L'opposition décrète l’escalade, la Tunisie risque la paralysie !
Troïka et opposition n’ont pas l’air de s’apprêter à s’asseoir à la table de négociations pour étudier les voies et moyens à même de soustraire le pays de cette impasse politique qui s’éternise. A l’inverse, la discorde entre les deux parties ne cesse de s’approfondir, a fortiori après les trébuchements du processus des négociations indirectes mené par le quartette, UGTT en tête. Un échec pour certains. Hassine Abassi s’est réfugié dans le ni, ni. "Ce n’est ni un échec, ni une réussite", a-t-il souligné vendredi dernier, en imputant la responsabilité de l’absence d’une sortie de crise à la troïka, "qui n’a pas fait assez de concessions". Le SG de la centrale syndicale a mis néanmoins un bémol, en promettant une nouvelle conception des quatre organisations parrainant le dialogue en vue d’une sortie de crise. Une annonce vague que le bâtonnier du conseil de l’ordre des avocats a explicitée ce lundi. Mohamed Fadhel Mahfoudh a exclu toute nouvelle conception du quartette, et tout changement dans leur initiative initiale, il s’agit tout juste d’un changement de forme, a-t-il précisé dans une déclaration relayée par les radios locales.
Parallèlement, le front de salut national décrète l’escalade, et compte augurer ce lundi un nouvel épisode de son mouvement contestataire, en jetant l’ancre dans l’esplanade de la Kasbah. L’opposition veut atteindre à traves le Kasbah 4, ce qu’elle n’a pas réussi à obtenir via le sit-in du départ du Bardo, qui se poursuit depuis des semaines. Avec ces deux sit-in organisés de pair, les instigateurs du mouvement du départ souhaitent conférer une portée nationale à leur action. Hamma Hammami, porte-parole du front populaire, a appelé samedi, jour de la commémoration du 40ème jour du décès du martyr Mohamed Brahmi, à la mobilisation populaire générale, ponctuée par des manifestations et des sit-in dans toutes les régions du pays, "pour protester contre les pratiques de la troïka au pouvoir". Les députés dissidents, eux, annoncent leur intention d’entamer une grève de la faim, comme "réponse forte" à ce qu’ils appellent "l’obstination de la troïka".
Cette escalade est décrétée, à une semaine de la rentrée scolaire, qui risque d’être perturbée, si la tension n’est pas désamorcée. Un espoir qui paraît encore lointain, au vu de ce bras de fer engagé entre deux entités qui évoluent en vase clos ; affichant deux positions diamétralement opposées.
L’opposition brandit le slogan du sauvetage du pays, et compte sur la mobilisation populaire pour concrétiser ses revendications et faire chuter le gouvernement actuel. La coalition tripartite au pouvoir voit dans cette démarche "une tentative de semer l’anarchie et d’entraver le processus transitoire et la tenue des prochaines élections", et réitère son refus "de céder le pays en cette période critique émaillée de défis".
On ne le répétera jamais assez, cette crise est extrêmement préjudiciable pour le pays, qui est aux prises avec des difficultés colossales d’ordre économique, social et sécuritaire. Par sa radicalisation, l’opposition cherche à mettre à mal la troïka, et à obtenir le départ du cabinet d’Ali Laâridh. Ses actions, prévoyant sit-in et manifestations tous azimuts, donneront indéniablement du fil à retordre à la coalition au pouvoir, mais risquent de conduire, ce qui est le plus redoutable, à la paralysie d’un pays éreinté et fragile.
La troïka n’a pas intérêt, pour sa part, que les choses dégénèrent. C’est elle qui assumera les conséquences des éventuelles déconvenues, étant aux commandes. Elle n’a d’alternative que d’amadouer ses adversaires et de leur donner les garanties nécessaires pour les amener à la table de dialogue.
Les litiges politiques doivent être réglés dans le cadre des institutions et autour de la table des négociations, et non dans la rue. La classe politique est capable aujourd’hui de dialoguer, de parvenir au consensus et de mettre un terme à ce climat délétère, pour peu que le volontarisme soit affiché des deux côtés. La fuite en avant n’est dans l’intérêt d’aucune partie, encore moins dans celui de la Tunisie.
La majorité silencieuse est lasse de cette crise dont le prolongement parait artificiel, et qui est source de dilapidation des moyens et des énergies de la Tunisie. C’est un très mauvais signe que d’entamer une rentrée administrative, scolaire, universitaire et politique par un tel blocage, alors que le pays est dans une situation telle, que le travail et l’effort sont demandés à tous pour franchir ce cap difficile. Les acteurs politiques ont le droit de vouloir déloger l’adversaire pour accéder au pouvoir, mais cela doit se faire selon une logique de rivalité démocratique et civilisée, dont le cheminement naturel est celui des urnes. Les politiques ont assez badiné avec l’intérêt national, à un moment, il faut savoir dire stop.
H.J.
L'opposition décrète l'escalade, la Tunisie risque la paralysie !
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