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Netanyahou : politique spectacle ou dramatisation, par Jacques Benillouche

 

Netanyahou : politique spectacle ou dramatisation

par Jacques Benillouche

 

Benjamin Netanyahou s’est servi, à l’étonnement général, du dessin d’une bombe à la tribune de l’ONU. Élevé aux États-Unis, il en utilise tous les ressorts, même la politique spectacle, quitte à dramatiser la situation à outrance. Le problème de l’Iran est certes le problème le plus aigu auquel Israël doit faire face mais nous étions habitués à des premiers ministres israéliens discrets qui traitaient les affaires dans le secret du Cabinet de sécurité d’où rien ne transpirait et qui ont permis à Israël de lancer ses attaques surprises, avec à la clef, un succès absolu.  

Siècle de la communication

Nous vivons certes dans le siècle de la communication mais, à trop abuser des menaces, on risque de démobiliser la population israélienne si elles ne sont pas suivies d’actes concrets. D’ailleurs, selon un dernier sondage, elle ne croit plus à 70% à une attaque israélienne contre l’Iran. La guerre de 1967, l’attaque de la centrale Osirak en Irak, la destruction de l’usine nucléaire syrienne et même l’action de sauvetage d’Entebbe se sont effectuées dans le silence des dirigeants israéliens et dans un secret qui n’a pas transpiré jusqu’aux médias.    
 

Ce discours rejoint la cacophonie des déclarations des dirigeants sécuritaires israéliens, qui ont occupé les plus hauts postes sensibles et qui suivent l’exemple suprême pour se lancer, en dehors de tout devoir de réserve, dans des déclarations visant souvent à contredire le premier ministre. Ce fut certes un beau discours de Netanyahou à la tribune de l’ONU mais on n’élimine pas la menace avec des phrases bien faites d’autant plus que le premier ministre israélien détient tous les secrets militaires de l’État qui lui permettent de juger de la réalité du danger iranien.

 

Programme nucléaire touché

En effet, selon le chef de l'organisation iranienne de l'énergie atomique, Fereydoun Abbasi Davani, les lignes électriques à haute tension alimentant le site  nucléaire souterrain de Fordo ont été endommagées par  des explosifs en août. Une action identique avait eu lieu sur les lignes électriques du site de Natanz. Ce sabotage tend à démontrer que le site de Fordo, enfoui sous une montagne, n'est pas immunisé contre une action militaire. Les services de renseignements estiment donc que la ligne rouge est déplacée jusqu’au troisième trimestre 2013.   

En fait, le danger immédiat est aux portes des frontières d’Israël car le 16 septembre, le général en chef des Gardiens de la révolution, Ali Jafary, avait annoncé que les brigades iraniennes El-Quods avaient atterri non seulement en Syrie, mais aussi au Liban et qu’elles essayaient de s’approprier les armes chimiques syriennes. Deux divisions de Tsahal sont d’ailleurs sur le pied de guerre au nord d’Israël. 

 

 

       En fait cette mise en scène ne s’adressait nullement à l’Iran mais aux États-Unis, et plus précisément à Barack Obama qui reste très attaché à sa diplomatie malgré la mise en garde de Netanyahou sur le danger imminent iranien. Négligeant les précédents échecs, Hilary Clinton a encore annoncé un autre cycle de négociations nucléaires avec l'Iran. Benjamin Netanyahou cherche à justifier son opposition au président américain qui refuse de fixer à l’Iran des «lignes rouges» et qui qualifie de «bruit» les appels d’Israël à dicter des ultimatums à l’Iran. Il est pressé par de nombreux dirigeants juifs américains et israéliens de se réconcilier avec le président Barack Obama alors que lui joue ouvertement la carte Romney.

 

Huis clos

C’est la première fois qu’un premier ministre prend position dans une élection américaine. L’opposition israélienne peste contre cette politique-spectacle qui n’a pas convaincu Obama  de changer de position. La chef de l’opposition travailliste Shelly Yehimovitch a ainsi déclaré : «Nous aussi, nous souhaitons que des lignes rouges soient fixées, mais il faut le faire entre quatre yeux et à huis clos avec les Américains. Pour cela, il faut rétablir de bonnes relations avec les États-Unis et mettre fin à la crise».
 

Le responsable de Kadima, Chaoul Mofaz, a lui aussi insisté pour rétablir des relations normales avec Washington : «Netanyahou a fait un beau dessin, mais il n’a pas tracé une feuille de route efficace pour arrêter le programme nucléaire iranien. Il faut arriver à un accord discret avec les américains sur les lignes rouges avec les États-Unis». Comme tous les autres analystes,  nombreux sont les hommes politiques qui s’alarment de l’isolement dans lequel tend à s’enfoncer Israël.
 

Le risque est grand de voir Netanyahou se déconsidérer s’il n’agit pas au terme de cette date butoir. En effet en déclarant que, «au rythme où ils poursuivent actuellement l’enrichissement, les iraniens pourront passer à l’étape finale au printemps prochain, au maximum l’été prochain», Netanyahou a certes usé de dramatisation de la situation mais sa politique spectacle dérange car nous avons été habitués à de la discrétion et au secret. Ces rodomontades en pleine lumière ouvrent une nouvelle ère de communication dont l’efficacité reste à démontrer. La situation est bien sûr grave mais Israël ne doit pas imiter les plus mauvais communicateurs.  

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