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L'addiction au sucre: mythe ou réalité, le moyen de la combattre, par Dr Reginald Allouche

L'addiction au sucre: mythe ou réalité, le moyen de la combattre

 

par Dr Reginald Allouche

Le docteur Réginald Allouche est médecin, ingénieur et chercheur dans le domaine de la prévention du diabète et du surpoids. 

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages à destination du grand public. Il a fondé le laboratoire Kot en 1998. Il est l’auteur du livre "Le plaisir du sucre au risque du pré-diabète" publié dernièrement aux Editions Odile Jacob.

 

Le sucre s'invite aujourd'hui à tous les repas et s'ajoute en quantité dans de nombreuses préparations sucrées et ce qui est le plus étonnant salées.

Penser qu'il y a du sucre dans un pot de cornichons de marque ou dans de la charcuterie est très étonnant. Pourtant le sucre est un si bel exhausteur de goût qu'il est très largement utilisé dans l'industrie agro-alimentaire.

Les Français consommaient 15 kgs de sucre par an avant la Grande Guerre et en consomment aujourd'hui 40 kgs. La répartition de cette consommation est de 25 kgs comme sucre ajouté et de 15 kgs comme sucres cachés. Cette quantité augmente régulièrement sous la forme de saccharose qui est la forme classique mais aussi sous la forme de fructose.

12% des calories ingérées aujourd'hui par les Américains proviennent du fructose qui en petite quantité a quelques avantages sur le saccharose mais à plus grande quantité devient un poison pour le foie qui passe son temps à le métaboliser négligeant ainsi les graisses qu'ils accumulent. Devinez comment fait-on du foie gras chez nos bonnes oies du Périgord ....avec du fructose issu de leur gavage au grain de maïs. Il se passe le même processus chez les humains.

Donc, d'un côté le sucre devient incontournable. D'autre part, les chantres des régimes non prouvés scientifiquement ont prôné depuis 20ans la lipophobie en rendant les graisses responsables de la prise de poids. Le raisonnement est le suivant : nous prenons du gras donc c'est le gras que nous mangeons que nous stockons. Ah les pauvres gens, minables scientifiques qui assènent de fausses vérités qu'ils se gardent bien de vérifier.

Mais heureusement la science avance et surtout la neurobiophysiologie. Derrière ce mot long et abscons se cache l'étude du comportement du cerveau en tenant compte des stimulations olfactives, gustatives, auditives, visuelles mais aussi environnementales et sociétales. Que nous dit cette science nouvelle:

Le cerveau possède une zone très particulière située entre la partie reptilienne (qui régule les fonctions essentielles de survie comme la faim, la soif, le sexe, etc) et le cortex (lieu de la conscience, de la pensée et des sentiments entre autres), cette zone appelée système de récompense répond au doux nom de noyau accumbens.

Les hommes et les animaux aussi en sont dotés. Cette zone comme son nom l'indique est une zone qui est stimulée par des activités liées au plaisir, c'est le lieu où s'exprime la satisfaction.
Un homme normalement constitué doit être satisfait s'il veut vivre une vie harmonieuse et rester en bonne santé.

C'est le même cas pour un lion qui dévore un gnou, il faut qu'il se régale car ainsi il sera encore plus stimulé pour chasser de belles proies lui permettant d'être en pleine santé, bien musclé et suffisamment sûr de lui pour devenir le mâle d'un harem de lionnes et ainsi avoir une belle et nombreuse descendance. Ce système de récompense n'est donc pas une déviance propre aux hommes mais bien une composante constitutive de la personnalité de l'être humain.

On a aussi découvert qu'il existe des capteurs propres au sucre sur la langue et que ces capteurs sont reliés par un nerf spécifique à une région du cerveau et vous avez deviné laquelle...le noyau accumbens de la zone de récompense bien évidemment.

Et c'est ici que tout peut se gâter car si très tôt ces capteurs sont stimulés et ce, avec des quantités importantes de sucre, le seuil de plaisir sera plus haut et l'enfant devenu adulte gardera ce seuil de plaisir/quantité pour la vie entière si rien n'est fait pour l'aider.

L'homme n'est pas le seul être du règne vivant à se comporter en addictif potentiel. Un ours est capable de se laisser piquer par un essaim d'abeilles afin de se délecter du miel de la ruche. Et que penser des expériences effectuées à Bordeaux sur les rats? En effet, on a proposé à des rats de choisir entre des injections de cocaïne et de l'eau sucrée et 95% ont choisi l'eau sucrée. Ils ont fait le même choix après une période de cocaïnomanie provoquée!

Ce problème d'addiction au sucre étant posé, il ne fait pas l'unanimité car quelques spécialistes argumentent en disant qu'ils n'ont jamais croisé de patients se gaver de sucre en poudre à la petite cuillère. Par contre, tout le monde est d'accord pour dire que le sucre est toujours recherché dans des préparations hédoniques comme les gâteaux et consorts. C'est donc sous des formes appétissantes que le sucre se "déguste". La consommation de sucre est sans aucun doute une des causes principales de l'augmentation du nombre de patients atteints du diabète de type II.

Ce diabète est responsable de complications très nombreuses et invalidantes comme la cécité, les amputations, les neuropathies... Lorsqu'il est installé, le diabète est irréversible mais la bonne nouvelle est que le diabète de type II est précédé pendant 5 à 10 années du pré-diabète qui lui est réversible s'il est soigné. C'est tout l'enjeu de mon livre publié ce mois-ci chez Odile Jacob: Le plaisir du sucre au risque du pré-diabète.

Un test rapide permet d'évaluer le risque d'être pré-diabétique et des conseils diététiques sont prodigués afin d'aider les lecteurs à prévenir l'installation de la maladie. Parmi ces conseils, la consommation de sucres à index glycémique bas est proposée. Les sucres à index glycémique bas sont des sucres qui ont un impact faible sur la sécrétion d'insuline qui est l'hormone qui régule l'entrée du sucre dans les cellules et surtout qui régule leur stockage dans les cellules adipeuses. Un tableau des sucres et de leur index respectif est publié dans le livre.

La consommation de produits leurres au goût sucré et à forte composante hédonique est aussi conseillée afin de déshabituer le patient de son addiction au sucre.

Le pré-diabète est réversible et c'est à ce stade qu'il faut tout tenter pour empêcher l'épidémie de diabète gras (autre nom du diabète de type II) qui menace la France. Un seul chiffre pour terminer : il y a 78 millions de pré-diabétiques aux Etats-Unis et 80% déclareront un diabète de type II. Il s'agit là du prochain combat des Américains. Ce combat sera le même en France si rien n'est fait pour endiguer l'épidémie de diabète de type II qui menace.

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