La Tunisie au bord de la guerre civile?
PAR GUY SITBON, À TUNIS
À en croire les canaux d’information, le plus grand désordre règnerait en Tunisie. Le pays serait« au bord de la guerre civile », le modèle syrien planerait dans les airs, l’insécurité menacerait tout un chacun.
À y vivre, en se tenant au plus près des évènements et des acteurs, on se gratte la tête. Quels esprits fiévreux offrent à l’opinion cette image défigurée de l’actualité ? Je réside ces derniers jours en Tunisie, j’ai rencontré une nuée de Tunisiens, j’ai participé à bon nombre de manifestations, je ne trouve rien de l’impression reçue en France. Pas une fois, je n’ai ressenti ou on ne m’a parlé de peur ni même d’appréhension. Tout le contraire. Les parents incitent leurs enfants adorés à se joindre aux foules protestataires. Passer une partie de la nuit au bord du Parlement, lieu de rassemblement quotidien, c’est prendre part à une fête de famille ou à une foire de village. On se retrouve dans des embrassades, des éclats de rire ponctués de slogans politiques.
Tous les soirs, à partir de 18 heures, les opposants à l’islamisme s’attroupent aux abords du Palais du Bardo pour exiger la dissolution de l’Assemblée Nationale, dans un méga banquet improvisé sur le macadam. Les réjouissances se prolongent jusque tard dans la nuit. Généralement, on y passe deux ou trois heures, comme à un dîner d’amis. Les plus accros se quittent au petit matin. On rentre dormir chez soi puis on revient le lendemain soir, plus remonté que jamais contre les Barbus. Même scénario, en modèle plus réduit, dans les principales villes de province.
Les opposants ne sont pas seuls présents. De l’autre côté de la place, les religieux, leurs drapeaux et leurs niqabs chantent leur soutien au gouvernement barbu. Ils sont un bon millier, cinq, six fois moins nombreux que leurs adversaires laïcs ; ils ne leur cherchent pas noise. Les deux camps se font face sans sympathie ni zizanie. En une semaine de manifs, pas une vitrine n’a été abimée, ne serait-ce que pour un petit pillage de principe.
La police, assez discrète, lance une grenade lacrymogène à toute amorce d’agitation suspecte. Une jeune amie, Baya, s’est un soir trompée de camp. En short insolent, elle est tombée dans l’enclos islamiste où on l’a poliment priée de passer parmi les siens. Une touriste européenne blonde, se promenait seule dans la foule des souks de la ville. Elle se trouvait seule de son espèce, les vacanciers frileux boudent ces temps-ci la destination. « Je ne me suis pas sentie gênée un instant, raconte-t-elle, à peine si on me remarquait. »
Voilà, sans le moindre enjolivement, la Tunisie « au bord de la guerre civile. » Les médias nous éclairent toujours un seul point d’une immense toile murale. Ce qu’ils rapportent est exact mais ils ignorent tout le reste du tableau.
Il est vrai qu’en deux ans et demi de chambardement, deux, peut-être trois meurtres politiques ont ensanglanté le pays. Il est vrai aussi qu’à la frontière algérienne, sur le Djebel Chaambi (Mont Blanc de ce plat pays) un groupe de djihadistes s’est frotté à l’armée qui a perdu en tout une douzaine d’hommes. Le syndrome algérien se propagera-t-il ici un jour ? Les plus pessimistes le craignent.
Commentaires
Est-ce qu;il faut se fier a votre "vue' ?
En 1954 - 1955 vous avez vu que tout allait bien pour les Juifs
de Tunisie ,que les juifs de gauche participeront a la construction
de la "nouvelle Tunisie" Tintin ,vous avez été obliges de quitter la Tunisie ,la queue entre les jambes. Donc vous pensiez bien que je ne vous juge pas apte a capter une situation difficile.
Je souhaite que la Tunisie qui m'a vu grandir 21 années ,reuusira a se rétablir et a annihiler les extrémistes de tous bords.
Inch Allah
S.D.V
Claude Uzan
Bonjour,
Heureux de voir que vous constatez l'exagération de certains médias au sujet des événements en Tunisie
Non, la Tunisie ne se dirige vers aucun scénario déjà vécu (qu'il s'agisse de l'Algérie ou de la Syrie). Comme vous le notez si bien, les manifestations sont plutôt marquées par une atmosphère bon enfant, et il faut que les Tunisiens soient optimistes : nous sommes à un stade d'apprentissage de la démocratie ; il est normal que nous chutions puis que nous nous relevions. L'erreur arrive, et part aussitôt ; l'essentiel est de voir le bout du chemin : une société où la coexistence sera inéluctable.
Cordialement.
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