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Les juifs de Colombie

 

Les juifs de Colombie

 

 

La Colombie est peuplé de près de 43 millions d'habitants presque exclusivement chrétiens. En son sein, vit une très petite communauté juive, estimée à 4400 personnes, qui a connu une histoire pour le moins heurtée.

En effet, il existait déjà au XVIIe siècle à Carthagène, une petite communauté de juifs marranes portugais qui furent annihilés par l'Inquisition. De ce fait, le XVIIIe siècle connut une présence juive infime et sporadique. Après l'indépendance, afin de témoigner sa reconnaissance aux juifs sépharades des Antilles et notamment de Curaçao qui l'avaient soutenu, Simon Bolivar offrit en 1819 aux "membres de la nation hébreu" le droit de s'installer dans le nouvel État, en leur garantissant la liberté religieuse et l'égalité des droits civils et politiques.

Des familles juives de Curaçao s'établirent alors dans la ville portuaire de Barranquilla, se spécialisant dans le commerce maritime et le transport fluvial sur le fleuve Magdalena, fondant la première banque de la ville, créant le premier cimetière juif en terre colombienne en 1832 et faisant même élire l'un des leurs comme Gouverneur de la province en 1854.

Cependant, au début du XXe siècle, cette communauté sépharade caribéenne avait, à l'exception de quelques familles demeurées fidèles à leurs traditions, quasiment disparue à Barranquilla, par assimilation et conversion, et l'on comptait moins de 200 Juifs à Bogota.

L'essentiel de la population juive descend donc de personnes arrivées en Colombie au XXe siècle. Dans les années 1930, des immigrants juifs originaires de Pologne et de Russie fondèrent la première institution juive, le Centre israélite de Bogota, la première école communautaire, ainsi que le cimetière juif de la ville qui a d'ailleurs été classé monument national en 1998. A partir de 1940, arrivèrent des juifs allemands qui se dotèrent de leur propre organisation communautaire, l'Association israélite Montefiore. Ces juifs ashkénazes vinrent souvent illégalement car le Parti conservateur colombien alors au pouvoir, professant un catholicisme particulièrement réactionnaire et judéophobe, édicta une circulaire le 30 janvier 1939 interdisant de dépasser le chiffre de 5000 juifs dans l'ensemble du pays. Nombre d'entre eux étaient quincaillers, commerçants, et ils furent les initiateurs du micro-crédit.

Après la Seconde Guerre mondiale, des juifs polonais et russes, souvent rescapés de la Shoah, vinrent retrouver certains membres de leurs familles déjà installés dans ce pays. Le Centre israélite de Bogota servit alors de siège à la plupart des organisations juives, notamment à l'Agence juive.

C'est en 1946 qu'arriva le premier rabbin en Colombie, Eliezer Roitblat. La communauté juive accueillit avec ferveur la fondation de l'État d'Israël, pour laquelle un groupe de juifs de Bogota partit se battre. Dans les années 1950, se forma une communauté juive sépharade issue principalement de Syrie, de Turquie et d'Égypte.

Aujourd'hui la communauté, divisée de manière quasi égale entre ashkénazes et sépharades, est concentrée essentiellement à Bogota, mais est aussi présente à Cali, Medellin et Barranquilla. Toutes ces villes sont dotées de centres communautaires, tels le Centre israélite philanthropique de Barranquilla ou l'Union culturelle israélite de Cali, de magasins d'alimentation casher, d'écoles juives, d'organisations de jeunesse, ainsi que de sections de la Wiso ou du B'nai B'rith. Cette dernière organisation parraine d'ailleurs la fondation d'un hôpital pour enfants à Cali. Le pays compte 9 synagogues, dont 4 à Bogota, dans lesquelles officient 12 rabbins au service d'une communauté allant de l'orthodoxie au traditionalisme, en passant par le conservatisme de tendance Masorti. La communauté a une vie culturelle active, publiant près de 6 journaux et organisant de nombreux cercles d'études juives principalement à Bogota. La Confédérations des Associations réunit l'ensemble des organisations juives de Colombie.

Depuis les années 1970, la montée de la violence des guérillas, des paramilitaires, des groupes mafieux, des forces armées elles-mêmes, de la délinquance quotidienne, la multiplication des enlèvements, ont malheureusement touché les familles juives colombiennes comme tous leurs compatriotes.
Du fait de cette situation, la Colombie connaît aujourd'hui une émigration massive qui n'a pas épargné la communauté juive. Cette dernière, abandonnée par nombre de ses jeunes, partis principalement à Miami et secondairement en Israël et au Costa-Rica, a perdu près de 40% de ses effectifs au cours des 30 dernières années.

Cependant, la communauté ne perd pas espoir et estime pouvoir maintenir une vie communautaire dans un pays qui rendit toujours sa présence difficile.


Maître de Conférences à Sciences-Po Paris, Président de Judaïsme et Liberté Paris

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