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Les souvenirs que nous gardons, par Emile Tubiana

Les souvenirs que nous gardons

 

Pour certains, c’est la maison familiale où ils ont grandi. Pour d’autres ce sont les amis d’enfance. Certains revoient leur premier amour. Pour moi, c’est l’école perchée en haut sur la montagne que l’on revoit de temps en temps dans les rêves ou à la campagne. Pour d’autres ce sont les plaines et les collines que l’on voit de la Casbah. Pour les personnes sensibles et douces, c’est l’école enfantine et la maîtresse qui chouchoute les enfants qui viennent pour la première fois au jardin d’enfants. Puis pour nos pères et grand-père ou grands-mères c’est faire une partie de Chkouba ou de belotte autour d’une table au café Bijaoui de Beja, ou à Tunis au café El Bahri et autres ou la promenade lente en groupe de dix, vers Sidi Frej ou Sidi Alaoui.

 

Pour notre génération c’est la communion avec le complet bleu marin, le matin à la synagogue ou à l’église avec son clocher et son coq, aux yeux curieux de tous les passants. Ensuite ce sont les cadeaux que l’on reçoit des membres de la famille. Puis les premières cigarettes qu’on nous donne avec la bénédiction de nos parents et que l’on distribue à nos amis et à nos copains, puis c’est la promenade en carrosse jusqu’à l’oued de Béja et au pont cinquième. Ou le cinéma de Ducosso ou le cinéma de Charles Levy, qui s'appelait l'Ideal, qui jouait des films avec Viviane Romance ou Fernandel qui nous faisait rire, et Tino Rossi etc Nous étions ensemble des amis des cousins, ces distractions nous rapprochaient l’un de l’autre

 

Quel évènement, quelle joie s’accaparait de nous tous. Et lorsqu’on prend un peu de l’âge c’est le souci des examens pour le certificat d’études, qui signifiait la clé des classes supérieures. Pour nos amis musulmans, la réussite au certificat d’études, c’est la dispense de l’armée française. Les arabes fêtaient cet évènement avec des Youyous, le Tabal et le Mezoued ou la Zokra (le tambour et le biniou decornouiller ou la flûte). Chez les musicaux ce sont les choeurs d’école, ou le bayout des juifs ou les chants liturgiques ou les chants arabes du malouf ou le classique d’Abdelwahab ou bien les chants que l’on apprenait au cours d’arabe. Hélas j’ai oublié le nom du professeur d’arabe, que je trouvais gentil et dévoué. Il nous avait appris ces chansons :

 

NASSIROU NAH EL MAALI, EL BAADI VA ASSIRA, ANNAH WASSEL BEL HISSANI BESIRATI EL MOSTAQUIMA.

La prononciation n’est plus claire donc pour ceux qui connaissent la chanson je vous serais grée de me l’afficher.

 

Ceux qui n’aimaient pas l’arabe en ce temps-là, mais préféraient les chansons de notre maître de musique, Monsieur Angotti, justement aujourd’hui, ceux-là sont assoiffés de chaque mot et proverbe arabe et collectionnent les cassettes de chansons tunisiennes et arabes. Je ne donnais aucune importance au fait que certains étaient Juifs, Arabes, Maltais, Italiens ou Espagnols, nous étions tous des bons amis ou frères et sœurs.

 

Nous parlons de la Tunisie et de ses anecdotes, ses personnages que nous avons connus, ses romances platoniques, des kifs que nous avons passés. Nous cherchons à retourner à notre enfance, à l’atmosphère que nous avons connue et que nous essayons de reconstituer par différents moyens virtuels, sans succès. Même si l’on arrivait, il manquerait toujours un petit quelque chose, comme un plat de Meloukhia sans sel ou un plat d’Aqueud sans harissa. Malgré tout, nous réussissons à nous rapprocher, certains un peu, d’autres beaucoup et quelques uns pas du tout. L’essentiel c’est de trouver cette ambiance ou atmosphère qui nous mène à l’état d’âme des jours passés, dans lesquels nous avons senti les premiers fluides de l’amour. Pour chacun c’est sa ville où il est né ou la maison qui l’avait abrité. C’est surtout l’atmosphère et la place de notre innocence car c’est elle qui est la plus proche du paradis d’ou nous venions. Mais heureusement, ma maman a tout appris à ma femme, pour ne pas que je me prive de ses délices.

 

Pour d’autres, que ce soient les Monts Atlas, l’Himalaya, les Andes, les Alpes ou le désert du Sahara, pour les Tunisiens c’est le Bou Kornine, ou le Munchar, ou le désert de Zarzis. L’essentiel est de trouver notre étoile, qui nous guide vers le tréfonds de nous-mêmes, qui nous donne confiance en nous-mêmes jusqu’à retrouver et rencontrer et sentir comme une secousse séismique qui réveille notre conscience et notre être endormi.

 

 

 Emile Tubiana

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ce n'est pas un cordon ombilicale pour lui, une obsession.
S'il a le spleen de sa ville natale, de la Tunisie, il lui faut retourner dans le pays pour se débarrasser de son embellie de jeunesse.
un Psy avait conseillé à une amie marquée par un sentiment d'adolescente, de retrouver son premier amour pour guérir. Ce qu'elle a fait.
On ne vit pas avec le passé ni dans le futur, le présent suffit amplement.

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