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L’histoire de la boxe tunisienne

 

L'histoire de la boxe tunisienne--Boxe et nationalisme - Hassen El Karrèche, le pionnier

Farouk Dahmani

 

 

On évoque aujourd'hui encore ses exploits

Au début du XXe siècle, la presse tunisienne en général, surtout écrite, dormait avec insouciance dans l'alcôve de l'histoire.

De temps à autre, elle s'éveillait pour noter des impressions insipides et molles...

Nonchalance aristocratique et paresse décadente qui seront énergiquement secouées par la jeune élite des Sadikiens.

Les écrits étaient décousus, épisodiques et circonstanciels. Des revues et des journaux, malgré leur enthousiasme et leur fréquence, ne pouvaient proposer qu'une vision fragmentaire de la réalité, pour narrer ou décrire les exploits de nos valeureux ancêtres dans le domaine du sport et surtout pour donner des précisions sur les exploits des premiers boxeurs tunisiens musulmans dans un sport où la virilité et le patriotisme sont sans faille, car la boxe est par excellence le noble art...

Par ailleurs, la boxe dans son acception moderne est avant tout une éducation, une école de civisme, de savoir-vivre et savoir- faire, beaucoup plus que l'aspect intrinsèquement musculaire. Elle est également un spectacle qui suscite l'engouement des foules et l'admiration des avertis..

 

On se rend, en effet, dans les salles spécialisées pour admirer les beaux gestes, pour applaudir les prouesses de tel ou tel boxeur, pour admirer les exhibitions, ou combats qui respectent les limites de la correction, de la discipline bien comprises par tous dans le cadre des règles du jeu...

Mais hélas, cette règle était au début du siècle (voire de nos jours) enfreinte, surtout dans le domaine de l'arbitrage. La suite des événements le prouvera grâce à un cas d'espèce, celui de Hassen Bellassira dit El Karrèche, natif du quartier populaire de Bab El Assal (Porte du Miel). Ce quartier se situe entre Bab El Khadhra et Bab Saâdoun, tout près de la fameuse place Halfaouine, qui allait devenir plus tard la pionnièr d'une grande génération de boxeurs tunisiens.

Né en 1882 dans un milieu populaire à la rue Echebka (rue du Filet) à Bab El Assal, le jeune Hassen est le fils de Ahmed Bellassira (d'origine turque) et sa mère se nommait Manoubia Bent Hadj Ibrahim...

 

Il devait progressivement forger ses armes dans cette discipline (la boxe) après avoir débuté comme commis boucher.

Notre pionnier de la boxe, Hassen Bellassira, s'est marié cinq fois et sa dernière épouse, El Hajja Manoubia Bent Slouma, décédée, il y a environ sept ans (2003), puisque nous sommes en l'an 2011 l'année de la révolution, (tunisienne) des jeunes Tunisiens.

Depuis la mort de son mari, le 17 août 1962, à l'âge de 80 ans, feu Hajja Manoubia a pris l'habitude de se recueillir chaque vendredi sur la tombe du grand boxeur disparu.

Elle n'a jamais raté un rendez-vous avec le grand champion.

La victoire de Hassen El Karrèche sur Lisca fut suivie d'une autre non moins importante, celle de Abderrahmane Tabbène, surnommé «Gaman», contre Diana (un boxeur sicilo-tunisien) qui abandonna le ring à la deuxième reprise.

Certes, le public était surpris par cette victoire, comme en témoignait Ali Neffati, reporter sportif pour le compte du journal «Auto». Celui-ci affirmait : «C'est une amère défaite pour Lisca, ainsi que pour tous ceux qui le soutiennent. En regagnant les vestiaires, Lisca s'est fait conduire par un officier pour être enrôlé sur le champ et quitter Tunis pour Toulon en vue de passer son service militaire dans la marine française».

Les supporters tunisois, ravis de cette victoire, furent encore plus enthousiastes en assistant à la seconde, celle de Gaman.

Qui est Gaman?

Abderrahmane Tabbène, dit Gaman, est né en 1892 au quartier de Bab Saâdoun, à la rue Essahel, pas loin de la place El Halfaouine. Sa mère se nomme Torkia Tabbène, c'est la soeur de Hassen El Karrèche.

Donc, Abderrahmane Gaman est le neveu du pionnier de la boxe tunisienne. La réussite d'un champion incite, c'est bien connu, d'autres jeunes à suivre la même voie.

L'«idole» de Gaman était son oncle, Hassen El Karrèche. Sans ce dernier, Gaman n'aurait sans doute jamais tenté sa chance sur les rings.

A ses débuts, avec l'accord de son oncle El Karrèche, Abderrahmane Tabbène se fait appeler Gaman, et c'est sous ce surnom qu'il commence à se faire connaître à Tunis.

Elie Taïeb (organisateur de boxe) a avancé le nom de deux autres boxeurs : Coher et Mataudi pour défier un troisième qui se nommait Sitbon, laissant ainsi Gaman hors jeu. La raison de ce hors-jeu est que la plupart des boxeurs tunisiens de confession israélite évitaient l'affrontement sur le ring de leurs compatriotes musulmans. C'était un comportement significatif d'une minorité qui a toujours prêché une bonne cohabitation avec ses compatriotes.

Parallèlement, les exploits de Hassen El Karrèche ont touché les milieux coloniaux, engendrant un esprit revanchard.

C'est dans cette ambiance que les Tunisiens se trouvèrent de plus en plus intéressés par les activités sportives. Un intérêt qui s'est traduit par l'éclosion d'associations sportives, notamment celles de la Maccabi (société de gymnastique, natation, athlétisme, escrime, tir et préparation militaire. Fondée en 1912, autorisée par arrêté ministériel du 16 octobre 1913, agréée par le ministre de la Guerre le 12 janvier 1921).

Voici un rapide survol des activités sportives pratiquées par les Juifs en Tunisie pendant le Protectorat français et pendant quelques années après l'Indépendance, et ce, dans un très grand nombre de disciplines.

Les Juifs de Tunisie commencèrent à venir au sport dès 1910. Les premières initiatives des dirigeants et les premiers pas des pratiquants se signalèrent par un encouragement progressif pour avoir le droit de s'imposer entre 1910 et 1920. C'est alors que les sportifs «sportmen» (jeux collectifs et jeux individuels) juifs commençaient à se montrer des rivaux sérieux pour leurs adversaires de toutes nationalités et de toutes confessions.

C'est en 1916 que le Club Athlétique de Tunis (CAT) créera une section de football composée en grande partie d'athlètes juifs.

Fondateur : Victoria Soria

1919 : le Stade Tunisois (ST)

Fondateur : Juda Cohen et Albert Perez (Zlass)

1920 : le Stade Tunisois est dissous. De la fusion Stade Tunisois et Stade Africain sera créée l'Union Sportive Tunisienne (UST), équipe mixte judéo-tunisienne.

Fondateurs : Albert Perez et Henri Smadja

1923-1925 : l'UST se confirme comme un club essentiellement juif.

1924 : le Sporting Club de Tunis (club italien) est finaliste de la coupe d'Afrique du Nord.

Après la Première Guerre mondiale, la compétition pugilistique se poursuivit et des noms tels que ceux de Salah Ben Khéchina, Ali Doghman, Ben Tahar pointèrent à l'horizon.

Le sport tunisien (pugilistique et footballistique) était alors en passe d'inaugurer une nouvelle ère où s'était confirmé surtout le souffle national qui a pénétré les associations sportives.

Pour vos archives (férus du sport) Naissance du sport moderne en Tunisie

Introduit par la colonisation et pratiquée d'une manière informelle jusqu'à la Première Guerre mondiale, le sport moderne a été diffusé au sein de la société tunisienne par plusieurs biais : par l'armée, puisque le régiment avait ses propres équipes sportives dont faisaient partie des Tunisiens (course à pied, natation, football, tir, etc); par la voie associative encouragée par le pouvoir colonial, et plus tard, par l'école, lorsque le sport est devenu obligatoire dans l'enseignement public. Exclu généralement des équipes sportives réservées d'abord aux sportifs européens, le sport est diffusé par la voie «informelle» où il est pratiqué en dehors de tout encadrement officiel, dans les quartiers et les terrains vagues, ou bien dans des locaux de fortune (dépôts, etc.).

Le sport moderne s'est greffé sur des pratiques anciennes existant en Tunisie; ces pratiques préfigurent déjà ces formes de pratiques nouvelles diffusées en Europe à la suite de la révolution industrielle. Abdelmajid Ben Amor, l'un des premiers journalistes sportifs tunisiens, rappelle qu'au début du XXe siècle et jusqu'à 1913, «de multiples compétitions entre jeunes de différents quartiers de la ville de Tunis avaient lieu. La lutte, la gymnastique, le saut, le lancement du poids, la course à pied, les sauts périlleux, les équitations à cheval, à dos de mulets et d'ânes dits masris, étaient en vogue.» (L'évolution des sports en Tunisie, Tunisie sports (hebdomadaire tunisien) du 27 septembre 1948).

Ce qui différencie ces pratiques anciennes des sports modernes, c'est qu'elles n'obéissent pas à une réglementation bien définie par les codes modernes, c'est-à-dire la recherche de la performance, avec un nouveau rapport au temps et à l'espace : introduction de nouveaux instruments de mesure du temps (le chronomètre), un espace de jeu bien délimité selon des normes universelles, les règles du jeu elles-mêmes, établies selon un code international, etc. Jusque-là, le groupe a déterminé lui-même la règle du jeu, par l'intermédiaire de chefs issus du domaine, à l'instar des chefs des corporations (Amine): «Il n'y avait ni ligue, ni fédération, donc aucune réglementation de nos jours, écrit encore Abdelmajid Ben Amor. Les juges et arbitres étaient des dirigeants, techniciens et champions surnommés Arf, Zémime ou Zahim (Zaîm), qui tranchaient, chacun dans son domaine, les différends et rendaient leur sentence qui était sans appel.»

Dès associations sportives naissent et tentent d'encadrer ces jeux selon de nouvelles normes. Jusqu'à 1914, on compte une quarantaine de sociétés sportives, essentiellement européennes, de gymnastique et de préparation au service militaire, d'escrime, de course hippique, de cyclisme dès la fin du XIXe siècle, puis du Rugby (1901) et du football à partir de 1904; certaines écoles françaises avaient leurs propres associations sportives, comme l'Ecole coloniale d'agriculture, le lycée Carnot, etc. Au même moment, on compte six sociétés tunisiennes musulmanes, si l'on inclut les sociétés mixtes franco-tunisiennes : outre l'Union vélocipédique tunisienne créée en 1898, reconnue en 1905, trois sociétés de gymnastique, la Musulmane, la Victoire puis la Naceuria, (cette dernière a été constituée le 25 mars 1907 d'abord comme société musicale par Béchir Sfar, puis elle crée, en 1925, une section sportive pratiquant la gymanastique, la lutte et l'haltérophilie), créées respectivement en 1905, 1906 et 1907; deux clubs de football essentiellement, Le Comète club créé en 1913 par Slim Zaouch, et dont les membres se réunissent au café de France (cf. Belaïd «le café maure en Tunisie à l'époque colonialeâ-': un cadre de loisirs et de mobilisation politique», hommage à André Raymond, fondation Temimi, 2004), et le Stade Africain créé en 1907.â-àCe dernier semble être une réplique à la société juive, le Stade Tunisois qui figure parmi d'autres groupements juifsâ-': L'alliance sportive (1912), La Maccabi (1913) ou plus tard, le Football club sioniste (1921), entre autres.â-àChaque communauté avait ses propres sociétés sportives; (outre les sociétés sportives françaises créées dès 1898, la plus ancienne société gymnastique serait l'Italia (1893) qui formera au début du XXe siècle, une section de football; chez les Maltais, Mélita sport est la plus active).

(Rawafi, n°12, 2007, sport et société en Tunisie à l'époque coloniale (observations préliminaires) par Habib Belaïd).

A suivre...

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ça reste un beau souvenir les boxeurs que j'ai vu de pres m'impressionnaint;Annaloro,Bahri,Kid Andre,Tidjane jeune,et autres dont je ne me souvient plus de leurs noms et qui restent phisiquement dans ma memoire.j'ai crosé les gands avec FRank Titone!.. helas la tuberculose a failli m'emporté.

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