La communauté juive sidérée
Par Stéphane Kovacs
Après les débordements survenus samedi dans le quartier de Barbès et dimanche à Sarcelles, la communauté juive de France est sous le choc.
Je craque
«Comment des politiques, des journalistes, des intellectuels peuvent-ils rester tranquillement assis quand on entend crier “mort aux Juifs” dans les rues de Paris?» Après les violences antisémites qui ont émaillé des rassemblements pro-palestiniens ce week-end en Ile-de-France, la communauté juive de France est sous le choc: «angoissée», «dévastée», «sidérée». Au bureau de l'Agence juive, chargée de faciliter l'«Alya», le téléphone n'arrête pas de sonner. «Pour 2014, on devrait enregistrer un nombre record de départs des Juifs français vers Israël depuis sa création en 1948, indique Ariel Kandel, le directeur. On va sûrement dépasser les 5000 personnes. En 2013, ils étaient déjà 3300, en hausse de 73% par rapport à 2012. Il y a le facteur du climat antisémite, mais aussi celui du climat économique…»
Même constat chez Victor Malka, directeur de publication du journal du consistoire Information juive : «Samedi à la synagogue, on ne parlait que de faire les valises!, raconte-t-il. On a le sentiment que tout cela n'est qu'un début, que cela va aller en se radicalisant et que les Juifs de France n'auront plus que cette perspective.» Effrayés par le «caractère décomplexé de l'expression antisémite», de nombreux jeunes couples, expliquent les représentants de la communauté juive, ont désormais peur de mettre leurs enfants dans des écoles ou des colonies de vacances juives. «Face à l'indifférence de la société civile, on sent une vive inquiétude des familles sur leur capacité à avoir une vie identitaire paisible en France», poursuit Ariel Kandel. «Nous nous posons des questions sur la capacité de la République à protéger ses citoyens, explique de son côté Sacha Reingewirtz, président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF). Nous attendons du gouvernement qu'il nous apporte pas seulement des réponses sécuritaires, mais de vraies propositions pour retrouver du “vivre ensemble” dans nos quartiers, nos universités.»
«Samedi à la synagogue, on ne parlait que de faire les valises! On a le sentiment que tout cela n'est qu'un début, que cela va aller en se radicalisant»
Victor Malka, directeur de publication du journal du consistoire Information juive
L'intervention israélienne à Gaza? Un «prétexte». «Personne n'est dupe de l'instrumentalisation de ce conflit», réagit le grand rabbin de France Haïm Korsia. «Visiblement, il y a des actions concertées un peu partout dans la région parisienne contre les Juifs, le prétexte c'est le conflit du Proche-Orient», s'émeut le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Roger Cukierman, qui dénonce des «actes terroristes». «Des groupes fanatiques sont à l'œuvre, précise un communiqué du Crif. Nous refusons qu'une logique djihadiste s'installe dans nos quartiers populaires et cible les Juifs de France aujourd'hui, comme demain l'ensemble de la République. Les Juifs de France sont les sentinelles de la République. S'attaquer à eux, c'est mettre en péril les fondements mêmes de notre société.»
Tandis que Haïm Korsia appelle à «une réaction collective et des paroles d'apaisement», Alain Jacubowicz, président de la Licra, réclame un «plan Marshall», «impliquant les travailleurs sociaux, les élus locaux, l'Éducation nationale…» et avec des «moyens lourds pour recréer le lien social». «On est assis sur une poudrière!, s'exclame-t-il. Une nouvelle affaire Merah ou Halimi? Aujourd'hui, tout semble possible. La porte est ouverte au pire.»
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