"Le signe que la vie juive refleurit en Allemagne"
Un nouveau trimestriel juif-allemand vient de voir le jour outre-Rhin. Rafael Seligmann, son fondateur, l'a conçu à la fois comme le vecteur et le signe de la vitalité et de la croissance de cette communauté.
Ofer Aderet | Ha'Aretz
Pour Rafael Seligmann, qui avait alors 10 ans, quitter Israël pour l'Allemagne en 1957 fut un traumatisme. Mais pour ses parents, c'était rentrer au pays natal qu'ils avaient fui vingt ans plus tôt. Seligmann a aujourd'hui 65 ans. Journaliste et romancier reconnu, il croit fermement à la renaissance de la communauté juive en Allemagne et vient de lancer le trimestriel Jewish Voice from Germany dans l'espoir d'aider la nouvelle génération de juifs d'Allemagne.
Seligmann s'est fait connaître du public allemand dans les années 70 par des articles dans de grands journaux comme Der Spiegel, Bild, Die Weltet Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il a également publié six romans. Le premier, Rubensteins Versteigerung [l'enchère de Rubinstein] paru en 1988, a été reconnu comme le premier roman allemand écrit par un juif depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.
Une nouvelle publication juive-allemande, voilà qui avait de quoi attirer Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères, à la fête de lancement qui s'est déroulée mi-janvier. Le ministre a d'ailleurs écrit un vibrant hommage dans le premier numéro. "Cette publication montre au monde que la vie juive refleurit en Allemagne", écrit-il avant d'ajouter : "Elle est redevenue partie intégrante de notre société. Soixante-dix ans après la Shoah, nombres de branches différentes du judaïsme se remettent à ordonner des rabins en Allemagne, on construit des synagogues et on ouvre des écoles juives...notre communauté juive est un élément indissociable de notre Histoire mais également et surtout de notre avenir...Nous avons besoin de personnes qui connaissent l'Histoire des Juifs en Allemagne, ont une vision pour l'avenir et nous avons besoin de médias qui véhiculent et expliquent cette vision."
La communauté juive d'Allemagne compte officiellement 100 000 personnes même si les juifs présents dans le pays sont probablement plus de deux fois nombreux. Pour Seligmann, si on compte les Israéliens qui vivent à Berlin et dans d'autres villes et les juifs russes et américains qui vivent en Allemagne mais ne sont pas actifs au sein de la communauté, on devrait avoir un nombre tournant autour de 250 000 personnes - c'est à dire la moitié de celui d'avant-guerre.
Westerwelle et Seligmann mettent tous les deux l'accent sur l'avenir plutôt que sur le passé. "Si je n'écrivais que sur la Shoah et les nazis, je n'aurais plus de lecteurs, déclare Seligmann. La question de la Shoah, c'est d'une certaine manière un peu comme la drogue : ca provoque des émotions très fortes. Mais les gens s'intéressent aussi à d'autres parties de l'Histoire, de la littérature et de la culture juive."
Les 30 000 exemplaires du premier numéro de Jewish Voice from Germany ont touché environ 150 000 lecteurs en Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et en Israël. La presse allemande a salué chaleureusement ce nouveau confrère. Bild, par exemple a qualifié Seligmann de "gagnant" et lui a souhaité bonne chance. Cette générosité n'a toutefois pas contaminé les deux concurrents juifs -l'hebdomadaire Jüdische Allgemeineet le mensuel Jüdische Zeitung -qui ont décidé d'ignorer la nouvelle publication.
Seligmann énonce clairement son objectif : "J'ai un rêve. Je rêve que la communauté juive renaisse en Allemagne. Albert Einstein, Thomas Mann, l'historien Théodor Mommsen et le peintre Max Liebermann symbolisaient tous un foisonnement unique des arts, de la culture et de l'économie", écrit-il dans l'éditorial du premier numéro. Seligmann considère cette nouvelle publication comme un pont. "Nous voulons transmettre la longue histoire que juifs et Allemands ont en commun."
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