LES JUIFS DE LA MARTINIQUE
Les Juifs figurent parmi les tout premiers arrivées en Martinique. Moins de trente ans, en effet, après que Belain d’Esnambuc eut pris possession de l’île au nom de la France, quelques Juifs hollandais fuyant le Brésil, à partir de Recife, principalement, après sa conquête par les Portugais en 1654, trouvèrent refuge dans la partie nord-est de la Martinique qui porte encore le nom de Petit-Brésil. Bien qu’on leur doive l’introduction des techniques permettant la cristallisation et le raffinage du sucre – avec la construction des canaux d’irrigation et des moulins à eau et à vent, ces « anciens marranes » furent l’objet des persécutions officielles. En 1659, sous la pression des jésuites, le droit de commerce leur fut dénié ; en 1685, Louis XIV ordonna leur expulsion de l’île. Leur nombre ne dépassait pas quatre-vingts. Quelques-uns s’enfuirent vers la Barbade, d’autres devinrent conversos, c’est-à-dire chrétiens sous la contrainte.
Après cela, les Juifs restés à la Martinique s’épanouirent sur le plan économique, l’interdiction de commerce avait été modifiée ; les Juifs qui refusaient de pratiquer le commerce durant le shabbat étaient soumis à une amende. On pouvait mesurer leur richesse au nombre d’esclaves en leur possession : cent exactement. Ils étaient relativement libres de pratiquer leur religion :
Les Juifs qui sont établis ici emploient les samedis à faire leurs cérémonies, obligeant leurs sujets et engagés d’observer leur Sabbat et de travailler le dimanche et se montrent en public durant le deuil de l’Eglise qui dure depuis le Jeudi Saint jusqu’au dimanche de Pâques, contrairement à ce qui s’observe dans tous les milieux de l’Europe où on les tolère.
(Lettre du Gouverneur de Baas, le 1er août 1669).
Cependant, encore une fois, dans les Caraïbes françaises comme en Europe, les Juifs eurent à subir le ressentiment de ceux qui voyaient dans leurs prouesses économiques une menace sur le commerce :
Je crois qu’il est nécessaire que le Roi envoie un règlement à l’égard des Juifs, ils ont des terres, des maisons en propre, ils ont des esclaves chrétiens, et quantité de commis chrétiens, ils font quasi tout le commerce, et se multiplient beaucoup, de sorte que le commerce est presque tout tenu par ces gens‑là.
(Lettre au roi, 19 novembre 1680)
En tête de ces premiers Juifs martiniquais figurent Jacob Gabaye, un résident de Saint-Pierre, la première capitale de la Martinique, sur la propriété duquel se trouvaient une synagogue rudimentaire et un cimetière juif ; Jacob Louis, de Rivière-Salée ; Abraham Bueno, du Marigot ; Isaac Le Tob, du Carbet ; et surtout Benjamin Da Costa, pionnier de la culture du cacao, de la canne à sucre et de l’extraction de l’indigo. Le chocolat et les confitures de fruits de Da Costa, préparés selon les recettes qu’il avait apprises des indigènes, les Indiens Caraïbes exterminés par la suite, étaient vendus à Amsterdam, Bordeaux et Bayonne. En introduisant le processus de raffinage du sucre à la Martinique, Da Costa allait changer le visage de l’île.
Or la conscience des jésuites de l’île était à la torture :
Ils se mêlent impunément parmi les chrétiens, boivent et mangent avec eux et sous prétexte de trafic et de commerce abusent des personnes simples et corrompent l’innocence des femmes et des filles chrétiennes… Les enfants jouent indifféremment avec les enfants chrétiens.
(Lettre du 13 février 1683)
L’article 1 du fameux édit de mars 1685, le document qui par ailleurs régularise la pratique de l’esclavage dans l’empire français, rend officiel l’ordre d’expulsion des Juifs promulgué par Louis XIV : « Enjoignons à tous nos officiers de chasser hors de nos Isles tous les Juifs qui y ont établi leur résidence auxquels comme aux ennemis du nom chrétien nous commandons d’en sortir… »
Sur place, l’application des lois antijuives faisaient rage : en 1695, la chancellerie française fit remontrance au gouverneur de la Martinique, le comte de Blénac pour avoir permis à six familles juives de rester sur l’île en lui rappelant « qu’il ne soit permis à aucun marchand, ou autre faisant profession de la religion juive de s’établir dans les îles et colonies françaises de l’Amérique…. Il faut croire que le comte de Blénac s’empressa d’obéir à ce rappel à l’ordre et fit appliquer l’ordonnance antisémite de Sa Majesté
Commentaires
Voilà un article intéressant sur plusieurs points et qui s'interrompre brusquement alors qu'il ne fait que commencer.
Les traces laissées par ces Juifs des 16 et 17ème siècles subsistent encore. L'homme le plus important se nomme Bernard Hayotte et l'excellent rhum agricole Depaz est toujours tenu par la même famille. Plusieurs de nos patronymes comme Lancry ou Baruch sont portés par de nombreuses familles Martiniquaises.
Les Tunes de la Martinique sont peu nombreux parmi cette communauté qui mérite d'être citée. Celle de la Guadeloupe n'est pas en reste puisque tout aussi active et composée de jeunes gens natifs de ces Îles accueillantes.
Si notre religion nous avait permis la conversion de cette population, je puis vous assurer que les synagogues auraient fleuries sur ces deux Îles de la Caraïbe. De nombreuses anecdotes attestent du respect des Antillais envers nos deux communautés Caribéennes.
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