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Quel mois de 1967 ?

 

Quel mois de 1967 ? (info # 012405/11) [Analyse]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

Bon, il existe en apparence un différend majeur entre l’administration Obama et le gouvernement hébreu. Ce point d’achoppement a trait à des divergences quant à la relation appropriée entre les frontières qui séparaient la Jordanie d’Israël jusqu’au 4 juin 1967, et la base de négociation qu’il convient d’adopter afin de délimiter celles censées séparer l’Etat d’Israël et un Etat de Palestine à naître.

Ceux qui suivent l’actualité moyen-orientale, et, partant, les péripéties du voyage de Benyamin Netanyahu aux Etats-Unis, sont au courant du désaccord qui prévaut à ce sujet entre le 1er ministre israélien et le Président Obama.

En fait, c’est le discours sur la stratégie des USA au Moyen-Orient, prononcé par le pensionnaire de la Maison Blanche au Département d’Etat jeudi dernier, qui est à l’origine de la bisbille. Pour la première fois, un président des Etats-Unis en exercice y a énoncé "que les frontières entre Israël et la Palestine devaient être basées sur celle de 1967, et comprendre des échanges de territoires par consentement mutuel, de façon à permettre l’établissement de frontières sûres et reconnues pour les deux Etats".

La réponse de Netanyahu ne s’est pas fait attendre ; le 1er ministre a insisté sur le fait que Barack Obama devrait s’abstenir de demander à Israël de se retirer sur des frontières "indéfendables". Il a précisé que les moyens de faire la guerre ayant changé depuis 1948 ; la frontière qui pouvait garantir la sécurité de son pays à l’époque, ne pourrait plus remplir cette fonction aujourd’hui, rejetant ainsi la validité de la vision sécuritaire des frontières de 67 dans la déclaration d’Obama.

Le président du Conseil israélien a ajouté que ladite frontière, prônée par Barack Obama, laissait "une large portion de la population israélienne de Judée et Samarie hors des limites de son pays".

A croire le New York Times, l’intervention du président US a immédiatement donné lieu à une conversation téléphonique houleuse entre Hillary Clinton et Bibi Netanyahu, au cours de laquelle le dernier cité aurait "réagi avec colère" aux propos tenus par l’homme le plus puissant de la planète.

Un haut responsable du Département d’Etat à Washington a déclaré vendredi, que le Président "était déçu" par la réaction du 1er ministre, auquel il reprochait de commettre l’erreur de ne pas considérer sa politique moyen-orientale dans son entièreté, et, particulièrement, l’alternative que cette politique offrait face à l’adoption unilatérale de l’Etat palestinien, en septembre à l’ONU.

Quant aux dirigeants européens, Catherine Ashton en tête, suivie indépendamment par la quasi-totalité des chancelleries du Vieux Continent, au Quartette et au Secrétaire des Nations-Unies, Ban Ki-moon, ils ont applaudi des deux mains la position prise par le premier américain.

Les ministres des Affaires Etrangères polonais et français se sont distingués dans la foule des acquiesçants, qualifiant de "message courageux que nous soutenons", l’assertion d’Obama, et révélant, pleins de modestie, que "Barack Obama avait fait ce que l’Europe tentait de le convaincre de faire".

Moon a appelé les dirigeants israélien et palestinien à saisir la "fenêtre d’opportunité" qui se présentait afin d’aboutir à la solution des deux Etats. A la Ména, si l’on voyait effectivement une telle fenêtre jusqu’à la récente signature de l’accord de réconciliation du Caire, entre le Fatah et le Hamas, nous nous faisons désormais du souci au sujet de la perspicacité politique du Secrétaire de l’ONU. Il regarde par une fenêtre dont les volets sont fermés, et nous décrit l’horizon.

En dépit des mauvais augures, de la défiance et de l’antipathie personnelle que se vouent les deux hommes, la rencontre entre Obama et Netanyahu, le même vendredi, dans le Bureau ovale et face à la presse, s’est beaucoup mieux déroulée qu’on pouvait le prévoir.

A cette occasion, le 1er ministre a cessé de faire usage du langage diplomatique pour opposer une fin de non-recevoir. Et l’affreux Yvette Lieberman a raison de prétendre que l’écrasante majorité des Israéliens, sont, pour une fois, d’accord avec Bibi. Encore n’est-ce pas sur le fait que "la frontière de 1967 ne devrait pas servir de base aux négociations", non, ça n’est pas exactement la raison.

C’est sur la méthode proposée par Obama pour effectuer des modifications à ce tracé que les Hébreux ne marchent pas ! Soyez attentifs à la nuance, elle a échappé à bien des observateurs professionnels : pour les Israéliens, les trois grands blocs d’implantations doivent être rattachés à leur pays sans qu’il soit nécessaire d’échanger des territoires afin de les conserver ; tandis que dans son discours initial, Obama dit que la base de la nouvelle frontière, c’est le tracé de 67, et que toute modification d’icelui doit faire l’objet de trocs de territoires.

La différence ? Environ 3% de plus ou de moins de la surface de la Cisjordanie qui serait allouée à l’Etat de Palestine. Cela peut sembler une discussion de mesquins, mais si vous vivez à quatre dans un deux pièces, vous penserez sûrement qu’une différence de sept mètres carrés peut changer votre vie. Il est vrai que dans l’HLM qu’est l’Israël-Palestine, tous les voisins connaissent les mêmes problèmes de promiscuité.

Mais là où la pilule ne passe pas dans les gorges serrées de mes compatriotes, c’est lorsqu’ils se souviennent que, voici deux ans, Abbas et Fayyad, lors des négociations avec Tsipi Livni, avaient accepté le principe de l’établissement de la Palestine sur 97% de la Cisjordanie. Obama nous irrite parce qu’il vient de remettre trois pourcent de notre appartement à un copropriétaire qui n’en demandait pas tant, et qui, à cause du Président yankee, ne se contentera probablement plus de moins que cela.

En dépit du raffut généré par cet épisode des relations toujours tendues entre l’administration Obama et Israël, je puis vous assurer que cette passe d’armes est strictement circonscrite à ce que je viens d’écrire.

Encore que, les présidentielles américaines prenant toujours plus de place dans l’agenda du candidat-président, soucieux de ne pas laisser filer l’important "vote juif" qui lui était acquis et dont il a besoin, Obama a largement fait machine arrière.

S’exprimant devant le lobby pro-israélien AIPAC, le Président a "tenu à clarifier ses propos" de jeudi dernier. Il a dit, dans ce but, que "les Etats-Unis croient en des négociations basées sur les frontières de 1967 avec des échanges de territoires mutuellement acceptés". Mais il a tenu à préciser qu’il ne "faisait pas allusion aux frontières qui existaient LE 4 juin 1967 (le jour du déclenchement de la Guerre des Six Jours)".

Voilà qui est magistralement clarifié ! Mais à quel autre tracé de frontière Obama peut-il donc faire allusion ? Si ça n’est pas à celui d’avant le 4 juin 67, c’est alors à celui qui a prévalu à la fin de la Guerre des Six Jours, et qui prévaut encore aujourd’hui, sans accommoder le moindre centimètre carré à un éventuel Etat de Palestine.

De nuances en clarifications de ce genre, la remarque problématique du discours de jeudi a perdu beaucoup de son mordant et l’on peut douter qu’elle jouera un rôle dans de futures négociations. Si négociation il devait y avoir.

Car la question du tracé de base est actuellement sans intérêt ; c’est même à s’interroger à propos des pirouettes d’allégresse des Européens et de Ban Ki-moon : dans quel monde évoluent-ils ? Israël n’entamera aucune discussion sérieuse avec les Palestiniens tant que le Hamas fera partie du gouvernement de l’AP, ou tant qu’il ne cessera pas d’être le Hamas – lisez, tant qu’il ne reconnaîtra pas le droit d’Israël à l’existence.

D’un point de vue de stratégie politique, l’Etat hébreu ne possède pas d’autre choix ; accepter le retour du Hamas en Cisjordanie, après avoir tant fait, en collaboration totale avec l’Autorité Palestinienne, pour l’en chasser, participerait d’une politique suicidaire, qui n’entre pas en ligne de compte.

On peut, à ce propos, s’étonner des Etats occidentaux qui envisagent encore – après l’accord du Caire – de voter pour l’établissement d’un Etat palestinien à l’Assemblée Générale. Dans l’état actuel des choses, endosser la création d’un Etat Hamas-Fatah aux portes de Tel-Aviv, dans lequel les islamistes éradicationnistes ont de grandes chances de prendre le dessus (même au terme d’un processus démocratique), équivaut à plébisciter la destruction d’Israël. Et cela, c’est moi qui tiens à le clarifier à ma façon, qui diffère de celle du président des Etats-Unis !

Dans le cas spécifique de la France et de M. Sarkozy, ce dernier ferait bien de réaliser rapidement qu’il entre lui aussi en période électorale, et que, dans la dichotomie qui prévaut objectivement dans l’Hexagone à propos du Moyen-Orient, il est arrivé à l’Elysée en qualité de champion du parti des Français pro-israéliens ; une portion de l’opinion terriblement sous-estimée, car elle est également sous représentée dans les media tricolores, presque unanimement antisionistes.

S’il persiste à mener une politique internationale de plus en plus chiraquienne, Sarkozy pourrait voir dans l’urne les pronostics déjà peu réjouissants se transformer en Naqba humiliante. Autre remarque de clarification juffienne : lorsque la pérennité de l’Etat hébreu est en jeu – et c’est manifestement le cas -, les amis d’Israël font bloc et perdent leur sens de l’humour. Un vote d’abstention de la France à l’ONU ne suffirait pas à conserver à son président la sympathie de la partie de son électorat, pour laquelle la sécurité d’Israël représente la préoccupation politique principale. Une partie des Français qui déborde de plusieurs millions de personnes de la communauté israélite. Attention, même nos contempteurs ont appris à leurs dépens qu’à la Ména nous étions des caïds en arithmétique.

Quelles que soient ses convictions intimes, ce qu’on ne peut pas reprocher à Barack Obama, en revanche, c’est qu’il ne saurait pas conduire une campagne électorale. Dans ces conditions, on a observé, depuis jeudi, un revirement intéressant sur la question du comportement à avoir face à l’épouvantail Fatah-Hamas.

Au début de ce processus précipité, l’administration américaine avait adopté sur ce point une position attentiste proche de celle des Européens : "le risque de voir le Hamas participer au pouvoir palestinien, ou le dérober carrément, ne justifiait pas une remise en question du soutien à la création sans délai de l’Etat palestinien". Sur les bords du Potomac, lors de cette phase initiale, on invitait le Hamas à reconnaître Israël, on distillait des conseils aux Palestiniens, on mettait Mahmoud Abbas en garde, et on rappelait que le Hamas était une organisation terroriste.

Durant cette phase, les officiels US chargés d’ânonner le message présidentiel multipliaient les communiqués et les interventions discrètes auprès de la presse pour faire savoir que "Washington était contrariée par la récente réconciliation du Caire".

Mais la communication très simple de Netanyahu sur ce point : "Abbas doit choisir entre le Hamas ou la paix", et notamment l’impact fort qu’elle a sur les Républicains, majoritaires à la Chambre basse du Congrès, ajoutée aux considérations électoralistes du Président, ont fait évoluer les choses de façon encore plus dramatique que dans l’affaire du tracé de la frontière.

Dimanche, intervenant sur la BBC, dans la foulée de son discours devant l’AIPAC, Barack Obama a en effet déclaré que "le Hamas et le Fatah devaient décider de leur position à l’égard d’Israël AVANT que les discussions de paix puissent reprendre". En adoptant cette nouvelle position, le Président US s’aligne de fait sur celle de Netanyahu, qui rend responsable la direction de l’AP de l’enlisement du processus.

Il est vrai que le positionnement du Fatah, ressassé vendredi par Nabil Shaath, a de quoi inquiéter même les plus fervents partisans de la cause palestinienne. Comment, en effet, alors que l’AP s’apprête à demander à la communauté internationale de reconnaître son caractère étatique, se contenter de l’affirmation selon laquelle la réconciliation avec le Hamas serait "une affaire palestinienne interne" ?

Quant à Mahmoud Abbas, il n’est guère plus convainquant lorsqu’il répète que c’est lui, et non l’organisation islamiste, qui représente les Palestiniens lors des négociations. Est-il nécessaire de préciser que l’organisation en question prétend exactement le contraire ?

Même lorsqu’ils évoquent le gouvernement de transition, formé de technocrates, dont la mission se résumerait à préparer les prochaines échéances électorales, les gens de l’OLP inquiètent. Et si le Hamas remportait lesdites élections ? Peut-on décemment exiger d’Israël qu’elle fasse des concessions territoriales, tandis que celles-ci pourraient profiter à un courant qui cherche à renforcer ses positions stratégiques afin d’éradiquer l’Etat hébreu ? L’Etat hébreu ne marchera pas, et il n’est pas sorcier de le comprendre.

Sur la question la plus urgente du calendrier, à savoir celle du vote de septembre à l’ONU, et éventuellement du recours de l’Amérique à son droit de veto au Conseil de Sécurité, Jérusalem n’a pas de gros soucis à se faire : l’administration Obama, qui considère avoir été trahie sur ce point par Mahmoud Abbas et Salam Fayyad, rejette catégoriquement le concept de création de la Palestine par une décision unilatérale des Nations Unies.

Le Président étasunien s’est maintes fois exprimé à ce sujet. Il l’a redit dimanche : "quel que soit le montage qu’ils (les Palestiniens) préparent à l’ONU, cela ne peut avoir qu’un aspect symbolique. Et le monde a déjà vu beaucoup de ces efforts symboliques par le passé. Ca n’est pas une initiative qui provoque une sympathie particulière aux Etats-Unis, simplement parce que nous pensons que cela évite les problèmes concrets, qui doivent nécessairement être réglés entre les deux parties".

Obama affirme avoir prévenu la direction palestinienne : "Vous n’allez aboutir à rien du tout, sans vous mettre d’accord avec les Israéliens".

Il y a quelques semaines à peine, nous fustigions dans ces colonnes la politique de l’autruche de Benyamin Netanyahu ; nous affirmions qu’il était irresponsable de sa part de n’avoir conçu ni publié aucun plan de paix. Depuis la signature de la réconciliation entre le Hamas et le Fatah – qui pourrait s’avérer être la plus grande erreur dans l’histoire de la cause palestinienne, même si elles y font florès – l’inaction de Bibi n’a plus aucune importance : on ne peut pas négocier avec l’AP tant que le Hamas n’aura pas reconnu le droit d’Israël à l’existence, et ça n’est pas demain la veille.

Le 1er ministre, qui vient, incontestablement, de remporter des victoires à Washington, s’apprête à s’exprimer devant les deux chambres du Congrès réunies. Un privilège extraordinaire qui ne fut donné qu’à une poignée de grands chefs d’Etats par le passé. A ce qui se murmure dans l’entourage de Benyamin Netanyahu, il va "faire le discours de sa vie".

A la Ména, on se gratte la tête en tentant d’imaginer la prochaine surprise que nous réserve le président du Conseil. Après s’être montré intraitable dans le sillage du speech d’Obama et à l’AIPAC, va-t-il générer une ouverture ? Faire montre d’une vision d’avenir, ce que l’on n’a jamais vu chez lui ? Reconnaître la Palestine ? Inviter Mahmoud Abbas chez lui à Jérusalem ? Annoncer la création d’un gouvernement d’union nationale ?

Quoi qu’il fasse, il ne prendra pas beaucoup de risques, car il aura soin d’ajouter à n’importe laquelle de ses propositions "à condition que le Hamas soit exclu de l’AP ou qu’il reconnaisse notre droit à l’existence".

Mais attention : Israël aussi manque des occasions historiques d’être intelligente. Ainsi, elle ne pourra, vraisemblablement, jamais conclure avec les Palestiniens sur les bases avantageuses qui avaient été conçues lors des pourparlers entre Mme Livni et Saëb Erekat. Pour nous aussi, le temps passe et il est fluide. De plus, celui qui s’écoule ne joue pas en notre faveur.

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