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Lettre à mes amis du lycée Carnot de Tunisie

 

Lettre à mes amis du lycée Carnot de Tunisie

 

 

 

 

 

Karim Jaffel écrit une lettre à ses amis du lycée Carnot de Tunis à l’occasion de la célébration de l'anniversaire de la révolution. La liberté retrouvée est aussi synonyme de nostalgie.

 

Chers amis … un grand salut à vous tous où que vous soyez !

D’abord, je dois vous dire que vous me manquez en cette journée ! Plus de 30 ans peut être que nous ne sous sommes pas vus !? C’est vrai… les années passent vite! Je vous écris de la Tunisie. Certains d’entre nous l’ont quitté depuis quelques années, mais je suis sûr sans jamais la quitter de cœur.

Il y a de cela 2 ou 3 ans, j’ai croisé Aida, Yves et Johanna à l’aéroport! Un pur hasard ! Et Philippe aussi venu au mois de juillet pour quelques jours de vacances. Les émotions sont restées les mêmes après tant d’années. Fortes en étreintes et volumineuses en souvenirs avec des «tu te rappelles» et des «Ya hassra» qui reviennent à chaque fin d’histoire vite racontée.

Les émotions des années passées ensemble

Il faisait quand même beau dans notre lycée Carnot! Le bougainvillier pourpre à l’entrée du lycée! La salle 44 et le Cdi à l’étage! Et monsieur Koeller le proviseur au crâne rasé, toujours debout à l’entrée! Et madame Baccar la prof de musique? Et notre médecin, la maman de Youssef et d’Emna qui venait pour entendre notre cœur et nous dire au final que tout va bien! Ya Hasra, Ya Hasra!

Le lycée Carnot et ses années 80. Avec Bourguiba lui-même élève de ce lycée, on se sentait tous président! Franchement avec tout ce qu’on a pu déballer comme bêtises, je suis sûr que nos profs n’auraient jamais imaginé nous enseigner des choses pour nous voir un jour diplômés ! C’est vrai ... non ? Vous vous imaginez un peu ce qu’on a pu se bagarrer, faire les pitres et se lancer des fusées?

30 ans après, chacun de nous a fait son chemin pour devenir ce qu’il est: dans la musique, dans le commerce, dans la médecine, dans l’enseignement, dans les médias… Chacun me lira avec les yeux de son métier, avec ses habitudes de quadra dépassée, à l’heure du pays où il vit… mais certainement avec les mêmes émotions des années passées ensemble…

Finalement ces profs qu’on n’arrêtait pas d’embêter nous ont enseigné de l’histoire et de la géographie, mais aussi appris des choses qui nous permettent de vouloir rester en contact trente ans après! Quelle prouesse ces professeurs de nous avoir enseigné ces codes de société.

Le respect des différences

Avec un peu de recul, il faut dire aussi que nous avons beaucoup appris dans ce lycée! Se respecter soi même, respecter autrui et considérer la différence comme une bénédiction. Je me rappelle que nous partagions les rêves et les goûters, les fêtes et les anniversaires sans nous poser de questions sur le fait d’être musulman, chrétien, juif ou bouddhiste. La maman de Youssef était juive je crois, notre proviseur était peut être chrétien et nos profs… je ne sais plus! Je me rappelle qu’on attendait l’occasion de partager les gâteaux et les galettes à l’Aïd, comme pour Kippour, ou pour Pâques. Je me rappelle de cette dame qui m’a vu grandir et que j’appelais Mamie. Elle venait souvent frapper à notre porte les vendredi soir pour lui allumer la lumière. Et que nous tapions à sa porte pour jouer les samedis soir avec Cyril, Diane et Audrey, ses petits enfants.

Je me rappelle que, malgré les attitudes caractérielles et les convictions personnelles, les évènements que nous voyions à la télévision déroulant sous nos yeux des atrocités en Orient, comme en Occident, n’effaçaient en rien le fait que nous nous sentions unis et Tunisiens.

Fort heureusement, notre toile de fond était les sandwichs de Chérif, les fricassés de Manino, le sorbet fraise de Bébert, la glace artisanale à Bab El Khadhra, les madeleines de La Parisienne et les terrasses d’hôtels du centre-ville toujours remplies d’artistes bien habillés et d’amoureux pudiques qui venaient se désaltérer autour de musique et de café.

Einstein aura eu les larmes

C’est vrai que depuis 30 ans, les choses ont quelque peu changé. Chacun est parti de son côté et toutes ces bonnes choses ont été épilées sans être replantées. Des distances se sont creusées entre les gens d’un même quartier… entre les gens d’une même communauté... et même entre frères et sœurs d’une même portée! C’est vrai! Que dire? Dommage qu’on a grandi ? Dommage que tout le monde n’a pas eu les mêmes profs que nous pour rester amis?! Enfin… il y aura sûrement autres choses qui viendront... Une question de temps puisque rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme! Einstein aura eu les larmes aux yeux s’il avait vu le 14 janvier 2011 et la transformation de toute la société tunisienne en à peine 24 heures! Toute la Tunisie était unie autour de vérités, de valeurs et de respects. Tout le monde défendait son voisin! Tous les Tunisiens respectaient un nouveau code de société et attendaient leur tour pour acheter du pain !

Depuis, cette force est toujours là… mais par endroit! Oui… bon... c’est vrai que des allumés se sont pris à des journalistes, que des sit-ineurs mettent en difficulté une université, que de nouveaux révolutionnaires se réveillent avec de nouvelles revendications et que des invités emblématiques réveillent les démons d’agressivité. J’ai entendu des propos insultants. Mais il faut dire que la démocratie demande un système de sécurité, une justice et des médias bien calibrés pour assurer les libertés des individus et des collectivités. Pour l’instant, ces chantiers sont au stade des Avant Projets Sommaires avec des coups de crayons en style parabolique… Le plus dur sera de bien dimensionner les piliers… Sinon rebelote sur le compte des nouvelles générations!

Bon… Si par hasard vous avez l’occasion de lire cette lettre, aujourd’hui, comme dans quelques années, sachez que les murs de vos maisons en Tunisie vous réclament pour venir les visiter ou simplement les regarder! Vous passerez bien par Bir Lahfay à Sidi Bouzid et par Dernaya à Kasserine et vous reviendrez à l’Ariana, à Nabeul, à la Goulette et à Sidi Bou Said.

Au fait, le bambalouni n’est plus à 100 millimes des années 80, il est à 500 millimes! Ce n’est pas la faute à Moody’s, ni à la Révolution; mais simplement que les temps ont un peu changé et qu’il va falloir s’y habituer en toute liberté de pensées.

 

Lettre à mes amis du lycée Carnot de Tunisie

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Bonjour à toutes et à tous,
Je viens de lire avec une grande émotion ta très belle lettre. Je te remercie d'avoir écrit toutes ces belles choses que je revis avec un mélange de joie et de tristesse. Eh oui, c'était "avant" tout ça... Si seulement, on pouvait revenir dans le temps, je signe tout de suite. Bien que j'habite en France depuis 1971, mon cœur est resté et restera à Tunis jusqu'à la fin de mes jours, TUNIS TERRA ADORATA.
Vous me manquez beaucoup. Je vous embrasse de tout mon cœur.
SILVANA BONANNO

Chers amis de Carnot,
C'est avec émotion et bonheur que je viens de lire cette lettre ...alors que je recherchais une recette!
Le Lycée Carnot! Rien que d'en évoquer le nom, tout un Monde enfoui renaît, danse et prend forme! Comme la madeleine de Proust, il réveille toute une époque, une vie, qui reste a jamais sensible et oh combien inestimable!
Ce lycée restera toujours un doux souvenir vivant, palpitant et cher a mon cœur! Que de nuits j'en ai rêvé, me retrouvant en larmes dans mon lit. Souvenir souvenir quand tu nous tiens!
C'est vrai ce Lycée était magique et aujourd'hui encore, alors que je suis moi- même instit, ces profs, cette ambiance, cette joie de vivre, cette philosophie que nous avions alors, sans distinction de religions ni de préjugés , Wow!
Trente ans déjà pour moi aussi!!! Et pourtant je se sens toujours une âme de 20 ans...
A travers toutes ces années, loin de ma Tunisie, je n'ai jamais cessé d'y penser, d'y rêver, de prier et de souhaiter paix et serenite a ce pays qui fut le mien et ou Juifs, Berbères, Chrétiens et Musulmans étions Tous amis et frères.
Longue vie, paix et liberté a ce pays qui reste le mien.
Avec tous mes vœux de Paix, de tolérance, d'amour et d'amitié a toute la Tunisie, aux Tunisiens et Tunisiennes et les Anciens de Carnot.
Comme j'aimerais y revenir pour vous embrasser tous. Missou Bentura Seni ( Canada)

Moi, un des plus fidèles de carnot où j'ai fait toute ma scolarité, de la 12ème à la terminale en m'attardant en 6ème et en 1ère, ça en fait des années dans ce lycée.
Parti de Tunisie, on ne sait pas pourquoi, peut-ètre pour faire comme tout les juifs, je me retrouve dans cette France glaciale de cœur et de climat, où il a fallu se battre pour esquiver la déprime.
Bien sur, que mes racines bougent très fort.
J'ai quitté mon pays, comme dit l 'autre, où je vivais en osmose avec mes amis arabes avec qui je vivais nuit et jour.
Parti en 1974, une bonne partie de mon cœur y est resté.
Bon courage, mes frères. Soyez sûrs que vous me manquez.
YVAN SAMAMA ( pour ceux qui ont eu le plaisir de me connaître)

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