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Liban : l’administration Obama plonge en apnée

 

Liban : l’administration Obama plonge en apnée (info # 011311/10) [Analyse]

Par Michaël Béhé à Beyrouth © Metula News Agency

 

Jeudi dernier, le Sayyed Hassan Nasrallah a poursuivi sa campagne de menaces contre le gouvernement légitime du Liban. Il a déclaré, lors d’une nouvelle intervention télévisée – il continue de vivre dans la clandestinité de crainte d’une action israélienne contre sa personne – que sa milice "n'acceptera aucune accusation contre l'un des siens", ajoutant que "la main qui voudra arrêter celui-ci sera coupée". Il a aussi annoncé que "le Hezbollah réagira de la manière de son choix (...)".

 

Cette menace concerne le cas où l’acte d’accusation du Tribunal international Sur le Liban (TSL), qui est attendu ces jours prochains, viserait des membres de son organisation.

 

"Réagira de la manière de son choix" procède d’une menace directe, qu’il a maintes fois articulée, reprise en chœur et amplifiée par ses subordonnés des "Fous de Dieu", de renverser par la force le gouvernement issu des urnes.

 

Il ne s’agit ici en aucun cas d’un acte de rhétorique, puisque le Hezbollah contrôle déjà le fonctionnement stratégique de l’Etat, et que les prérogatives du pouvoir légal se réduisent de jour en jour comme une peau de chagrin.

 

Ca n’est plus uniquement l’aéroport international que la milice occupe, de nombreuses hauteurs sur lesquelles, avec l’aide de techniciens iraniens, elle a établi des installations de radars et des missiles sol-air, des régions entières de notre territoire, qu’elle a exclues de l’influence de notre justice, notre police et notre armée, l’autoroute Beyrouth-Damas et les régions frontalières. Le Hezbollah a également phagocyté plusieurs unités de l’Armée libanaise, dont celles qui sont postées dans le voisinage d’Israël.

 

C’est aussi sans compter avec les quelques 40 000 roquettes et missiles sol-sol, que la milice chiite a disposés en divers points du territoire. Selon les estimations des services secrets libanais demeurés libres, s’il le décidait, le Hezbollah, avec l’aide des Syriens et des 1500 "instructeurs" perses opérant sur notre territoire, pourrait s’emparer de Beyrouth en trois heures, et de l’ensemble du territoire national, y compris la zone qui jouxte l’Etat hébreu, en trois jours.

 

L’armée nationale ne répond pas aux ordres du gouvernement et n’est pas en état d’opposer une résistance digne d’être prise en compte aux supplétifs de Téhéran. Elle est plus ou moins inféodée aux ordres du président de la République (ce qui est anticonstitutionnel), Michel Souleiman, son ex-commandant en chef, lui-même proche de Damas.

 

La menace d’un coup d’Etat est donc plus que réelle, ayant débuté de manière rampante.

 

Le Hezb accuse maintenant tous les Libanais coopérant avec la justice internationale de trahison, ce qui ne laisse que peu de doute sur le sort qui leur serait réservé en cas de putsch. Mais les Libanais, dans leur majorité, ne sont pas les seuls concernés par ces menaces ; en effet, un Liban qui tomberait sous la domination directe de l’axe Téhéran-Damas deviendrait une base stratégique iranienne avancée, pointant ses fusées contre l’ensemble du territoire de l’Etat hébreu et de l’Europe.

 

On comprend, dans ces conditions, la réaction de la Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, publiée hier dans le quotidien libanais Al-Nahar (Le Jour).  Madame Clinton y déclare notamment que "le Hezbollah doit cesser ses tentatives violentes visant à contrecarrer l’enquête internationale de l’assassinat, en 2005, du 1er ministre Rafic Hariri".

 

Madame Clinton a également affirmé, dans la même interview, que les armes et la technologie ne devaient pas être transférées au "mouvement" Hezbollah", et que "les intimidations et les menaces de ce dernier ne devaient pas être tolérées".

 

Mais ce samedi matin, l’approvisionnement en question se poursuivait de plus belle. Nul besoin d’images satellitaires, il suffisait, comme je l’ai fait, de faire une petite heure de voiture pour voir les nombreux camions bâchés, en provenance de Syrie et sans aucun contrôle, faire route dans la plaine de la Bekaa.

 

A qui s’adresse Hillary Clinton ? L’administration américaine ignore-t-elle encore, en dépit de toutes les leçons que ce pays a subies, que, dans cette région, l’énonciation de principes n’a jamais mis un terme aux conspirations militaires ?

 

 

Au contraire, en Orient, on interprète les paroles non suivies d’actes, telle une déclaration d’intention établissant que celui qui les profère n’a aucun projet destiné à mettre un terme à ce qu’il condamne. A Damas et Téhéran, on a déjà déduit de l’interview de la Secrétaire d’Etat qu’on a l’autorisation de poursuivre la conquête du pays aux cèdres.

 

Pour avoir un minimum de crédibilité, il aurait fallu que la ministre US des Affaires Etrangères spécifie que les Etats-Unis "ne permettraient pas" la continuation des activités séditieuses, ou "qu’ils n’hésiteraient pas à intervenir" si elles continuaient. Mais il n’y a aucune trace de contre-menaces dans l’intervention de Mme Clinton, qui, dans ces conditions, aurait mieux fait de se taire.

 

Pourtant – et vous savez qu’à la Ména nous possédons les connaissances nécessaires pour énoncer des conclusions pratiques – il ne faudrait pas grand-chose pour mettre un frein à l’action dévastatrice du Hezb et de ses commanditaires : inutile pour cela d’envoyer, pour le moment, plus de soldats, au risque qu’ils soient pris pour cibles sur notre territoire.

 

Il suffirait de déployer quelques navires face à Beyrouth, transportant des unités d’élite prêtes à intervenir à l’appel du gouvernement libanais légitime, en cas de putsch. A en croire nos amis des renseignements, cinq mille militaires américains ou européens (la France l’amie et la protectrice déclarée du Liban ?), appuyés par les escadrilles de deux porte-avions, suffiraient largement à contrer une tentative de coup d’Etat, et donc à en dissuader les ennemis avoués de l’Occident.

 

La seule condition : qu’ils soient à portée de débarquement, prêts à intervenir, car le putsch pourrait se dérouler extrêmement rapidement, et la reconquête du pouvoir s’avérerait autrement plus coûteuse en hommes que sa protection.

 

Mais ils ne sont pas là. L’Ouest dispose bien de tout ce qu’il faut dans la Méditerranée, mais ils sont stationnés beaucoup trop loin de nos côtes pour exercer une dissuasion efficace.

 

L’Europe démontre, une fois de plus, par son inconsistance sécuritaire, qu’elle est incapable de protéger ses intérêts vitaux, ce qui, malheureusement, ne constitue une surprise pour personne.

 

Contrairement à l’Europe, Washington dispose des moyens de faire respecter ses intérêts dans le monde : des centrales de renseignement correctement informées, une force armée efficace et nombreuse, la technologie nécessaire, etc.

 

Ce qui ne fonctionne pas, aux USA, c’est l’administration, elle qui a pour tâche de synthétiser l’information et de prendre les décisions politiques qui s’imposent. Et le reflet le plus saillant de cette incapacité est visible dans les atermoiements d’Hillary Clinton ; on assiste à la même inconséquence en Iran, où les Yankees se montrent incapables non seulement d’imposer leur volonté mais aussi de l’articuler, que dans la crise libanaise.

 

Face à eux, un seul et même ennemi, aux moyens militaires certes limités, mais qui sait pertinemment où il veut en venir et qui œuvre systématiquement dans ce sens.

 

On apprend également ce matin, qu’à la demande très ferme du State Department d’Hillary Clinton, les USA viennent de lever la décision judiciaire de cesser leur approvisionnement d’armes à l’Armée libanaise.

 

Les législateurs Démocrates, Nita Lowey et Howard Berman, qui avaient déposé en justice un "hold" (une main) contre la poursuite du financement de l’armement de notre armée, après sa provocation meurtrière, en août, aux confins de Métula, l’ont levé hier.

 

Cent millions de dollars d’aide à l’armement des FAL (Forces Armées du Liban) seront prochainement débloqués. Ils s’ajouteront aux neuf cent millions déjà versés depuis 2005.

 

Howard Berman a déclaré avoir reçu les garanties suffisantes quant à "la nature et l’utilisation" des moyens envisagés. En clair, cela signifie que ces fonds financeront des armes qui, théoriquement, ne peuvent pas servir aux unités supervisées par le Hezbollah.

 

Quid si la milice chiite exécute sa menace et s’empare du pouvoir ? Ca ne serait pas la première fois que l’Amérique armerait ses ennemis, voir l’Iran et le Sud-Vietnam.

 

Les éléments sains de notre armée deviendraient significatifs et participeraient efficacement au combat si des contingents amis décidaient d’intervenir pour protéger notre indépendance. Ca n’est donc pas d’argent qu’ils ont besoin, mais d’un geste clair, faisant montre d’une décision de ne pas les sacrifier en vain. En l’absence de ce geste, ces éléments, qui ne sont pas suicidaires, resteront dans leurs casernes en cas d’agression, ou, au mieux, s’essayeront à protéger, sans coordination stratégique, les communautés sunnites et chrétiennes auxquelles ils appartiennent.

 

Mais je me répète : les Occidentaux ne sont pas où ils devraient être.

 

La petite armée libanaise ne peut pas, seule, faire échec à un plan réunissant Iraniens, Syriens et miliciens supplétifs du Hezb, y compris à leurs efforts de déstabilisation, menés de l’intérieur, par d’autres militaires libanais d’origine chiite.

 

De l’extérieur, le "président" syrien Béchar Al-Assad a prophétisé que si des membres de la milice faisaient l’objet des actes d’accusation, "le Liban pourrait être déchiqueté". Il sait de quoi il parle, puisque c’est lui qui arme et commande les déchiqueteurs ! Il semble que l’Amérique soit sourde, muette et aveugle pour ne pas saisir ce qui se trame et réagir adéquatement.

 

Cela rappelle la situation créée par l’acte d’accusation du tribunal international : ce ne sont pas des Libanais qui l’auront dressé, et son émission peut-suffire à nous faire massacrer. Cela démontre de façon cruelle que notre avenir n’est pas entre nos mains, et que nos amis qui le gèrent sont lâches, autodestructeurs et inconséquents.   

 

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