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Le premier parti de Tunisie menacé d'implosion

Le premier parti de Tunisie menacé d'implosion

 

 

 

Choc des ambitions, échanges d'insultes, accusations de violences et appel acerbe au chef de l'Etat: le premier parti de Tunisie, Nidaa Tounes, apparaît au bord de l'implosion, menaçant de parasiter l'action d'un gouvernement déjà vivement critiqué.

Affaibli par le départ de Béji Caïd Essebsi, 88 ans, premier président démocratiquement élu, "l'Appel de la Tunisie" est miné depuis des mois par une "bataille de succession" qui oppose son secrétaire général Mohsen Marzouk au fils du chef de l'Etat, Hafedh Caïd Essesbi.

L'animosité entre les clans des deux quinquagénaires est montée d'un cran dimanche avec des accusations de violences lors d'une réunion du bureau exécutif à Hammamet. Postées sur internet et abondamment reprises, des images montrent un groupe de personnes munies de bâtons bloquer l'entrée d'un bâtiment. Des accusations réciproques ont ensuite fusé.

Dans un communiqué, plusieurs membres du bureau exécutif proches de M. Marzouk ont rapidement fustigé une "agression fasciste" téléguidée par "quelques dirigeants du parti ayant décidé de faire main basse sur ses structures". "Ces violences menacent le processus démocratique", a affirmé à l'AFP une membre de cette instance, Bochra Belhaj Hmida.

Dans leur viseur, Hafedh Caïd Essebsi, dont la riposte de proches n'a pas tardé. Mohsen Marzouk "a montré les dents" lors de ces incidents, a déclaré à la radio privée Shems le député Abdelaziz Kotti, en allusion aux ambitions présidentielles jugées démesurées du jeune quinquagénaire. Formation réunissant aussi bien des personnalités de gauche et de centre-droit que d'anciens dignitaires du régime de Zine El Abidine Ben Ali, Nidaa Tounes ne vit pas sa première crise.

La tenue de son congrès est repoussée depuis des mois et, dès le printemps, des voix avaient dénoncé une tentative du fils du président de faire main basse sur le parti.

"Nous avons dit non à l'hérédité, non au retour de l'ancien régime", avait asséné Lazhar Akremi, depuis démissionnaire de son poste de ministre chargé des relations avec le Parlement.

Des médias locaux ont jugé lundi que le "point de non-retour" était atteint. "La rupture est consommée", a résumé le magazine Leaders sur son site internet.

Dans ce contexte, le président lui-même n'est pas épargné.

Le mois dernier, dans la foulée de sa démission, M. Akremi avait accusé Béji Caïd Essesbi d'avoir abandonné le parti pour le Palais de Carthage, siège de la présidence. "Il a quitté le navire pour aller sur un yacht. C'est impardonnable", avait-il déclaré, cité par l'hebdomadaire Réalités.

Dimanche, 32 députés du camp Marzouk ont adressé --et publié-- une lettre acerbe au chef de l'Etat, l'accusant de "passivité" et réclamant son intervention.

Le président "n'entend pas prendre parti", a rétorqué son porte-parole Moez Sinaoui, cité par Mosaïque FM. Face aux tensions, la présidence a toutefois annoncé que des députés du groupe parlementaire avaient été reçus lundi après-midi.

Pour Chokri Mamoghli, membre du bureau exécutif, il est quoi qu'il en soit trop tard. "Nidaa est mort" et "le gouvernement va probablement tomber", a-t-il estimé.

Cette crise vient parasiter la tâche du Premier ministre Habib Essid, dont l'action est déjà contestée, sur fond de déprime économique. "Il existe un sentiment de déception. Nous avons droit à un gouvernement de gestion des affaires courantes", a récemment déploré le député de Nidaa Tounes, Mondher Belhaj.

"Rien ne va plus pour le gouvernement", a jugé lundi La Presse, critiquant l'absence de "vision de développement économique et social" malgré l'annonce d'un plan quinquennal.

Limogé mi-octobre, le ministre de la Justice Mohamed Salah Ben Aïssa n'a pas été remplacé, tout comme Lazhar Akremi. Le portefeuille est à ce jour géré par le titulaire de la Défense.

La situation pourrait constituer une opportunité pour le parti islamiste Ennahda, qui a noué une alliance de circonstance avec Nidaa Tounes et reste uni derrière son chef Rached Ghannouchi malgré ses revers électoraux.

Interrogé par l'AFP, le politologue Ahmed Manai tempère. "Je ne pense pas que cela aboutisse à la chute du gouvernement, dit-il. Tout le monde a intérêt à ce qu'il continue et qu'il n'y ait pas de vide politique. Ennahda compris".

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