Ovadia Yossef, une autorité rabbinique charismatique et un leader controversé
Nathalie Hamou
Qui aime bien, châtie bien. Au terme de chacune de ses « consultations », le Rav Ovadia Yossef a pour habitude de bénir son visiteur en lui donnant une claque amicale sur la joue. Une marque de fabrique pour l'ancien grand rabbin d'Israël d'origine irakienne, reconnaissable à sa toge noire brodée d'or et ses lunettes fumées. Le rabbin vénéré s'est d'abord imposé comme l'une des principales autorités dans le domaine de la Halacha (loi juive) et des études talmudiques. Depuis trois décennies, Ovadia Yossef sert surtout de leader spirituel au parti ultrareligieux séfarade Shaas (créé en 1984), associé à la plupart des coalitions au pouvoir à l'exception notable de l'actuelle configuration politique sortis des urnes en janvier dernier.
Un ex-Grand rabbin qui a suscité la polémique
Né à Bagdad en 1920, celui qui immigre avec sa famille en Palestine sous mandat britannique à l'âge de quatre ans, gravit tous les échelons de la carrière rabbinique, et occupe le poste de juge d'un tribunal religieux de Jérusalem, avant d'être élu Grand rabbin sépharade d'Israël en 1973. Un mandat marqué par d'importantes tensions avec son homologue ashkénaze, Shlomo Goren. De fait, Ovadia Yossef s'est battu pour améliorer le statut des Juifs orientaux (NDLR : originaire d'Afrique du Nord, au statut socio-économique généralement inférieur) face à l'hégémonie des Juifs Ashkénazes tant sur le plan social que dans le monde de la Torah.
En 1990, Ovadia Yossef a par ailleurs utilisé sa position de leader spirituel de Shass pour pousser le premier ministre Itzhak Shamir (du parti de droite Likoud) à négocier avec les Etats arabes pour trouver une solution au conflit israélo-palestinien. En vain. Il s'est ensuite rapproché du leader du parti travailliste, Shimon Pérès, dans le même but. Seulement voilà : ce sage de la Torah qui fait l'objet d'un culte fervent est loin de faire l'unanimité. Pour Ben Dror Yemini, du quotidien israélien Maariv, un éditorialiste qui ne peut être taxé d'être antireligieux, « cette personnalité qui pèse tant sur l'agenda israélien n'est pourtant qu'un raciste, doublé d'un misogyne patenté ». « C'est ça, l'homme chez qui tous les dirigeants israéliens, à de rares exceptions, se précipitent pour obtenir quelque insigne faveur ? », s'étonne-t-il ?
Ses propos - parfois mal interprétés - ont il est vrai suscité la polémique. Lorsqu'il a comparé les Palestiniens (qui soutiennent le terrorisme) à les serpents ; qu'il a souhaité la mort du président de l'autorité palestinienne, Mahmoud Abbas ; qu'il a décrit les non-Juifs comme étant « nés seulement pour servir [les Juifs] » ; ou encore lorsqu'il affirmait en août 2012, lors d'un sermon hebdomadaire, que les Juifs doivent prier pour l'anéantissement de l'Iran.
Enfants stars
Parmi les onze enfants d'Ovadia Yosef, deux ont réussi à se faire un prénom. Son plus jeune fils, Yitzhak Yosef, qui dirige une école talmudique, est en effet candidat au poste de rabbin en chef séfarade qui doit être désigné mercredi 24 juillet par un collège de grands électeurs. Et ce, après que son grand frère, Avraham Yosef, rabbin en chef de la ville de Holon (au sud de Tel Aviv), soupçonné d'abus de confiance.
Mais c'est surtout Adina Bar Shalom, la fille aînée du leader spirituel de Shass, qui est sortie du lot, en empruntant la voie de la modernité. Celle qui doit, à quatorze ans, subir la volonté paternelle, et interrompre ses études générales pour apprendre la couture, a fondé en 2001 le Collège Haredi de Jérusalem. Cette institution dispense une véritable formation académique à plus de 1200 étudiants issus du monde ultra-orthodoxe, en permettant aux hommes et aux femmes d'étudier dans des classes séparées.
But de la manœuvre : aider les « haredim » (ultra-orthodoxes) à améliorer leur situation socio-économique, mais aussi leur image au sein du pays. « Certes la plupart des hommes en noir étudient la Torah et ne servent pas dans l'armée. Mais la société israélienne reproche au monde haredi d'être responsable de tous ses maux. On nous regarde comme une communauté oisive, qui ne paye pas son tribut à l'État : j'ai souhaité corriger cette perception », pointe Adina Bar Shalom.
Mère de trois enfants (la moyenne est de six dans la communauté ultra-orthodoxe, cette forte tête qui s'est fait un point d'honneur à habiter à Tel-Aviv, le bastion des « laïcs », a fait parler d'elle en paraphant en avril 2011 l'initiative israélienne pour la Paix. Un projet de résolution du conflit israélo-palestinien sur la base de l'initiative arabe de 2002. Dans la foulée, elle se rend à Ramallah à la rencontre de Mahmoud Abbas, avec les signataires.« Je ne suis pas plus de gauche que Bibi Netanyahou, confie l'intéressée avec malice.Simplement, je dispose de plus d'indépendance. Et mon père n'était pas au courant ! »
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