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Qu’est-ce que la kabbale ?

 

Qu'est-ce que la kabbale ?

Matthieu Mégevand

 

C’est un nom qui a souvent été associé aux stars, en particulier aux Etats-Unis, de Madonna à Victoria Beckham en passant par Britney Spears... La kabbale a longtemps été considérée comme la "religion" à la mode, dont on ne sait finalement pas très bien s’il s’agissait d’une secte dangereuse ou simplement d’un courant mystique minoritaire du judaïsme. Qu'en est-il vraiment?

 

 

Dans son dernier livre, La Kabbale, Maurice-Ruben Hayoun, spécialiste de la philosophie et de la mystique juive, propose -loin des paillettes, des stars et de leurs excentricités- une introduction très claire et très complète à cette mystique largement méconnue. Il s’agit finalement de répondre à cette question apparemment simple mais en fait éminemment complexe : qu’est-ce que la kabbale?

La "tradition authentique"

Maurice-Ruben Hayoun répond, dès les premières pages : "Au fond, cette littérature exégétique d’un type assez particulier qu’on nomme kabbale ou mystique juive, tente, comme dans les autres religions monothéistes de rendre compte, à sa façon, de la divinité, de la question du monde (émanation ou création ?) et de la destination de l’homme. Mais c’est bien Dieu et le mystère de la foi qui occupent la place centrale. […] Et pour apporter des réponses à toutes ces questions, la kabbale s’écarte des voies de la philosophie à laquelle elle s’était, à l’origine, fortement opposée, mais qu’elle tentera aussi, plus tardivement, d’assimiler en la repensant dans un esprit conforme au sien".

Ce qu’il faut rappeler d’abord, c’est que la Bible hébraïque n’est pas intrinsèquement un livre mystique. Pourtant, à partir du XIIe siècle, un courant va commencer à développer une nouvelle approche des écritures juives, en tentant de révéler le sens ésotérique derrière l’obvie, apportant des interprétations inédites des textes sacrés. Le secret de la réussite de la kabbale, explique Maurice-Ruben Hayoun, c’est qu’elle n’a pas tenté de mettre à mal l’armature rabbinique du judaïsme mais s’est contenté de l’approfondir, de mettre à jour des éléments dont on ne soupçonnait pas l’existence - kabbale vient d’ailleurs de kabbalah, la "tradition authentique".

Ainsi, les théoriciens de la mystique juive n’ont, par exemple, jamais négligé, malgré leur interprétations ésotériques, la piété traditionnelle telle que la prière ou les fêtes sacrées. L’une des raisons de l’émergence de la kabbale au sein du judaïsme médiéval est d’abord lié à la volonté de répondre et de contrer la philosophie telle qu’elle était propagée par Maimonide par exemple. Il s’agissait pour les mystiques de lutter contre les dangers de l’abstraction et de l’intellectualisation du judaïsme.

(Re)découvrir le divin

A la place, les mystiques ont élaboré des textes, comme le Sefer Ha-Bahir et plus tard le Zohar, monument d’exégèse mystique considéré comme la "Bible de la Kabbale", dans lesquels des doctrines et des interprétations mystiques et gnostiques aussi denses que complexes ont vu le jour. Parmi celles-ci, la transmigration des âmes, la science des Lettres, et surtout l’élaboration des sefirot et de l’En-sof. Toutes ces doctrines, tous ces thèmes mystiques sont absolument impossible à résumer de manière succincte, et nécessiteraient de longs développements théoriques. Pour autant, on peut, en raccourcissant à l’extrême, relier ces concepts à la nécessité insatiable pour les kabbalistes de (re)découvrir le divin.

Autrement dit, le sens ultime des interprétations de la mystique juive est bien celui de trouver la voie qui mène à Dieu, qui le rend accessible. La kabbale a connu de nouveaux développements au fil des siècles. Ainsi, au XVIe siècle, avec Isaac Louria à Safed, qui préconisait une mystique méditative, puis chez les auteurs hassidiques du XVIIIe. Parallèlement, l’Europe et des auteurs chrétiens comme Pic de la Mirandole ou Jean Reuchlin vont se servir de la mystique juive pour redéfinir leur compréhension de la religion chrétienne et de la Trinité en particulier.

Plus largement, c’est tout le judaïsme rabbinique qui a été influencé par la kabbale, parfois même de manière inconsciente. Et aujourd’hui encore, "les kabbalistes autoproclamés ou se reconnaissant comme tels sont peu nombreux en comparaison de ceux qui le sont sans en être vraiment conscients" déclare enfin Maurice-Ruben Hayoun.

Pour aller plus loin

Maurice-Ruben Hayoun, La Kabbale, Ellipses, 504 p., 28 €

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