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Le génie juif

 

Le génie juif

 

Par Charles Murray  

 

Depuis son premier numéro en 1999, il a ete publié des centaines d’articles au sujet de Juifs et du judaïsme. Comme on peut s’y attendre, ils couvrent à peu près tous les aspects importants du sujet. Mais il y a une lacune, et pas de celle intéressant quelque partie obscure de Judaïca. Il n’a jamais ete publié une discussion systématique de l’un des sujets les plus évidents de tous : l’extravagante surreprésentation des Juifs, comparée à leur nombre, aux premiers rangs des arts, des sciences, du droit, de la médecine, de la finance, de l’entreprise, et des médias.

 

J’ai une expérience personnelle de la réticence des Juifs à parler de la réussite juive – mon co-auteur, le dernier Richard Hernstein, a aimablement résisté aux paragraphes sur le QI juif dont j’ai insisté sur l’introduction dans la courbe de Bell (1994). Aussi bien l’histoire que la renaissance de l’antisémitisme en Europe font facilement comprendre les raisons de cette réticence. Mais la réussite juive constitue une histoire fascinante et importante. Des travaux universitaires récents élargissent notre compréhension de ses origines.

 

Aussi, ce non juif d’origine écossaise et irlandaise d’Iowa entreprend ci-dessous de raconter cette histoire. Je traiterai de trois sujets : le moment et le nature de la réussite juive, centrés sur les arts et les sciences ; le QI juif élevé comme explication de cette réussite, et les théories actuelles sur la façon dont les Juifs ont acquis ce QI élevé.

 

De 800 avant JC jusqu’au premier millénaire de notre ère, nous n’avons que deux exemples de grande réussite juive, et aucune n’appartient strictement aux règnes des arts et des sciences. Mais quelle paire ! La première est la conceptualisation totalement accomplie du monothéisme, exprimée à travers l’un des trésors littéraires du monde, la Bible hébraïque. Elle a non seulement posé la fondation de trois grandes religions, mais comme Thomas Cahill le décrit dans « Les dons des Juifs » (1998), elle a introduit une manière de voir la signification de la vie humaine et la nature de l’histoire qui définit les éléments au cœur de la perception moderne. La seconde réalisation n’est pas souvent traitée comme juive, mais c’en est clairement une : la théologie chrétienne exprimée à travers le Nouveau Testament, réussite qui s’est répandue dans tous les aspects de la civilisation occidentale.

 

Mais la littérature religieuse est l’exception. Les Juifs n’apparaissent pas dans les annales de la philosophie, du drame, des arts visuels, des mathématiques, ou des sciences naturelles pendant les dix-huit siècles depuis l’époque d’Homère jusqu’au premier millénaire de l’ère chrétienne., quand tant de choses se produisaient en Grèce, en Chine, et en Asie du Sud. On ignore dans quelle mesure cela reflète une absence d’activité, ou l’absence de souvenir vraiment disponible. Par exemple, seule une poignée de scientifiques au Moyen-Âge son mentionnés dans la plupart des histoires de la science, et aucun n’était juif. Mais quand George Sarton place une lentille à haute résolution dans son introduction monumentale à « L’Histoire de la Science » (1927 – 48), il trouve que 95 des 626 scientifiques travaillant en divers endroits dans le monde entre 1150 et 1300 étaient juifs – 15 % du total, largement au-delà de la proportion de la population juive.

Comme cela se produit, cette même période recouvre la vie du plus fameux philosophe juif de l’époque médiévale, Maïmonide (1135 – 1204), et d’autres moins connus, sans parler des Juifs poètes, grammairiens, penseurs religieux, érudits, médecins, et courtisans de « l’âge d’Or » de l’Espagne, ou des brillants exégètes et des autorités rabbiniques du Nord de la France et de l’Allemagne. Mais cela ne fait que donner un exemple de la difficulté d’évaluer l’activité intellectuelle juive de cette période. En dehors de Maïmonide et de quelques autres, ces penseurs et artistes n’ont pas influencé de façon perceptible l’histoire ou la culture en dehors des confins du monde juif.

 

De façon générale, cela est demeuré ainsi lors de la Renaissance et au-delà. Alors que j’écrivais un livre appelé « Réussite humaine » (2003), j’ai compilé l’inventaire des « personnalités significatives » dans les arts et les sciences, définies comme des personnes qui sont mentionnées dans au moins la moitié des principales histoires de leurs champs respectifs. De 1200 à 1800, seuls sept Juifs sont parmi ces personnalités significatives, et seules deux ont été assez importants pour que leurs noms soient toujours largement reconnus : Spinoza et Montaigne (dont la mère était juive).

 

La représentation étroite des Juifs pendant la floraison des arts et des sciences européens n’est pas difficile à expliquer. Ils étaient systématiquement exclus, aussi bien par des restrictions légales pour les professions dans lesquelles ils pouvaient entrer que par une discrimination sociale sauvage. Puis vint l’émancipation légale, débutant à la fin des années 1700 dans quelques pays, et se complétant en Europe dans les années 1870, avec l’une des histoires les plus extraordinaires d’un quelconque groupe ethnique à aucun de l’histoire de l’humanité.

 

Aussitôt que les enfants juifs nés dans le cadre de l’émancipation légale avaient le temps de devenir adultes, ils commencèrent à apparaître aux premiers rangs des arts et des sciences. Pendant les quatre décennies de 1830 à 1870, quand les premiers Juifs à vivre sous l’émancipation atteignirent la quarantaine, 16 personnalités juives significatives sont apparues. Au cours des quatre décennies suivantes, de 1870 à 1910 le nombre monta à 40. Au cours des quatre décennies suivantes, de 1910 à 1950, malgré la dévastation contemporaine de la communauté juive européenne, le nombre de personnalités significatives tripla presque, atteignant 114.

 

Pour avoir une idée de la densité de la réussite que ces nombres représentent, je me concentrerai sur 1870 et au-delà, après que l’émancipation légale ait été réalisée à travers l’Europe centrale et occidentale. Comment le nombre réel de personnalités significatives se compare a ce que l’on pourrait attendre selon la proportion juive de la population d’Europe et d’Amérique du Nord ? De 1870 à 1950, la représentation juive dans la littérature a été quatre fois supérieure au nombre attendu ; en musique, cinq fois. Dans les arts visuels, cinq fois ; en biologie, huit fois. En chimie, six fois. En physique, neuf fois. En mathématiques, douze fois. En philosophie, quatorze fois.

 

Disproportionnée, la réussite juive dans les arts et les sciences se poursuit jusqu’çà ce jour. Mon inventaire se termine en 1950, mais beaucoup d’autres mesures sont disponibles, parmi lesquelles la plus connue est le Prix Nobel. Dans la première moitié du 20ème siècle, malgré la discrimination sociale continue et envahissante contre les Juifs à travers le monde occidental, malgré la régression des droits légaux, et en dépit de l’Holocauste, des Juifs ont gagné 14 % des Prix Nobel de littérature, de chimie, de physique, et de médecine / physiologie. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, quand des Prix Nobel ont commencé à être attribués à des personnes du monde entier, ce nombre s’éleva à 29 %. Jusqu’à présent, au 21ème siècle, il a été de 32 %. Les Juifs constituent environ deux dixièmes de un pour cent de la population mondiale. Faites le calcul.

 

Qu’est-ce qui rend compte de ce remarquable record ? Une réponse complète doit faire appel à beaucoup de caractéristiques de la culture juive, mais l’intelligence doit être au centre de la réponse. On a trouvé chez les Juifs une intelligence moyenne inhabituellement élevée, mesurée par les tests de QI depuis que les premiers échantillons de Juifs ont été mesurés (l’histoire largement répétée que les immigrants juifs dans ce pays [les USA, Ndt] au début du 20ème siècle auraient eu des résultats faibles au QI est un canard). A quelle hauteur exacte n’a-t-on pas mis le doigt dessus du fait de sous-échantillons juifs dans les enquêtes disponibles rarement parfaitement représentatives. Mais on accepte actuellement que la moyenne se situe entre 107 et 115, avec 110 comme compromis plausible.

 

Le QI moyen de la population américaine a une « norme » à 100, avec une déviation standard de 15. Si la moyenne juive est de 110, alors le calcul de la distribution gaussienne dit que le Juif moyen se situe au 75ème percentile. Soulignons que la moyenne dans le QI global est un paramètre constant des sub-tests de QI : les Juifs se situent seulement à la moyenne pour les sub-tests mesurant les capacités visio-spatiales, mais sont extrêmement élevés aux sub-tests mesurant les capacités verbales et de raisonnement.

 

L’intelligence moyenne d’un groupe est importante pour expliquer des résultats tels l’acquisition éducative moyenne ou le revenu moyen. L’indicateur clé pour prédire une réussite exceptionnelle (comme gagner un Prix Nobel) est l’incidence d’une intelligence exceptionnelle. Envisagez un QI de 140 ou supérieur, dénotant un niveau d’intelligence qui peut permettre à une personne d’exceller dans des champs comme la physique théorique ou les mathématiques pures. Si le QI juif moyen est de 110 et la déviation standard de 15, alors la proportion de Juifs avec un QI de 140 ou plus est quelque part six fois la proportion de tout autre.

 

Le déséquilibre continue d’augmenter pour les QI encore plus élevés. Le système des écoles publiques de la ville de New York avait pour habitude de faire passer un test de QI avec un papier et un crayon à toute sa population scolaire. En 1954, un psychologue a utilisé ces résultats pour identifier la totalité des 28 enfants du système des écoles publiques de New York ayant un QI mesuré de 170 ou plus. Sur les 28, 24 étaient juifs.

 

Une intelligence exceptionnelle n’est pas suffisante pour expliquer une réussite exceptionnelle. Des qualités telles que l’imagination, l’ambition, la persévérance, et la curiosité sont décisives pour séparer ceux simplement astucieux de ceux hautement productifs. Le rôle de l’intelligence est joliment exprimé dans une analogie que m’a suggérée il y a des années le sociologue Steven Goldberg : l’intelligence joue le même rôle dans une tâche intellectuellement exigeante que le poids en joue dans la performance des tacles offensifs de la Fédération Américaine de Football [NFL, Ndt]. La plus lourde offensive n’est pas nécessairement la meilleure. De fait, la corrélation entre le poids et la performance dans les tacles offensifs de la NFL est probablement très faible. Mais ils pèsent tous plus de 130 kg.

 

Ainsi donc de l’intelligence. Les autres éléments comptent, mais vous devez être très astucieux pour avoir simplement une chance de parvenir à une grande œuvre. Un Juif sélectionné au hasard a une plus haute probabilité de posséder ce niveau d’intelligence qu’un membre tiré au hasard de tout autre groupe ethnique ou national, et de loin.

 

Rien de ce que j’ai présenté jusqu’à présent n’est sujet à controverse scientifique. Le profil de la réussite juive hautement disproportionnée dans les arts et les sciences depuis le 18ème siècle, la réalité du QI juif élevé, et la corrélation entre les deux ne peuvent être niés au moyen de données. Ainsi nous en venons à la grande question : Comment et quand ce QI juif élevé est-il advenu ? A partir de là, la discussion doit devenir spéculative. Les généticiens et les historiens continuent d’assembler les pièces de l’explication, et il y a beaucoup de place pour les désaccords.

 

Je commence par l’hypothèse que l’intelligence juive élevée est fondée sur la génétique. On ne discute plus sérieusement que l’intelligence chez l’Homo sapiens est en grande partie transmise génétiquement. Au cours des deux dernières décennies, on a aussi établi que des facteurs d’environnement évidents comme des revenus élevés, des livres à la maison, et des parents lisant aux enfants ne sont pas aussi puissants qu’on peut s’y attendre. Un « assez bon » environnement est important pour la nourriture du potentiel intellectuel, mais les pré requis d’un « assez bon » ne sont pas élevés. Même le meilleur environnement à la maison ajoute seulement quelques points, et encore, à un simple environnement correct. On sait aussi que des enfants adoptés à la naissance n’atteignent pas le QI prédit par le QI de leurs parents.

 

Pour formuler cela autrement, nous avons une bonne raison de penser que les enfants non juifs élevés dans des familles juives n’acquièrent pas l’intelligence juive. De là mon opinion que quelque chose dans les gênes explique le QI juif élevé. Cette conclusion n’est pas logiquement nécessaire mais, selon ce que nous savons de l’héritabilité génétique et des effets de l’environnement sur l’intelligence des humains en tant qu’espèce, c’est extrêmement plausible.

Deux explications potentielles d’une combinaison de gênes juifs favorisant une haute intelligence sont si évidentes que beaucoup de gens considèrent qu’elles doivent être vraies : la réduction par la persécution (seuls les Juifs les plus astucieux survivaient ou demeuraient juifs) et le choix des cerveaux pour le mariage (les érudits et les enfants d’érudits étaient des époux socialement désirables). Je pense vraiment que ces deux éléments ont joué un rôle, mais quel rôle reste une question ouverte.   

 

Dans le cas de la réduction à travers la persécution, la logique va dans les deux sens. Oui, ceux qui restèrent fidèles pendant les nombreuses persécutions des Juifs étaient auto sélectionnés pour leur engagement dans le judaïsme, et le rôle de l’érudition dans cet engagement signifie probablement que l’intelligence était l’un des facteurs dans l’auto sélection. La prévoyance qui va de paire avec l’intelligence peut aussi avoir eu quelque valeur dans la survie (comme dans l’anticipation des pogroms), bien qu’il ne soit pas évident que son effet était assez grand pour en expliquer une large part.

 

Mais lorsque les Cosaques balaient la ville, le type d’intelligence qui mène au succès dans les affaires ou à l’acuité rabbinique n’est d’aucun secours. Au contraire, les gens ayant la meilleure réussite pouvaient aisément être ceux le plus susceptibles d’être tués, du fait de leur plus grande visibilité, comme cibles d’une plus grande jalousie. De plus, d’autres groupes comme les Tsiganes, ont été persécutés depuis des siècles sans développer une intelligence élevée. Considérée de près, la logique de la réduction par la persécution n’est pas aussi convaincante qu’elle pouvait d’abord paraître.

 

Qu’en est-il de la théorie du mariage pour les cerveaux ? « Un homme devrait vendre tout ce qu’il possède pour se marier à la fille d’un érudit, aussi bien que de marier sa fille à un érudit », conseille le Talmud (Pessahim, 49a), et l’érudition avait de fait un cachet social dans beaucoup de communautés juives avant (et après) l’émancipation. La combinaison pouvait être puissante en mariant les enfants d’érudits aux enfants de marchants prospères, les Juifs joignaient en effet ceux sélectionnés pour leur capacité de raisonnement abstrait avec ceux sélectionnés pour leur intelligence pratique.

 

Une fois de plus, il est difficile d’être plus spécifique sur la quantification de l’effet. Des arguments ont été avancés selon lesquels de riches marchants étaient en fait réticents à confier leurs filles à des érudits sans le sou, détachés de ce bas monde. Il n’est pas clair non plus de savoir si le taux de fertilité des érudits, ou leur nombre, étaient assez élevés pour rendre compte de l’effet majeur de leur intelligence. L’attractivité des cerveaux dans la  perspective de partenaires de mariage a certainement joué un rôle mais, encore une fois, les données pour évaluer à quel niveau n’ont pas été rassemblées.

 

Sur cette toile de fond d’incertitude, une théorie appuyée sur des données pour expliquer le QI juif élevé est parue en 2006 dans le « Journal of Biosocial Science ». Dans un article intitulé « Histoire naturelle de l’intelligence ashkénaze », Gregory Cochran, un physicien, Jason Hardy et Henry Harpending, anthropologues, soutiennent que le QI juif élevé est confiné aux Juifs ashkénazes de l’Europe centrale et du Nord, et développée depuis le Moyen-Âge et ensuite, essentiellement de 800 à 1600 de après JC.

 

Dans l’analyse de ces auteurs, le facteur clé expliquant l’intelligence juive élevée est la sélection professionnelle. Depuis l’époque où les Juifs se sont établis au Nord d’une ligne des Pyrénées aux Balkans, aux environs de 800 après JC, ils furent dans la plupart des lieux et la plupart du temps confinés à des professions concernant la vente, la finance, et le commerce. Le succès économique dans toutes ces professions est de loin bien plus élevé grâce à une sélection par l’intelligence que le succès dans les professions principales des non juifs : à savoir, l’agriculture. Le succès économique est à son tour lié au succès reproductif, parce que un revenu plus élevé signifie moins de mortalité infantile, une meilleure alimentation, et plus généralement, une « aptitude » reproductive. A travers le temps, une aptitude améliorée chez ceux qui réussissent conduit à une forte sélection des traits cognitifs et psychologiques qui produisent cette aptitude, intensifiée là où il existe un faible flux de gênes personnels provenant d’autres populations – comme ce fut le cas chez les Ashkénazim.

 

Les Sephardim et les Juifs orientaux – c.a.d. ceux de la péninsule ibérique, du littoral méditerranéen, et de l’Orient islamique – étaient aussi occupés à des professions urbaines durant les même siècles. Mais les auteurs citent comme preuve que, en règle, ils étaient moins concentrés dans des professions sélectives pour le QI, et travaillaient plutôt dans des commerces d’artisanat. Ainsi, l’intelligence élevée ne s’est pas développée parmi les Sephardim et les Juifs orientaux – comme cela est démontré aux résultats de tests de nos jours en Israël,  qui montrent que le QI des Juifs non européens est en gros semblable au QI des non juifs.

 

Les trois auteurs concluent cette partie de leur argumentaire avec un élégant corollaire que recoupe le ‘profil test’ connu des Ashkenazim contemporains avec l’expérience historique de leurs ancêtres :

Le processus de sélection suggéré explique le modèle des capacités mentales des Juifs ashkénazes : une capacité verbale et mathématique élevée mais une capacité spatio-visuelle relativement faible. Le talent verbal et mathématique a aidé les hommes d’affaires du Moyen-Âge à réussir, alors que les capacités spatio-visuelles étaient sans importance.

 

Le reste de leur article est une longue discussion technique sur la génétique de la sélection du QI, preuve indirecte de la liaison entre le QI juif élevé avec une variété de maladies à transmission génétique retrouvée parmi les Ashkenazim, et une preuve que la plupart de ces effets de sélection génétique sont survenus au cours des 1200 dernières années.

 

Personne n’a encore présenté d’alternative à la théorie de Cochran - Hardy - Harpending, qui puisse la remettre en cause sur documents. Mais, comme celui qui soupçonne que l’intelligence élevée n’était (a) pas confinée aux Ashkenazim, et (b) précède le Moyen Âge, je vais souligner les aspects d’une explication alternative qui devrait être explorée.

 

Cela commence avec l’évidence que les Juifs qui demeurèrent dans le monde islamique démontrèrent des niveaux inhabituellement élevés de réussite depuis le commencement du deuxième millénaire. La preuve la plus solide est l’énumération par Sarton des scientifiques mentionnés plus tôt, dont 15 pour cent étaient juifs. Ce n’étaient pas des Ashkenazim du Nord de l’Europe, où les Juifs étaient encore largement exclus du monde de la connaissance scientifique, mais des Sephardim de la péninsule ibérique, de Bagdad, et d’autres centres islamiques d’enseignement.. J’ai aussi mentionné la preuve culturelle plus diffuse de l’Espagne où, aussi bien sous la gouverne islamique que chrétienne, les Juifs atteignaient des positions éminentes dans les professions, le commerce et le gouvernement aussi bien que dans l’élite littéraire et les cercles intellectuels.

 

Après avoir été expulsés d’Espagne à la fin du 15ème siècle, les Juifs sephardi s’élevèrent en distinction dans les nombreux pays où ils s’installèrent. Certains historiens de l’économie ont retracé le déclin de l’Espagne après 1500, et l’ascension consécutive des Pays Bas, liée en partie au talent commercial des Sephardim qui fut transféré de l’un vers l’autre. Des siècles plus tard, en Angleterre, on pouvait désigner des éminences sephardi telles que Benjamin Disraeli et l’économiste David Ricardo.

 

En résumé, je propose qu’un dossier solide soit assemblé : partout les Juifs avaient des ressources intellectuelles inhabituellement élevées, qui se sont elles-mêmes manifestées au-delà des Ashkénazes, et bien avant la période où la réussite non rabbinique ashkénaze s’est elle-même manifestée.

 

Comment ce dossier doit-il être soutenu face aux données contemporaines de tests indiquant que les Juifs non ashkénazes n’ont pas la moyenne élevée des Ashkénazes d’aujourd’hui ? L’incohérence logique disparaît si l’on pose que les Juifs autour de l’an 1000 après JC avaient une intelligence élevée partout, mais qu’elle augmenta ensuite davantage parmi les Ashkenazim, et déclina parmi les Juifs vivant dans le monde islamique – peut-être parce que la dynamique décrite par Cochran, Hardy, et Harpending (à savoir que les Juifs orientaux étaient concentrés dans le commerce pour lequel une intelligence élevée ne produisait pas la richesse).

 

Des avancées récentes dans l’utilisation de marqueurs génétiques pour caractériser les populations nous permettent de rechercher systématiquement de telles possibilités. Je propose cette hypothèse testable simplement comme une parmi de nombreuses possibilités : si les marqueurs génétiques sont utilisés pour détecter parmi les Juifs non ashkénazes, on trouvera que ceux qui sont le plus proche génétiquement des Sephardim de l’Âge d’Or ont un QI moyen élevé, bien que peut-être pas aussi élevé que le QI des Ashkénazes contemporains.

 

L’aspect suivant d’une alternative à la théorie de Cochran-Hardy-Harpending implique des raisons de penser qu’une certaine augmentation de l’intelligence juive est survenue même avant que les Juifs ne changent pour des professions sélectionnées par l’intelligence, du fait du passage du judaïsme antique fondé sur le rituel  à une religion fondée sur l’enseignement.

 

Tous les savants qui ont examiné la question s’accordent sur le fait que 80 – 90 % de tous les Juifs étaient fermiers au début de l’ère chrétienne, et que seuls 10 à 20 % des Juifs étaient fermiers à la fin du premier millénaire. Aucun autre groupe ethnique n’a suivi le même type de changement

professionnel. Pourquoi cela survint, je me tourne vers la discussion entre Maristella Botticini et Zvi Eckstein intitulée : « Sélection professionnelle juive : Education, restrictions, ou Miniorités ? » parue sur « Journal of Economic History » en 2005.

 

Rejetant l’explication que les Juifs sont devenus des marchands parce qu’ils étaient empêchés d’être fermiers, Botticini et Eckstein soulignent des cas où des Juifs libres de posséder de la terre et de s’engager dans l’agriculture firent le même changement vers des professions urbaines et habiles que les Juifs démontrèrent là où les restrictions étaient forcées. Au lieu de cela, ils concentrèrent leur attention sur un événement qui survint en 64 après JC, quand le sage ‘palestinien’ [la terre de Judée a été rebaptisée ‘Palestine’ par les Romains, après la destruction du second Temple en 70 ; Ndt] Joshua ben Gamla publia une ordonnance mandant l’école universelle pour tous les garçons à partir de six ans. L’ordonnance ne fut pas seulement publiée, elle fut exécutée. En l’espace d’environ un siècle, les Juifs, exemple unique parmi les Peuples du monde, avaient effectivement établi l’alphabétisation et l’aptitude au calcul universelle des garçons.

 

L’explication des auteurs pour le changement consécutif de la ferme aux occupations urbaines se réduit à cela : si vous étiez éduqué, vous possédiez une richesse ayant une valeur économique dans les professions requérant l’alphabétisation et l’aptitude au calcul, comme celles comprenant les ventes et les transactions. Si vous demeuriez un fermier, votre éducation avait peu ou pas de valeur. A travers les siècles, la réalité économique basique a conduit les Juifs à abandonner la ferme et à s’engager dans des professions urbaines. 

 

Jusqu’à présent, Botticini et Eckstein ont apporté une toile de fond explicative au changement de professions qui a son tour produisit la pression de sélection pour l’intelligence décrite par Cochran, Hardy, et Harpending. Mais la pression de sélection dans cette forme classique n’était probablement pas la seule force à l’œuvre. Entre le 1er et le 6ème siècle après JC, le nombre de Juifs dans le monde s’effondra d’environ 4,5 millions à 1,5 million ou moins. Environ 1 million de Juifs furent tués lors des révoltes contre les Romains en Judée et en Egypte. Ils furent dispersés, convertis de force du judaïsme à une autre religion. Une part de la réduction peut être associée avec une chute générale de la population qui accompagna le déclin et la chute de l’Empire Romain. Mais cela laisse encore un énorme nombre de Juifs qui disparurent tout simplement.

 

Que leur arriva-t-il ? Botticini et Eckstein mettent en avant qu’une force économique était à l’œuvre : pour les Juifs qui demeurèrent des fermiers, l’éducation universelle impliquait un coût qui avait un faible bénéfice. Le temps s’écoulant, ils s’éloignèrent progressivement du judaïsme. Je suis sûr que cette explication a quelque mérite. Mais une explication plus directe pourrait impliquer les exigences intellectuelles accrues du judaïsme.

 

L’ordonnance de Joshua ben Gamla imposant l’alphabétisation est survenue environ au même moment que la destruction du second Temple – 64 et 70 après JC, respectivement. Tous les deux marquent le moment où le judaïsme a commencé de se transformer activement d’une religion centrée sur les rites et les sacrifices au Temple de Jérusalem, en une religion centrée sur la prière et l’étude de la Torah, dans des synagogues décentralisées et des maisons d’études. Les rabbins et les érudits ont pris un rôle beaucoup plus important comme dirigeants des communautés locales. Puisque le culte de D.ieu impliquait non seulement la prière, mais aussi l’étude, tous les hommes juifs devaient lire s’ils voulaient pratiquer leur foi, et non seulement lire en privé mais être capables de lire à voix haute en présence des autres.

 

Dans ce contexte, considérez les besoins intellectuels de l’alphabétisation. Les gens avec une intelligence modeste peuvent devenir des lecteurs fonctionnels, mais ne sont capables de lire que de simples textes. La Torah et le livre de prière hébraïque ne sont pas de simples textes ; être même capables de les lire mécaniquement requiert une capacité de lecture assez avancée. Etudier le Talmud et ses commentaires avec quelque compréhension requiert une capacité intellectuelle considérable. En bref, au cours des siècles après la destruction du Temple par Rome, le judaïsme a évolué d’une telle manière que pour être un bon Juif, un homme se devait d’être astucieux.

 

Qu’arriva-t-il aux millions de Juifs qui disparurent ? Il n’est pas nécessaire de maintenir que les juifs d’intelligence médiocre ne vivaient pas en ville parce qu’ils ne pouvaient pas lire la Torah et ses commentaires couramment. Bien plutôt, peu de gens se satisfont d’une position où leurs défauts sont constamment mis en exergue. C’est la nature humaine de se soustraire à de telles situations. Je suggère que les Juifs qui s’éloignèrent du judaïsme du 1er au 6ème siècles après JC étaient lourdement concentrés parmi ceux qui ne pouvaient pas apprendre à lire assez bien pour être de bons Juifs – signifiant ceux de la moitié inférieure de la distribution de l’intelligence. Même avant que la pression de sélection, en s’élevant parmi les professions urbaines, n’ait commencé d’avoir de l’effet, je mets en avant que le reste des Juifs qui s’identifiaient comme tels autour de 800 après JC avaient déjà une intelligence élevée.

 

Une fin imprécise demeure. Est-ce que, avant le premier après JC, les Juifs étaient d’un niveau intellectuel ordinaire ? Devons-nous croire que la Bible, une œuvre compilée au cours des siècles et incorporant tout depuis la poésie brillante à l’éthique profonde, avec des narrations qui parlent si éloquemment à l’humaine condition qu’elles ont inspiré un art grandiose, de la musique, et la littérature pendant des millénaires, a été produite par une tribu levantine intellectuellement ordinaire ?

 

Dans « L’Evolution de l’homme et société » (1969), le généticien Cyril Darlington a présenté la thèse que les Juifs et le judaïsme ont été formés de façon décisive bien avant le 1er avant JC, à savoir, lors de la captivité à Babylone qui commença avec la chute de Jérusalem aux mains des forces de Nabuchodonosor en 568 avant JC.  

 

L’analyse de Darlington touche beaucoup de questions, mais je vais me concentrer uniquement sur la question de l’intelligence. Le compte-rendu biblique déclare clairement que seul un groupe sélectionné a été emmené à Babylone. Nous lisons que Nabuchodonosor « emporta en exil tout Jérusalem : tous les officiers et les combattants, et tous les artistes et les artisans… Seuls les gens les plus pauvres du pays furent laissés » (2 Rois 24 : 10).

 

En effet les Babyloniens emmenèrent les élites juives, sélectionnées en partie pour leur haute intelligence, et laissèrent derrière les pauvres et les malhabiles, sélectionnés en partie pour leur faible intelligence. Au temps où les exilés revinrent, plus d’un siècle plus tard, beaucoup de ceux laissés derrière en Judée avaient été absorbés par d’autres religions. Suivant le commandement d’Ezra de “vous séparer vous-mêmes des peuples autour de vous et de vos femmes étrangères” (Ezra 10 : 9), seuls ceux qui renoncèrent à leurs femmes étrangères et leurs enfants furent autorisés à demeurer au sein du groupe. Les exilés de retour, qui formèrent le noyau de la communauté juive reconstituée, comprenaient surtout les descendants des élites juives – probablement une population de loin plus capable, en moyenne, que la population d’avant la captivité.

 

J’offre la captivité babylonienne comme un mécanisme concret par lequel l’intelligence juive peut s’être élevée très tôt, mais je ne suis pas marié avec. Même sans ce mécanisme, il y a une raison de penser que la sélection de l’intelligence précède le 1er siècle.

 

Depuis son début même, remontant apparemment à l’époque de Moïse, le judaïsme a été entrelacé avec la complexité intellectuelle. D.ieu commandait aux  Juifs de suivre la loi, ce qui signifiait qu’ils devaient étudier la loi. La loi était si étendue et compliquée que ce processus d’apprentissage et de révision n’était jamais terminé. De plus, les hommes juifs n’étaient pas libres de prétendre qu’ils avaient appris la loi, car on commandait aux pères d’enseigner la loi à leurs enfants. Il était évident à tous si les pères échouaient dans leur mission. Aucune autre religion n’a produit autant d’exigences intellectuelles pour l’ensemble du corps de ses fidèles. Bien avant Joshua ben Gamla et la destruction du second Temple, les exigences pour être un bon Juif avaient apporté des incitations pour que les moins intelligents se détachent.

 

Evaluer les évènements du 1er siècle après JC pose ainsi un problème du type de la poule et l’œuf. Par une analogie, considérez le Chinois écrit avec ses milliers de caractères uniques. Aux tests cognitifs, les Chinois contemporains ont des résultats très bons pour les capacités visio-spatiales. Il est possible, je suppose, que leurs capacités visio-spatiales élevées aient été renforcées par l’obligation d’apprendre les caractères chinois écrits ; mais je trouve bien plus plausible que seuls ceux qui possèdent déjà des capacités visio-spatiales élevées aient jamais pu inventer un langage écrit aussi férocement difficile. De même, je suppose qu’il est possible que les capacités verbales des Juifs ont été renforcées à travers des effets secondaires et tertiaires, par la nécessité d’être capables de lire et de comprendre des textes compliqués après le 1er siècle après JC ; mais je trouve bien plus plausible que seuls ceux qui possèdent déjà des capacités verbales élevées puissent rêver mettre en place une demande aussi exigeante.

 

Ce raisonnement me pousse plus loin dans le royaume de la spéculation. Jusqu’à présent, comme je suggère que les Juifs peuvent posséder quelque degré de capacités verbales remontant à l’époque de Moïse, je suis nu face au dernier défi des psychologues évolutionnistes. Pourquoi une tribu particulière au temps de Moïse, vivant dans le même environnement que d’autres peuples nomades et agricoles du Moyen-Orient, a-t-elle déjà évolué vers une intelligence alors que les autres ne l’ont pas fait ?

 

A ce stade, je trouve asile dans mon hypothèse restante, parcimonieusement unique et heureusement irréfutable. Les Juifs sont le Peuple élu de D.ieu.

 

 

Au sujet de l’Auteur

 

Charles Murray travaille à  “American Enterprise Institute et il vient de publier : “A Plan to Replace the Welfare State (2006)”.[Un plan pour remplacer l’Etat providence].

Cet article a été adapté par l’auteur à partir d’une présentation à la conférence annuelle d’Herzlyia en Israël.

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