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Qu’aurait pensé Bourguiba d’Amina ?

Qu’aurait pensé Bourguiba d’Amina ?

 

 

 

 

Curieux, tout de même, qu’Amina et ses camarades européennes venues à sa rescousse aient presque réussi à faire l’unanimité contre elle, en Tunisie. Que les islamistes se braquent, que les Tunisiens les plus conservateurs s’érigent contre le phénomène Femen n’est pas vraiment une surprise.

Mais que des membres de partis dits «modernistes», des activistes soi-disant progressistes, l’attaquent délibérément est tout de même un peu plus décevant, à l’heure où Amina encourt jusqu’à deux ans de prison ferme, en comparaissant, ce jeudi 30 mai, devant le Tribunal de Kairouan.

Certes, le geste est provocateur. Que des femmes puissent se dénuder la poitrine dans des lieux publics n’est pas toujours bien reçu, en Tunisie, comme ailleurs sur une planète où le pouvoir reste masculin. De bons samaritains ont du reste fait circuler sur les réseaux sociaux des photos de Femen sanguinolentes, tabassées par une foule en colère, dans certains pays d’Europe de l’Est. Mais… La provocation n’est-elle pas l’un des instruments de prédilection des activistes politiques ? A cet égard, ceux qui se disent bourguibistes sont bien mal placés pour donner des leçons de conformisme social, à défaut de jouer ouvertement les pères la morale.

Non que le «Combattant Suprême» ait encouragé l’exhibitionnisme. Mais d’une certaine manière, il a poussé bien plus loin la provocation quand, en mars 1964, il a bu publiquement un verre de jus d’orange en plein Ramadan, exhortant dans l’un de ses discours la population à rompre le jeûne pour contribuer au «djihad» contre le sous-développement. Ce faisant, en tant que président de la République, il prenait un risque inouï, celui de se mettre au ban des dirigeants islamiques, et de s’exposer à une fronde populaire généralisée. Et ce n’était pas la seule fois où il prenait des libertés avec la rigueur religieuse. En décrétant le Code du Statut Personnel, en autorisant l’avortement, bref, en faisant accéder la femme tunisienne à la citoyenneté, il ébranlait les piliers d’un machisme multiséculaire, sur lesquels était pourtant bâti tout l’édifice sociétal.

Sauf que Bourguiba, lui, ne caressait pas les Tunisiens dans le sens du poil, et pouvait se targuer d’avoir le courage de ses opinions. Ce qui n’est pas nécessairement le cas de ceux qui disent aujourd’hui s’inspirer de son exemple. Engoncés dans leurs petits calculs électoraux, les «modernistes» sont terrorisés à l’idée de perdre les quelques points d’avancelaborieusement marqués grâce à l’incurie du camp adverse. Pis : ils reprennent à leur compte les arguments les plus réactionnaires pour justifier une lâcheté qui veut regarder ailleurs, pendant que les femmes, les vraies, s’exposent à tous les dangers.  

Qu’aurait pensé Bourguiba d’Amina ?

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Sous Bourguiba nous n'aurions jamais entendu parler d'Amina.Elle n'aurait pas eu besoin de mener son action de sauvegarde.

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