Allemagne a convenu de payer » visent les Juifs marocains nés ou ayant vécu au Maroc avant août 1943 et tunisiens nés avant mars 1944. Le montant de l’indemnité : environ 2 555 euros.

 

Les « formalités étant simplifiées », les personnes visées sont invitées à se rendre à la synagogue consistoriale Berith Chalom, à Paris, avec divers documents. Un numéro de téléphone et un e-mail sont indiqués dans l’annonce.

 

Ce 5 octobre 2011, une dame entre dans cette belle synagogue du quartier de la gare Saint-Lazare. Dans une salle, plusieurs personnes remplissent des formulaires. Au fond, un sexagénaire enregistre les dossiers. Cette dame demande à remplir un formulaire. S’étonne de devoir payer un avocat. S’étonne de n’avoir pas reçu de réponse à son courriel. Demande des informations. La réponse à ses questions pourrait se résumer ainsi : « On ne répond pas aux courriels. Si vous n’êtes pas contente, ne remplissez pas le formulaire et partez ».

 

Première surprise du formulaire, les feuillets désignent les seuls « Juifs marocains ». Et aucun formulaire portant la mention « Juifs tunisiens » n’est donné aux demandeurs d’origine tunisienne.

 

Le demandeur décline son identité dans le premier feuillet.

 

En français et en allemand, et en deux exemplaires, le deuxième feuillet (« p.8 ») s’avère une attestation de « véracité des renseignements fournis ». Il précise que « tout litige relève exclusivement des juridictions de Francfort-sur-le-Main, République Fédérale d’Allemagne » (RFA). Or, la RFA n’existe plus depuis la réunification allemande (1989-1990)... De plus, le signataire reconnaît « n’être créancier d’aucune obligation légale à l’aide du Fonds Hardship ». Il s’engage à renoncer à « exercer toute action en justice contre la Claims Conference – dont le siège est à Francfort - concernant la présente demande et son examen » et l’autorise à rassembler des informations sur le demandeur.

 

Les deux derniers feuillets sont, d’une part, une procuration en faveur de Me Henri Simon, avocat à Montréal (Québec, Canada) et, d’autre part, une « entente sur les honoraires ».

 

Régie par les lois québécoises, la procuration lie le signataire et ses ayants droit à cet avocat autorisé à « obtenir tous les renseignements » sur le demandeur et à recevoir « tous renseignements nominatifs versés » dans le cadre du « présent programme » qui n’est pas nommé.

 

Quant aux honoraires, ils sont fixés à 20% de « toutes les sommes » à titre d’indemnité « dans le cadre du programme mentionné en rubrique », plus « toutes les taxes applicables ». Donc, l’avocat percevrait plus du cinquième des indemnités…

 

Le demandeur s’engage à remettre un chèque de 500 € à l’ordre du cabinet Simon & Associés. Un chèque conservé à la synagogue Berith Chalom jusqu’à la « réception de l’indemnité à laquelle » le demandeur est éligible, date à laquelle ce « titre de paiement » sera remis à l’avocat pour être « encaissé à titre de paiement final et total » de ses honoraires. Si le demandeur ne percevait aucune indemnité, le chèque serait détruit.

 

Une procédure opaque et étrange

De quelles indemnités s’agit-il ? Celles du FondsHardship ? Pourquoi ne pas mentionner la faculté d’appel des décisions de la ClaimsConference et exclure toute action judiciaire ? Quels sont les critères d’admission ? Pourquoi une indemnisation et une annonce si tardives, ce qui a pénalisé des Juifs, aujourd’hui décédés, mais éligibles à ces indemnités ? Mystères.

 

On peut s’étonner aussi de cette représentation par un avocat en vue d’une indemnisation par la Claims Conference, alors que celle-ci affirme que la « réception et le dépôt de la demande d’indemnisation [du fond Hardship] sont gratuits ». Quelle confiance accorder Me Simon qui fait signer des documents datés et aux carences informatives ? Comment des septuagénaires ou octogénaires français, ou leurs proches, peuvent-ils guider un avocat canadien et veiller sur son travail auprès d’une organisation dont le siège est en Allemagne ? Qui a choisi et négocié les honoraires de Me Simon ? Ses honoraires ne sont-ils pas exagérés au regard du travail à effectuer et des revenus parfois modestes de personnes âgées, qui doivent en plus assumer de coûteuses dépenses de santé ? Re-mystères.

 

La médiation d’un avocat est d’autant plus surprenante que le formulaire et la notice explicative du Fonds Hardship sont téléchargeables sur le site Internet de la Claims Conference et que des organisations juives françaises - CASIP-COJASOR, FSJU (Fonds Social Juif Unifié) - sont en contact avec la Claims Conference.

 

Le CASIP-COLASOR a centralisé des dossiers d’indemnisation de Juifs originaires de Tunisie indemnisés par la Claims Conference, et il dispose d’un service chargé de « l’aide et l’accompagnement pour les indemnisations – Article 2, Hardship Fund, pension des ghettos, CIVS ».

 

Quant au FSJU, « institution majeure du judaïsme français dans les domaines de la solidarité, de l'identité, de la formation et de l'information », son site Internet indique que, soutenu par la Claims Conference et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, il a « instruit les dossiers de réparation auprès des autorités allemandes en vue de l’obtention d’une indemnisation pour des spoliations et a géré le dispositif humanitaire suisse destiné aux victimes de persécutions nazies ». Notons que son président, Pierre Besnainou, et son vice-président, Gil Taieb, n’ont jamais caché leurs origines tunisiennes. De plus, tous deux signent des tribunes publiées par Actualité juive. Hasard ? Ce même n°1177 a publié un article de Gil Taieb en page 11, une page en vis-à-vis de celle de l’annonce (page 10). Enfin, Gil Taieb est candidat lors des élections législatives désignant en 2012 le député des Français de l’étranger dans une circonscription incluant l’Etat d’Israël où vit un nombre important de Juifs originaires du Maroc et de Tunisie.

 

Y aurait-il deux catégories de Juifs indemnisables : ceux assistés par des organisations communautaires et ceux qui devront acquitter les honoraires de Me Henri Simon ? Une information plus précise sur ces indemnités ne pourrait-elle pas figurer dans les sites Internet ou dans les newsletters de ces organisations communautaires ?

 

J’ai interrogé la Claims Conference et contacté Me Henri Simon. Je publierai leurs réponses dès réception.

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Bonjour
Ma mère est tunisienne nés en tunisie en 1924. À t'elle droit à cette imdemnisation. Merci de m'informer s'il y a lieu. Cdt

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