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L’ULTRA-ORTHODOXIE JUIVE EST-ELLE UN DANGER POUR LA DEMOCRATIE ISRAELIENNE ? ALLONS, IL FAUT RAISON GARDER.

 

L’ULTRA-ORTHODOXIE JUIVE EST-ELLE UN DANGER POUR LA DEMOCRATIE ISRAELIENNE ? ALLONS, IL FAUT RAISON GARDER.

 

Par Mati Ben-Avraham
 

 

C’est toujours un drôle de début d’année qui voit la main gauche du Trésor Finances alléger le coût de la vie tandis que sa main droite lance des hausses de prix qui, à terme, neutraliseront les effets de l’intention louable de la main gauche. Un tour de passe-passe fiscal qui a provoqué un geste de mauvaise humeur du professeur Tratjenberg. « Si je n’avais pas accepté de présider la commission qui porte mon nom, j’aurai rejoint les manifestants qui réclamaient que justice sociale soit faite ! »

Mais laissons-là ces questions d’intendance. C’est un tout autre sujet qui, dans le temps de passage d’une année l’autre, a secoué la société israélienne. Des images-choc au cours d’une manifestation, dans le quartier ultra-orthodoxe de la capitale, Meah Shearim : des enfants portants l’étoile jaune comme au temps des lois de Nuremberg ou de Vichy, des adolescents enfermés dans une cage, un adulte qui vient leur passer des menottes. La réaction a été unanime, du moins côté des laïcs et des religieux à calotte tricoté, indice de modernité, d’ouverture. « Ils ont dépassé les bornes…C’est indécent…Une insulte à la Shoah… Ils mettent la démocratie en danger…» Ils, c’est les ultra-orthodoxes type Netourei Karta et Toldot Aaron (1). Ils mettent la démocratie en danger ? Allons voyons. A l’épreuve, oui. Ce qui a le mérite de poser la question des questions, celle que l’Etat d’Israël traîne depuis sa création, et évite de regarder en face.

Revenons en arrière. En octobre1952, David Ben-Gourion, alors 1er ministre, se déplace à Bnei Brak pour un entretien, sollicité par lui, avec le Hazon Ich, le rav Ichayhaou Carlitz, le dirigeant incontesté du courant lithuanien et figure de prou de l’ultra-orthodoxie ashkénaze. Ce n’est pas un obscurantiste, loin s’en faut : astronomie, mathématiques, botanique liées avec une connaissance sans faille des prescriptions religieuses ont fait de lui un décisionnaire hors commun. Il est hostile au sionisme, tant laïc que religieux. C’est lui qui a forgé le concept du « monde de la Tora », c’est-à-dire un univers entièrement voué à l’étude des textes sacrés, au respect farouche de la « Halakha », ce code qui détaille le comportement du juif pieux, de son réveil à son coucher, dans tous les actes du quotidien ; qui règle les rituels de la liturgie juive tout au long de l’année, qui tranche quant aux choses de la bouche ; qui détermine les règles de pureté et d’’impureté…Un véritable corset, propre à étouffer toute personnalité en l’homme, dira un juif laïc. L’art de servir Dieu dans les moindres détails, répondra le juif pratiquant ultra-orthodoxe. C’est pour cela, pour trouver une clé, un modus vivendi qui permette la coexistence de ces deux manières d’être juif que Ben-Gourion s’est rendu au domicile du Hazon Ich. Il est impossible de reproduire ici le dialogue entre les deux hommes. Il faudra donc aller à l’essentiel, quitte à en perdre la saveur.

Ben-Gourion : Je suis venu vous voir pour débattre d’une seule question, à savoir comment des juifs pratiquants ou non pourraient vivre ensemble dans cet Etat, sans risque d’explosion sociale. Les juifs installés ici sont venus d’horizons culturels différents, représentent des coutumes diverses, des usages divers qu’il faut bien harmoniser.

Hazon Ich (s’appuyant sur une parabole talmudique : Deux dromadaires , l’un fortement chargé, l’autre non se croisent dans une pente. Celui qui ne porte rien doit obligatoirement céder le passage à celui qui est chargé. Nous les juifs religieux ressemblons au dromadaire portant une lourde charge, nous portons sur nous tout le poids des centaines de prescriptions religieuses. Vous autres, les laïcs, vous devez nous céder le passage.

Ben-Gourion (irrité) : Le public non religieux est-il vraiment un dromadaire sans charge ? Ne supporte-il pas le poids du développement économique, de la défense nationale et du renouveau de la terre ? Fertiliser la terre n’est-ilpas un commandement religieux ? Veiller à la sécurité des habitants n’est-il pas un commandement religieux ? Et que font ces jeunes gens objet de votre opposition, sinon monter la garde à nos frontières et veiller à votre sécurité ?

Hazon Ich : C’est par notre étude de la Loi et nos prières qu’ils existent !

Ben-Gourion : Sans ces jeunes-là pour vous défendre, nos ennemis vous massacreraient…Je reviens à ma question : comment vivre ensemble ?

Hazon Ich : Je ne vois que des violations du Shabbat : des camions qui circulent, des gens qui vont à la plage au lieu de prier et d’étudier la Tora et de vivre en tant que juifs. C’est ce qui me scandalise, cette violation du Shabbat sur la terre de nos pères.

Ben-Gourion : …C’est le droit de quiconque travaille toute la semaine d’aller se détendre à la mer, même un Shabbat. Vous voulez les obliger à étudier la Tora ? Impossible. Mais eux aussi sont juifs, qui accomplissent un travail admirable tout au long de la semaine. Et vous croyez que s’ils ne peuvent aller à la plage le samedi, ils fréquenteraient les synagogues ?

Hazon Ich : Nous sommes profondément convaincus que viendra le jour où tout le monde respectera le Shabbat et priera.

Ben-Gourion : Si tel sera leur désir…Mais sans contrainte.

Un dialogue de sourds. Les deux hommes vivaient dans un même pays, mais sur deux planètes mentales différentes. Rien n’a changé depuis. Sauf que, au cours des dernières années, tirant profit maximal des incohérences du politique, l’ultra-orthodoxie s’applique à transformer l’Etat des juifs pensé par Théodor Herzl en un Etat juif, selon leur interprétation du terme « juif ». Le comble est que cette « orthodoxisation « (pardon) rampante de la société est le fait de la droite nationaliste et se réalise au détriment du sionisme religieux, littéralement botté en touche.

Et nous touchons-là au cœur du problème : la poussée de l’ultra-orthodoxie découle, en dernière analyse, d’une politique politicienne à courte vue. Il est donc possible de la bloquer, démocratiquement car somme toute, elle ne représente qu’un peu plus de 4% de la population juive du pays. Avigdor Lieberman vient d’aller dans ce sens en réclamant la suppression des conseils religieux locaux. Ariel Sharon était allé plus loin en supprimant le ministère des affaires religieuses, sans provoquer de mouvements de foule. Qu’un Ehud Olmert s’est empressé de rétablir pour affermir sa coalition parlementaire…

(1) Le courant hassidique « les gardiens de la Foi » est né en 1892 en Hongrie. Son fondateur, le rabbi Aaron Roth . Arrivé en Palestine mandataire en 1920, il s’installe à Jérusalem, forme un noyau de disciples. Sa philosophie religieuse était proche de celle développée la le leader spirituel du mouvement Satmar, avec une radicalisation au niveau de la pratique, qu’il détaille minutieusement dans un écrit « règles et instructions ». A sa mort, en 1947, une scission intervient : Toldot Avraham Yitzhak, dirigé par le rav Shmouel Yakov Kahane, et Toldot Aaron, sous la direction du rav David Hacohen Kahane. C’est ce groupe là, quelques 800 familles, qui est le plus dur dans l’observance des prescriptions religieuses et le plus virulent contre l’Etat d’Israël qu’il rejette totalement. C’est Toldot Aaron qui est à l’origine des violences de ces derniers temps, avec le soutien actif des Netourei Karta, et un silence gêné des autorités rabinniques…

 

IsraelValley

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