Maurizio Valenzi - Le Tunisien, Peintre et Ancien Maire de Naples
Dans leur livre-entretien « Une mémoire locale, Naples et son Maire : Maurizio Valenzi », (PUF, 1ère édition 1980), Massimo Ghiara et Lucien Sfez révèlent des facettes inconnues de sa « lutte continue »: un double éclairage merveilleux sur la Tunisie des années 30 en lutte contre le fascisme et l’occupation et Naples, juste après la guerre jusqu’à la conquête de sa mairie en 1975 et les premières moissons. Et en toile de fond, le parcours d’un militant communiste qui s’accrochait à son engagement comme unique planche de salut pour vaincre le nationalisme totalitaire et construire « un lendemain meilleur ».
Sans se départir de sa modestie légendaire et avec beaucoup de pudeur, Valenzi raconte ses souffrances sous les supplices, ses années de prison, la découverte de Naples à peine libérée, mais croulant sous la pauvreté, la malnutrition, les systèmes parallèles, le chômage et l’insalubrité. Il évoque les grands hommes politiques qu’il a connus, les vagues de violences terroristes subies par l’Italie et son action au sein de la ville. Napolitain irréductible, il était demeuré très tunisien. Carlo Uzan nous en rappelle le parcours.
Un talent artistique confirmé
Né à Tunis le 16 Novembre 1909 dans une famille d’origine Livournaise, Maurizio Valenzi débute son activité de peintre en fréquentant pendant quelques années l’Académie des beaux-arts de Tunis dirigée, alors, par le professeur Vergeaud. Avec Antonio Corpora, Loris Gallico et Jules Lellouche il adhère aux mouvements de la peinture cubiste et surréaliste. Il expose ses premiers tableaux au Salon Tunisien et puis à Rome, Paris, Tunis dans des expositions collectives avec Moses Levy, Boucherle, Louis Ronco.
Dans les années 30, il ouvre un atelier à Rome et rencontre Carlo Levi, Fausto Pirandello et Adriana Pincherle. Rentré à Tunis en juin 1932, il adhère au Parti Communiste; dans le sud du pays, dans la zone de Chaffar il active la lutte syndicale des paysans arabes contre les propriétaires européens. C’est la qu’il achève un grand nombre de toiles (qui seront par la suite perdues) qui illustrent la vie des bédouins de la tribu Zlass.
En 1937, il est à Paris où il collabore à "La Voce degli Italiani" dirigée par Giuseppe di Vittorio. Pendant cette période – c’était l’époque du Front Populaire – il rencontre plusieurs hommes de la nouvelle culture française, comme Tristan Tzara, Paul Eluard, Aragon, André Wursmer, J. R. Bloch, tout en étudiant l’œuvre des impressionnistes et de l’école de Paris.
Les années de braise
En novembre 1941, il est arrêté, en Tunisie, avec d’autres communistes et antifascistes Italiens et enfermé dans le camp de concentration du Kef; Jugé pour "atteinte à la sûreté de l’Etat, il est soumis à "la question" par la police de Vichy. Il est transféré dans différentes prisons tunisiennes et algériennes et notamment au pénitentier de triste mémoire,Lambèze (où son compagnon de geôle n'était autre que le grand militant, Bahi Ladgham); plusieurs portraits dessinés pendant cette période serviront à l’inspiration des tableaux peints à Naples au début des années 70.
Une passion : Naples
En 1944, en violant l’interdit des autorités françaises et alliées, il revient en Italie; À Naples, dirigeant de la Fédération napolitaine du PCI, il entre dans le comité de libération nationale. À partir de ce moment-là, il devient un personnage incontournable de la vie politique napolitaine et nationale. À partir de 1952, il est élu conseiller provincial pendant 3 législatures, de 1952 à 1968, il est aussi élu au Sénat.
Après une longue pause dans son activité d’artiste – d’ailleurs jamais complètement abandonnée – il reprend la peinture en 1971. C’est à partir de cette date qu’il réalise plusieurs expositions personnelles. En 1975, Maurizio Valenzi est élu Maire de Naples. Il accomplit cette mission pendant huit ans; en 1984, il est élu au Parlement Européen.
Il consacrera les dernières années de sa vie à la peinture.
Un grand nom de la peinture tunisienne (l’Ecole de Tunis), mais rendu célèbre, surtout, par ses écrits journalistiques, son combat antifasciste et surtout la conquête de la Mairie de Naples au lendemain de la deuxième guerre mondiale : Maurizio Valenzi, nous a quittés le 23 juin 2009. Tunisien de naissance et de cœur jusqu’à son dernier soupir, il avait jeté entre les deux rives un pont d’amitié, de coopération et d'échanges intenses, dans la discrétion et le dévouement.
Maurizio Valenzi a été :
Commentaires
Je vous felicite pour l'hommage que vous avez rendu a Maurizio Valenzi. J'ai eu l'honneur de le connaitre et de beneficier de son amitie alors que j'etais Ambassadeur de Tunisie en Italie.
Il m'a souvent recu chez lui dans son appartement a Naples, presente a des membres de sa famille et introduit aupres plusieurs de ses amis dont SE Napolitano, qui est aujourd'hui le President de la Republique Italienne.
L'amitie affectueuse qu'il portait a la Tunisie etait sans cesse presente dans nos discussions et les magnifiques tableaux qu'il a consacres a la lutte pour la liberation de la Tunisie temoignent de son attachement au pays qui l'a vu naitre. Il m'a d'ailleurs offert et dedicace plusieurs lithographies.
J'ai eu la satisfaction de lui exprimer un peu de la reconnaissance de la Tunisie en lui presentant une Decoration nationale lors d'une ceremonie organisee a la Residence de Tunisie a Rome....et de contribuer a l'organisation d'une exposition de ses oeuvres.
Merci pour cet hommage a Maurizio.
Azouz Ennifar
a_ennifar@yahoo.fr
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