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La tempête de neige, par Emile Tubiana

La tempête de neige, par Emile Tubiana

 

 

 

Aujourd'hui c'est samedi, je me suis fait le plaisir de téléphoner aux différents membres de ma famille qui se trouvent dans plusieurs pays et à des amis un peu partout. Chacun me raconte sur le temps qu'il fait chez soi. L'un au Texas me dit qu'il venait de faire le "Barbecue" dehors dans son jardin. Puis je téléphone à des amis au nord de la Tunisie, ils me disent qu'il faisait froid cette année chez eux, puis je téléphone à une sœur en Israël, elle me dit qu'elle grelottait tellement il faisait froid.

Bref, je voulais d'abord leur raconter que nous étions sous une tempête de neige qui avait commencé ce matin et qui va durer jusqu'à mardi matin, c'est à dire, samedi, dimanche et lundi. Quand j'ai dit à un ami, à qui je venais de téléphoner, qu'il neigeait ici, il s'exclama et me dit:

"Oh mon Dieu, je n'ai jamais vu la neige tomber, et encore moins une tempête de neige! Ça doit être formidable!", à quoi je lui répondis:

"Restez où vous êtes, je vais vous la décrire en regardant par ma fenêtre et je vais vous l'envoyer dans un e-mail". Mon ami tout heureux de lui-même me répondit:

“Alors je vais vous laisser, avant que la nuit ne tombe."

 

En effet de ma fenêtre, je voyais d'abord les flocons qui descendaient doucement à un rythme constant et ne semblaient pas vouloir s'arrêter. Les flocons sont très fins. Je disais à ma femme:

“Tu vois, elle s'annonce bien cette tempête de neige". Puis au fur et à mesure que la neige descendait, les toits se couvraient lentement, comme si une mère étalait ses draps blancs sur les lits. Je continuais:

“La température a atteint 18 degrés Fahrenheit, ce qui fait moins 8 degrés Celsius. Le vent va atteindre 30 miles par heure ce qui fera du 48 km à l'heure. Donc il fera froid. Normalement des gros flocons ne durent pas longtemps, parfois ils fondent lorsqu'ils touchent à peine le sol, certains restent encore un peu plus longtemps lorsque leurs destinations finales sont en hauteur sur des arbres ou sur des hauts toits. Cette fois-ci nous avons les flocons très fins, ceux-ci ont tendance à durer longtemps et à s'accumuler en formant des montagnes de neige

"De temps en temps un souffle de vent qui arrivait du nord-est dérangeait le rythme bien soigné de la neige qui commençait à devenir comme un voile avec le fond gris des cieux, il emportait des touffes de neige qui se présentaient sur son chemin, sur les toits, sur les arbres, au-dessus des camions et les emportait pour couvrir des places qui étaient épargnées jusqu'ici par des obstacles. Les enfants sortaient de leurs maisons avec des luges en plastique de différentes formes et couleurs. Ils semblaient bien s'amuser. Ils descendaient les petites collines couvertes de neige. On entendait les voix de ces jeunes qui animent notre quartier de joie et de gaieté. Certaines mamans couraient après les tout petits afin de les protéger. Les enfants ne semblaient pas s'inquiéter, ils descendaient ces petites collines pas loin de notre maison à une vitesse vertigineuse. Plus loin, là où les rues s'entrecroisent certains chauffeurs bloqués par la neige essayaient de pousser les voitures en panne. De l'autre côté de la rue on entendait les amateurs de football américain crier:

“Nous devons les battre, il seront cette fois-ci sur notre terrain et sous le froid". Plus tard je m'étais renseigné contre qui les Aigles (Eagles) de Philadelphie allaient jouer et la réponse était contre l'équipe d'Atlanta. En effet ils auront l'avantage d'être habitués au froid, car il fait chaud à Atlanta.

La neige continuait sa descente miraculeuse, en haut, le ciel était entièrement couvert de gros nuages gris, qui normalement me crispent le cœur et assombrissent le paysage vert de notre campagne. Cette fois-ci la neige blanche éclairait non seulement le paysage mais embellissait aussi les alentours. Puis ma femme me demanda:

“Mais pour qui décris-tu cette tempête!" je lui répondis:

“Pour toutes les personnes qui me lisent, certaines personnes des pays chauds, d'autres de la côte de l'ouest, d'autres de Tunisie, certains d'Israël, puis nos amis et nos cousins et cousines de France, et sans oublier nos amis d'Italie, puis la famille et les amis d'Allemagne etc." Il est certain que je ne pourrai pas faire couler autant de mots que la tempête fait descendre de flocons. Une richesse incroyable. Ce sont des millions de tonnes d'eau que la nature élève en vapeur pour les transporter à des milliers de kilomètres de distance et ensuite les jeter en forme de neige là ou il est nécessaire. Voila un système de transport d'eau formidable.

Il commence à faire sombre, de temps en temps le vent fait des tourbillons de neige qui finissent par se dissiper dans toutes les directions. Dehors dans les rues les voitures circulent encore à une cadence paisible comme au jour de la parade. Il n'est pas facile de conduire si on ne sait pas maîtriser sa voiture qui glisse parfois d'un côté et parfois de l'autre, l'art de conduire sur la neige est de ne pas user les freins ni faire des brusques élans. La radio annonce qu'à Philadelphie les rues commencent à être embouteillées par les voitures qui n'avancent pas rapidement, puis on annonce à ceux qui n'ont pas de toit sur leurs têtes d'essayer d'arriver aux abris municipaux en nommant les rues où se trouve chaque abri. Cela me rappelle une aventure sous une tempête de neige pas loin de New York, c'était mon premier baptême sous la tempête.

C'était un dimanche, j'avais invité un couple étranger qui venait d'Europe est avait habité New York pour leur court séjour. Le mari avait des rendez-vous et il devait tarder, il m'appela pour me dire que sa femme arriverait avant lui de quelques heures, et lui viendrait plus tard. Il devait nous joindre pour un dîner vers sept heures du soir. Sa femme venait d'arriver à la station de mon village. Ma femme la chercha de la gare, car on annonçait une tempête. Comme nous n'avions pas suivi les nouvelles l'heure de la tempête nous échappa. Le couple invité n'était pas non plus au courant de cette tempête. Une heure plus tard le mari nous téléphona pour nous annoncer son arrivée par le prochain train. La tempête nous surprit avant que le mari n'arrive. Celui-ci s'était trouvé coincé à une distance de 3km de la gare. La tempête faisait rage et au bout de deux heures de temps les rues de notre ville étaient entièrement ensevelies sous le poids de la neige.

Ce jour-là les restaurants avaient ouvert leurs portes pour les personnes qui n'arrivaient pas chez eux. Ils offraient de la nourriture et des boissons à volonté. Notre invité se trouvait dans un de ces restaurants. Il avait passé ainsi toute la nuit avec toutes les personnes qui étaient avec lui dans le train. La femme se trouvait dans notre maison bien à l'abri. Il était impossible de le retrouver, ainsi le temps passa et pas de nouvelles de notre ami. La radio nous disait qu'il ne fallait pas s'aventurer dans les rues car toutes les rues étaient bouchées avec des montagnes de neige qui couvraient les voitures. Il était impossible de circuler et encore plus dangereux la nuit. Nous décidâmes de rester à la maison jusqu'au lendemain. Le matin l'invitée et moi, nous nous habillâmes chaudement et nous voilà entre les montagnes blanches de neige. En effet on ne voyait même plus les voitures, les trottoirs étaient aussi couverts. Nous nous frayâmes petit-à-petit le chemin, nous n'étions pas les seuls. Certains cherchaient les maris, d'autres leurs femmes et quelques parents cherchaient leurs enfants.

Ces scènes me rappelaient les jours des bombardements lorsque notre ville était bombardée par l'aviation allemande. Des Stukas et des Messerchmitt s'étaient accaparés de notre ville et au bout d'une heure les rues étaient ensevelies de pierres des maisons bombardées. Je me disais:

“Heureusement que ce n'est que de la neige". Après une heure de marche à travers les tas couverts de neige et qui semblait cacher quelque chose, parfois nous passâmes sur des poubelles ensevelies sous le poids de cette matière blanche. Du moins la neige camouflait les ordures des poubelles. La marche était lente car nous devions être prudents pour ne pas nous blesser. Puis petit-à-petit nous traversâmes des rues et des ruelles toujours couvertes de neige. Certaines rues étaient sales de boue où les bulldozers venaient de passer pour dégager l'accès à certaines maisons dont les portes étaient bloquées. Finalement nous arrivâmes au restaurant qu'un policier venait de nous indiquer.

Et voilà nous trouvâmes notre invité tout souriant et qui ne cessait pas de flatter la générosité, l'esprit de secours et l'hospitalité américains. A quoi je lui répondis:

“C'est une des raisons qui m'avais fait venir aux Etats Unis".

De ma fenêtre je voyais la nuit qui venait d'étendre ses voiles sur le ciel gris. Petit à petit l'obscurité remplaçait les flocons de neige que je ne voyais plus par ma fenêtre. J'arrête mon observation en attendant le jour du lendemain.

Le dimanche 23 janvier, je m'étais réveillé vers onze heures du matin. Je jetais un coup d'œil par la fenêtre, un ciel bleu avec un soleil éblouissant me sourit. Je me débarbouille rapidement pour ne pas perdre la journée. A la cuisine ma femme avait déjà préparé un petit déjeuner à la tunisienne. Une salade avec de l'harissa, quelques merguez qu'elle avait fait il y a quelque jours et du grillé. Tout était à mon gré. Après le petit déjeuner je m'installais près de mon ordinateur avec une bonne tasse de café et quelque pistaches. De ma fenêtre le soleil m'éblouissait, je décidai de fermer le rideau. Je lus d'abord les nouvelles du jour. Je parcourus quelques journaux habituels. Puis je regardai par une autre fenêtre, en effet la neige avait atteint plus de 40 cm. Je fis un petit tour dans la neige. Puis, tout deux habillés chaudement comme des nounours nous fîmes un grand tour d'un km et nous voilà de retour à la maison.

Le soleil brillait toute la journée pour nous dire que les informations de la télé étaient dépassées.

 

Emile Tubiana

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Emile, il y a 60 ans , les élèves du Lycée Carnot découvraient la neige pour la première fois de leur vie

nous étions en cours de mathématiques avec Monsieur Colas quand les premiers flocons se mirent a tomber

aussitot il nous autorisa a aller dans la cour pour nous remplir les yeux de ce spectacle merveilleusement inconnu pour nous, en cette année 1956 , ou la Seine avait alors gelé

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