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LA TAL’YA - La montée à l’ancien cimetière de l'avenue de Londres à la mémoire du grand Rebbi HAI TAIEB LO MET z’al.

LA TAL’YA - La montée à l’ancien cimetière de l'avenue de Londres à la mémoire du grand Rebbi HAI TAIEB LO MET z’al. 

 

par Breitou

 

Il y a des circonstances louables, des anciens souvenirs avouables qui remontent à la surface. 

Je suis de ceux qui n’ont pas le pied facile, non point que j’ai horreur des fêtes, anniversaires etc. Aujourd’hui, je les trouve fatigants surtout lorsqu’ils se prolongent tardivement, et pour peu à une veillée. 

Hier, j’ai fait l’effort d’assister à l’anniversaire de mon beau- frère, dans une salle huppée de la capitale, dans le 17éme arrondissement de Paris. 

En attendant le menu, nous avons fait mes belles sœurs et compagnie, un peu de bavardage sur tout et sur rien, lorsque la conversation glisse sur la Hilloula du grand Saint REBI HAI TAIEB LO MET z’al . 

Une des protagonistes me dit qu’une quarantaine de personnes ‘ venus de Paris’ s’était donné rendez-vous au Borgel pour l’occasion. 

Les uns parlaient de 15, les autres de 30 bref personne n’était d’accord sur le nombre exact ‘d’immigrés ‘ pour une semaine. Il faut savoir aussi, que cette occasion permet à ces déplacés, de titiller le soleil. Deux heures de prières et de petite bouffe et tout le reste à chiner dans la capitale. Tourisme oblige. 

Qu’à cela ne tienne mais je leur rappelais un fait, un ancien fait celui du temps où Tunis l’heureuse avait ses juifs en grand nombre. 

Je me réfère encore aux dires de mon papa Deidou z’al qui me racontait. 
Lors de cette ‘montée’, le cimetière était pris d’assaut dès les premières heures de la matinée. Parfois tard dans la soirée. 

La plupart des gens ‘riches’ venaient soit dans leur calèche, soit en calèche louée. Les modestes arrivaient en groupe, en tramway, des familles entières tenant en mains des couffins de victuailles prenaient possession des allées qui menaient vers le tombeau du Saint. Les plus démunis quittaient leur quartier à pieds avec leurs couffins de nourriture parfois poussant leurs malades handicapés. 

Que pouvait bien contenir ces couffins… ? De la Boukha bien sûr, de la fekia en nombre des bonbons et des dragées. 

Pour arriver au tombeau, il fallait montrer beaucoup de patience car tous voulaient embrasser la tombe. Du saint guérisseur et faiseur de miracles. 
Il était indispensable, pour tout un chacun, de mettre genoux à terre pour biser le tombeau et faire ses vœux. 

Certains hommes religieux se transformaient bénévolement en rabbin, pour l’occasion, et s’obligeaient à chanter pour celui, celle ceux ou celles qui lui tendaient la bouteille. 

Aux dires de papa, ces verres d’alcool bus à la va vite, l’instant d’une prière dite à la chaîne, ont vite fait de donner le vertige aux récitants à tel point qu’ils bafouillaient par moment, l’alcool ayant fait son effet mais dans l’allégresse générale personne ne s’en rendait compte. Le cocasse de mêlait don au burlesque. 

C’est ce que nous juifs tunes savons faire le mieux. Tant que la Boukha coule, on pardonne aux dérives. La coupable c’est elle et personne d’autres. 

Des litres et des litres de Boukha étaient donc versés sur la tombe du grand et vénéré Saint à tel point qu’une rigole se formait. 

La fekia était lancée à vue et elle volait par-dessus les têtes avant d’atterrir sur les bas côtés du monument. On a vu une noisette s’incrustait dans un œil d’où que la victime porta un surnom fort éloquent depuis ce jour, il fut nommé par l’assistance CHOUCHOU BOU FREOUA…Joseph LA NOISETTE. Autant pour lui que cela ne fut pas une amande. Sinon CHOUCHOU EL CHINOIS. 

L’effervescence était à son comble tandis que l’alcool béni passait de lèvres en lèvres. 
Il y avait un tel amoncellement de fekia que la tombe disparaissait sous ces ingrédients. 

Les bougies en surnombre, d’où que la tombe était parfois noircie par la suie, grésillaient durant des minutes et des minutes, la tombe aurait pu aussi fondre, si ce n’est qu’un bedeau communautaire les retirait et les camouflait dans un grand couffin. L’odeur âcre des bougies emplissait l’air tandis que celle des fèves au cumin jouait son rôle de catalyseur.. 

Vers le midi, des familles entières s’asseyaient sous les grands arbres pour déjeuner ce traditionnel couscous bel mahchi . 

C’était la grande dinette sous les youyous, les danses orientales, sous les jurons et les blasphèmes des bouches avinées, sous des airs connus et parfois improvisés. 

La darbouka était l’instrument choisi du moment, et les Titine et Taita s’en donnaient à cœur joie. 

Quant aux hommes, c’était là l’occasion pour eux de célébrer à leur manière, aussi bien le grand Rabbin, connu pour son amour à la Boukha , que d’honorer la liqueur de figue devenue sacrée. 

Flirter avec l’ivresse en ce jour précis était considéré comme le meilleur des souhaits. 

Vers la fin des festivités, les plus démunis s’offraient, tels des glaneurs, tout ce qui était encore comestibles. Les bougies n’étaient pas en reste, elles allaient dans les couffins des nécessiteux. 

Cette seouda, connue par des générations de juifs tunisiens, considérée comme très importante, autant que celle de JERBA, de Nabeul, de Testour ou du Kef, ne draine aujourd’hui que qqs familles attachées à la tradition. 

Ce qui pour autant, ne nous dispense pas de l’oublier puisque nous allumons encore des veilleuses dans nos foyers, là où nous vivons. 

Le témoin-relais est toujours d’actualité. 

La flamme du souvenir du grand saint ne s’éteindra jamais tant que nous, juifs tunisiens et descendants, perpétueront encore la tradition. 

Le Tombeau du grand Rabbin fut par la suite dans les années 1960, transféré au Borgel, avec trois autres grands saints. 

Situé à qqs cent mètres, dans l’allée centrale, de la rentrée avenue Hedi Chaker, coté des granas, le monument reçoit encore qqs nostalgiques du passé. 
Sous la coupole, battit juste à côté, sont gravés les noms des membres des familles juives déportées et mortes durant l’occupation allemande, z’al. 

Les bougies en surnombre ne sont plus qu’un souvenir et elles ne fleuriront plus, comme avant, ce que nous portons dans nos cœurs. 

‘…BAR YOHAI…§§§§§§§….’

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